Jeudi 18 Ramadan 1445 - 28 mars 2024
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La manière de concilier la recommandation de jeûner les neuf premiers jours de Dhoul Hidjdja faite par le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) et ce qu'on a rapporté de lui concernant son inobservance de ce jeûne.

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Date de publication : 27-09-2014

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Question

J'ai lu dans votre site de nombreuses fatwas prônant le jeûne des dix premiers jours de Dhoul Hidjdja en tant que pratique enseignée par la Sunna. J'ai lu encore un hadith d'Aicha (P.A.a) dont voici le texte: Abou Baker ibn Nafi al-Abdi nous a rapporté qu'Abderrahmane lui a rapporté que Soufyan lui a rapporté qu'Al-Aamach lui a rapporté d'après Ibrahim qui le tenait d'al-Aswad que selon Aicha (P.A.a) le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) ne jeûna pas les dix jours. Cité par Mouslim (2847). Ceci signifie-t-il que le jeûne des dix premiers jours de Dhoul Hdidja n'était pas connu de certains compagnons dont Aicha ou que le Prophète les jeûnait tantôt et s'en abstenait tantôt?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Louanges à Allah

Le jeûne des neufs premiers jours de Dhoul Hidjdja est recommandé de l'avis de la majorité des ulémas d'après ce hadith rapporté par Ibn Abbas (P.A.a) selon lequel le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit:

-Il n'y a pas de jours au cours desquels la bonne œuvre est plus aimée d'Allah qu'au cours de ces jours. Il entend parler des dix jours.

-O Messager d'Allah! Même le combat mené dans le chemin d'Allah?

-Même le combat mené dans le chemin d'Allah, à moins qu'on y engagesa personne et ses biens au point de n'en réserver rien.. (Rapporté par al-Bokhari,969 et par Abou Dawoud, 2438, auteur de la présente version, par at-Tirmidhi,757 et par Ibn Madjah.

Nul doute que le jeûne fait partie des meilleures œuvres car il relève des bonnes actions recommandées en ces jours bénis selon le texte de ce hadith.

Quant au hadith d'Aicha (P.A.a) cité par Mouslim selon lequel le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) n'a pas jeûné les dix jours, il est contredit par un hadith rapporté par Abou Dawoud (2437) d'après Hounaydah ibn Khalid (P.A.a) d'après sa femme qui le tenait de l'une des épouses du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui et agrément d'Allah leur soient accordé à toutes) selon laquelle: Le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) jeûnait neuf jours de Dhoul Hidjdja, le jour d'Achoura et trois jours de chaque mois. Cheikh al-Albani (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a déclaré sa chaine de transmission sure dans Sahih Abou Dawoud.

Les ulémas ont exprimé plusieurs avis sur la question dont voici quelques uns:

Premièrement, Aicha (P.A.a) a rapporté ce qu'elle savait et l'autre (coépouse) a donné une information contraire. Or celui qui sait l'emporte sur celui qui ne sait pas; celui qui affirme prime sur celui qui nie.

Cheikh Ibn Outhaymine (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit :«L'imam Ahmad (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit dans le cadre de sa réfutation de l'existence d'une contradiction entre les deux hadith: Certes, celui qui affirme prime sur celui qui nie. Extrait de charh al-moumt'i (6/154).

Deuxièmement, la parole l'emporte sur l'acte. Le hadith d'Ibn Abbas est une parole et celui d'Aicha rapporte un acte. Dans un tel cas, la parole prime car l'acte peut constituer une prérogative ou justifié par une excuse, etc.

Cheikh al-Albani (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit:« La parole prononcée par le Messager d'Allah (paix sur lui) à l'adresse de la Ummaest une législation générale. Quant à son acte, il peut constituer une législation générale en l'absence d'unélément allant dans le sens contraire. Il peut aussi constituer une prérogative prophétique (Bénédiction et salut soient sur le Prophète).

http://audio.islamweb.net/audio/index.php?page=FullContent&audioid=109208

Troisièmement, il est possible que le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) abandonnât le jeûne des jours en question de manière accidentelle pour un voyage ou une maladie ou une occupation ou consort. Aussi Aicha n'aurait fait que rapporter ce qu'elle a constaté.

An-Nawawi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit: S'agissant du hadith d'Aicha, elle y dit : je n'ai jamais vu le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) jeûner au cours des dix jours. Selon une autre version: Il n'a pas jeûné les dix jours. Les deux versions sont rapportées par Mouslim dans son Sahih.

Les ulémas ont dit qu'il faut interpréter les propos d'Aicha dans le sens de la négation d'avoir vu l'acte, ce qui n'exclut pas l'existence de celui-ci. En effet, le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) passait l'un des neuf jours chez Aicha et les autres chez ses coépouses (Puisse Allah les agréer). On peut aussi supposer que le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) jeûnâttantôt une partie des jourstantôt tous les jours et s'en abstînt parfois pour une cause accidentelle comme un voyage ou une maladie ou d'autres. Ceci permet de concilier les hadiths.» Extrait d'al-Madjmou (6/441).

