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Le père néglige sa famille et sort avec la Djama’atou Tabligh

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Date de publication : 12-11-2001

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Question

Comment juger le père qui néglige sa famille, n’assure pas sa dépense, touche une allocation chômage et épargne ses biens. Quant à la somme perçue par ma mère pour la garde des enfants, on l’utilise pour assurer le nécessaire en matière alimentaire. Est-ce que la colère que nourrit mon père à mon égard à cause de ces biens et qui le pousse à ne plus me parler entraîne un péché de ma part ? Commettrais-je un péché en m’adressant à ma mère sans parler à mon père ? Celui qui se livre à la prédication avec la Djam’atou Tabligh, mais n’assume plus aucune responsabilité au niveau de la famille. Est-ce que les Compagnons se comportaient de la sorte : sortaient-ils pour la prédication en abandonnant leurs enfants ?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Nul doute que ce problème et ceux qui lui ressemblent sont dus à l’ignorance des lois de la religion, au manque de connaissance de ses devoirs à l’égard de ceux que l’on doit prendre en charge et des droits et obligations qu’Allah a prescrits au fidèle à l’égard de sa famille.

L’un des droits les plus importants que l’on doit acquitter au profit de l’épouse et de ses enfants consiste à supporter leur dépense d’entretien. Mieux, l’un des plus importants actes de rapprochement et d’obéissance (à Allah) que le fidèle puisse faire consiste à assurer cette dépense qui couvre la fourniture de la nourriture, de la boisson, de  vêtements et du logement, ainsi que tout ce dont l’épouse et les enfants ont besoin pour leur subsistance.

Allah (nous) a informés que ce sont les hommes qui assurent les dépenses d’entretien des femmes et que c’est pour cela que la direction du foyer leur revient ; ils ont le dessus sur elles pour cela et pour la dot qu’ils versent.  ce propos, le Très Haut et béni a dit :  Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu' Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu' ils font de leurs biens. (Coran, 4 :34 ).

L’obligation portant sur l’entretien alimentaire s’atteste aussi bien dans le Coran que dans la Sunna authentique et le consensus des ulémas; aussi bien dans le du révélé que dans le rationnel.

S’agissant des arguments tirés du livre, il en est la parole du Très Haut : Que celui qui est aisé dépense de sa fortune; et que celui dont les biens sont restreints dépense selon ce qu' Allah lui a accordé. Allah n' impose à personne que selon ce qu' Il lui a donné, et Allah fera succéder l' aisance à la gêne.   (Coran, 65 :7 ) et la parole du Très Haut : Allah n’impose à personne  ce qui est au-dessus de ses moyens   (Coran, 2 :286)

Quant aux arguments tirés de la Sunna, de nombreux hadith indiquent que le mari doit assurer la dépense pour sa femme, ses enfants et ceux qu’il a pris en charge. Selon un hadith sûr rapporté de Djabir ibn Abd Allah (P.A.a), le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) a dit dans le discours de son pèlerinage d’adieu :  Craignez Allah dans (vos rapports avec) les femmes ; elles sont prisonnières chez vous. Vous les avez prises avec la garantie d’Allah et vous vous permettez d’avoir des rapports intimes avec elles grâce au mot d’Allah ; vous avez à leur assurer subsistance et habillement conformément au bon usage.  (rapporté par Mouslim, 8/183).

D’après Amr ibn al-Ahwas (P.A.a) il a entendu le Messager d’Allah (bénédiction et salut soient sur lui) dire dans son pèlerinage d’adieu :   Il est vrai que vous avez des droits sur vos femmes qui ont des droits sur vous ; vos droits sur vos femmes sont qu’elles ne doivent pas permettre à quelqu’un que vous détestez s’asseoir sur votre lit, et ne doivent même pas lui permettre d’entrer chez vous. Quant à leurs droits, ils consistent au bon traitement, à l’habillement et à l’entretien alimentaire.  (rapporté par at-Tarmidhi, 1163 et Ibn Madja, 1851).

Selon un hadith, Muawiyya ibn Hayda (P.A.a) a dit : « J’ai dit : « ô Messager d’Allah ! Que doit l’un de nous à sa femme ?

- Il doit la nourrir de sa propre nourriture, l’habiller comme il le fait pour lui-même, ne pas déformer le visage et ne pas la frapper. » (rapporté par Abou Dawoud, 2/244) et Ibn Madja, 1850 et Ahmad, 4/446).

L’imam al-Baghawi a dit : al-Khattabi a dit :  ceci est une prescription de la dépense et de l’habillement à son profit selon les moyens du mari. Comme le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) en a fait un droit pour elle, son acquittement incombe au mari aussi bien pendant sa présence au foyer que pendant son absence. S’il n’en dispose pas à son échéance, cela devient une dette comme les autres ; que le juge ait décidé de lui allouer une somme en l’absence du mari ou pas. 

Wahb dit : «  Un esclave d’Abd Allah ibn Amr lui a dit :   Je voudrais passer ce mois-ci ici à Jérusalem. 

-  As-tu laissé à ta famille de quoi se nourrir pendant ce mois ? 

-   Non 

- «  Retourne à ta famille et donne leur de quoi se nourrir. Car j’ai entendu le Messager d’Allah (bénédiction et salut soient sur lui) dire :  Aucun péché commis par un homme ne serait plus grave que l’abandon de celui qu’on doit prendre en charge . (rapporté par Ahmad, 2/160 et Abou Dawoud, 1692)

La première version du hadith porte chez Mouslim le numéro 245 et se présente en ces termes :  Aucun péché commis ne serait plus grave que la privation de celui que l’on doit nourrir .