Chawkani (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit: «On a déjà cité des hadiths qui évoquent la valeur des actions faites au cours des dix premiers jours de Dhoul Hidjdja en général. Le jeûne y est inclus. Quant au hadith cité par Mouslim selon lequel Aicha a dit: Je n'ai jamais vu le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) jeûner au cours des dix jours. Les ulémas disent qu'elle entend qu'il ne le jeûnait pas quand un facteur accidentel l'en empêchait comme une maladie ou un voyage ou un autre. Ils disent encore que le fait pour elle de ne pas le voir jeûner ne signifie pas qu'il ne le faisait pas d'autant plus que ses propos attestent que le jeûne est institué comme l'indiquent les hadiths relatifs au sujet. L'absence de leur traduction en acte ne les remet pas en cause.»Extrait de Nayl awtaar (4/283).

Quatrièmement, il se peut que le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) s'abstînt de jeûner ces jours parfois car il lui plaisait d'accomplir une action tantôt et de l'abandonner tantôt par crainte qu'elle ne se transforme en obligation pour la Umma. C'est le cas de son abandon des prières nocturnes surérogatoires à faire en groupe au cours du Ramadan. En effet, il lui arrivait de cesser un acte et d'y faire preuve de souplesse par compassion pour la Umma.

Al-Bokhari (1128) et Mouslim (718) ont rapporté qu'Aicha (P.A.a)a dit: «Je n'ai jamais vu le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) accomplir la prière de milieu de matinée. Quant à moi, je le faisais puisque je savais qu'il arrivait au Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) de s'abstenir d'une action par crainte qu'elle soit prescrite aux gens. pourtant il n'en aimait pas moins qu'on la fasse l'action (volontairement).

Al-Hafedh (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit: «On a déduis du hadith d'Ibn Abbas la valeur du jeûne des dixpremiers jours de Dhoul Hidjdjah car le jeûne est compris dans les actes (méritoires). Ceci ne peut pas être remis en cause par ce qui a été rapporté par Abou Dawoud et par d'autres d'après Aicha à savoir qu'elle adit: Je n'ai jamais vu le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) jeûner au cours des dix jours. car cela peut être dû au fait qu'il s'abstenait d'accomplir un acte afin d'éviter qu'on n'en fît une obligation pour la Umma, même s'il aimait que l'acte soit accompli (volontairement). Extrait de Fateh al-Bari (2/460).

Cinquièmement, on a dit que le hadith évoquant le jeûne du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) pendant les neuf premiers jours de Dhoul Hidjdja est faible et ne peut pas servir d'argument. Le hadith fait l'objet d'une divergence (quant aux personnes constituant sa chaîne de transmission). On l'a rapporté de Hounaydah d'après sa femme qui le tenait de l'une des épouse du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui). On l'a rapporté encore d'après Hounaudah qui le tenait de Hafsa, l'épouse du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui). On l'a rapportéde Hounaydah d'après sa mère qui le tenait d'Oum Salamah sous une forme succincte.» Nasbou rayah (2/157).

L'argument de l'institution du jeûne des jours en question réside dans la portée générale du hadith d'Ibn Abbas.

Ibn Outhaymine (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a été interrogé en ces termes: A-t-il été rapporté que le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) a jeûné tous les dix premiers jours de Dhoul Hidjdjah?

Voici sa réponse: «On a reçu du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) un enseignement qui dépasse le jeûne car en plus de l'exhortation à jeûner les jours en question, il dit:

-Il n'y a pas de jours au cours desquels la bonne œuvre est plus aimée d'Allah qu'au cours de ces jours. Il entend parler des dix jours.

-O Messager d'Allah! Même le combat mené dans le chemin d'Allah?

-Même le combat mené dans le chemin d'Allah, à moins qu'on y engagesa personne et ses biens au point de n'en réserver rien.. Or, il est bien connu que le jeûne fait partie des meilleures œuvres.

Quant à sa pratique (du jeûne en question), elle fait l'objet de deux hadiths, celui d'Aicha et celui de Hafsa. Quant à la première, elle dit: Je n'ai jamais vu le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) jeûner au cours des dix jours. Quant à la seconde , elle dit que le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) ne manquait pas de les jeûner.» Quand deux hadiths se contredisent puisque l'un affirme et l'autre nie, le premier l'emporte sur le second. C'est ce qui fit dire à imam Ahmad: le hadith de Hafsa affirme et celui d'Aicha infirme or l'affirmation prime sur l'infirmation. Retiens donc l'indication des mots (le sens apparent).»

Quant à la pratique, elle ne constitue pas une condition; il n'est pas nécessaire que nous sachions que le Messager ait pratiqué (le jeûne) ou que ses compagnons l'aient fait ]puisqu'il suffit que nous soyons sûrs qu'il l'a recommandé[. Si nous disions que nous ne nous servons d'un argument que si nous savons que les compagnons s'y s'étaient conformés en pratique, nous aurions raté beaucoup d'actes cultuels. Mais nous avons devant nous un mot qui comporte une preuve éclatante mise à notre disposition et que nous avons le devoir d'appliquer; que nous sachions que les gens s'y s'étaient conformés dans le passé ou pas.» Extrait de Liqaa al-Bab al-maftouh (92/12).Se référer pour davantage d'informations à la réponse donnée à la question n° 145046.

Allah le sait mieux.

Source: Islam Q&A