D’après Anas Ibn Malick (P.A.a), le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) a dit :   Allah interrogea chacun sur ce qui lui a été confié pour savoir s’il la conservé ou perdu, et Il interrogera l’homme sur les membres de sa famille.  (rapporté par Ibn Hibban).

Abou Hourayra (P.A.a) dit dans un hadith : «  J’ai entendu le Messager d’Allah (bénédiction et salut soient sur lui) dire :  Au nom d’Allah, il est préférable pour l’un de vous d’aller ramasser du bois (de chauffe), de le transporter au dos, de le vendre, de se nourrir du prix et d’en faire des aumônes que de se présenter à quelqu’un pour le solliciter ; qu’il donne ou pas. C’est parce que la main supérieure est meilleure que la main inférieure. Commence par celui que tu as en charge . (Mouslim, 3/96. Une version rapportée par Ahmad (2/524) ajoute :   On lui dit : qui est celui qu’on a en charge ?  -  Ta femme en fait partie  dit le Prophète.

Selon un hadith de Djabir Ibn Samoura (P.A.a), le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) a dit :   Quand Allah a donné des biens à l’un d’entre vous, qu’il se serve d’abord puis qu’il serve sa famille  (rapporté par Mouslim, 1454).

Quant au consensus des détenteurs de la science, l’imam al-Muwaffaq ibn Qudama (Puisse Allah lui accorder sa miséricorde) dit dans al-Moughni (7/564) : « Les détenteurs de la science sont unanimes à soutenir l’obligation de supporter les dépenses des épouses par les maris majeurs, exception faite des épouses désobéissantes comme l’ont mentionné Ibn al-Moundhir et d’autres.

Les textes religieux susmentionnés indiquent la nécessité pour l’homme d’assurer la dépense de sa famille et de veiller à leurs intérêts, notamment leur prise en charge. En outre, de nombreux hadith rapportés du Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) en prouvent le mérite car ils révèlent que cela fait partie des bonnes oeuvres auprès d’Allah le Très Haut.  ce propos, il est également rapporté dans un hadith d’Abou Massoud al-Ansari (P.A.a) que le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) a dit :  Si un musulman effectue une dépense au profit de sa famille pour en être récompensé (par Allah) la dépense deviendra une aumône pour lui  (rapporté par Boukhari, 1/136).

Al-Hafiz Ibn Hadjar (puisse Allah lui accorder Sa miséricorde ) a dit dans al-Fateh : 19498) :   La dépense pour la famille est jugée unanimement obligatoire. Le législateur l’a dénommée aumône par crainte que l’on ne croie que son acquittement ne leur procure aucune récompense. Comme ils connaissaient la récompense que l’aumône générait, il a voulu leur éviter de la donner à d’autres avant d’assurer l’autosuffisance de leur famille. Il s’agissait de faire désirer l’acquittement de l’aumône obligatoire avant de s’adonner à celle facultative .

Selon un hadith de Saad ibn Malick  (P.A.a), le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) lui a dit :  Certes, quelle que soit la dépense que tu effectues au profit de ta famille, tu en seras récompensé ; même une bouchée que tu mettrais dans la bouche de ta femme  (rapporté par Boukhari, 3/164 et Mouslim, 1628).

D’après Abou Hourayra (P.A.a), le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) a dit :  Un dinar que tu dépenses pour la cause d’Allah, un dinar que tu dépenses pour libérer un esclave, un dinar que tu donnes en aumône à un pauvre et un dinar que tu dépenses au profit de ta famille ; de tout cela le dernier génère la plus importante récompense.  (rapporté par Mouslim, 2/692).

Selon un hadith, Kaab ibn Udjra (P.A.a) a dit : « Un homme passa près du Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) et ses compagnons remarquèrent et admirèrent la vivacité de son allure et dirent : « ô Messager d’Allah ! Et si celui-là se mettait au service d’Allah ?

-  S’il est sorti pour nourrir ses petits enfants, il est au service d’Allah ; s’il est sorti pour bien s’occuper de ses vieux parents, il est au service d’Allah ; s’il est sorti pour trouver les moyens de s’assurer sa propre subsistance, il est au service d’Allah. S’il est sorti par hypocrisie et par vanité, il est au service de Satan.  (rapporté par at-Tabarani (Sahih al-Djami’, 2/8).

Les ancêtres pieux (Puisse Allah le Très Haut leur accorder Sa miséricorde) avaient bien compris ce devoir au point qu’il éclairait leur vie scientifique au sein de leurs familles. Combien est importante la parole de l’imam, le très dévot, Abd Allah Ibn al-Moubarak (Puisse Allah lui accorder sa miséricorde) selon laquelle :  rien n’est plus méritoire que de travailler pour gagner sa vie, même la lutte pour la cause d’Allah  (8/399).

Il n’est donc pas permis à un musulman de livrer sa famille à l’abandon sous prétexte de participer à un voyage de bienfaisance et d’obéissance puisque l’abandon de sa famille et leur non prise en charge est interdite. Il a déjà été citée la recommandation faite par Abd Allah ibn Amr à celui qui voulait séjourner à Jérusalem pour qu’il s’occupât de l’entretien de sa famille d’abord.

Auteur de la question,

vous devez donner à votre père un conseil inspiré par la présente réponse et lui expliquer la réalité avec douceur. Quand vous aurez colmaté la brèche et traité la négligence commise par votre père et compensé le déficit par vos propres biens dans la mesure du possible, vous mériterez une grande récompense, s’il plaît à Allah. Nous demandons à Allah d’améliorer les conditions de tous.

Puisse Allah bénir notre Prophète Muhammad.

Source: Sheikh Muhammed Salih Al-Munajjid