Jeudi 18 Ramadan 1445 - 28 mars 2024
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Il est préférable de se mettre à l’écart en cas de troubles quand le musulman craint pour sa religion

Question

J’ai lu ce hadith rapporté par al-Boukhari que je ne comprends pas. Le hadith signifie qu’il viendra un temps pendant lequel le musulman ferait mieux de disposer de quelques moutons qu’il rassemblerait sur une montagne pour sauver sa foi devant l’envahissement des troubles. J’espère que vous m’expliquerez le sens de ce hadith.

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Le commentaire du hadith : ce hadith est cité par al-Boukhari à différents endroits de son Sahih notamment au hadith n° 7088 qui figure au chapitre sur les troubles. D’après Abou Said al-Khoudri (P.A.a), le Messager d’Allah (bénédiction et salut soient sur lui) a dit :  Il s’en faut de peu pour que le meilleur capital pour un homme consiste dans un troupeau de moutons qu’il ferait paître autour des montagnes et des terres arrosées par la pluie afin de mettre sa foi à l’abri des troubles . Mouslim a rapporté dans son Sahih un hadith similaire d’après Abou Said al-Khoudri selon lequel un homme s’était adressé au Prophète  (bénédiction et salut soient sur lui) et lui avait dit :

-  Qui est le meilleur des hommes ? 

-   un homme qui se bat dans le chemin d’Allah par ses biens et sa personne 

-  puis qui ? 

-  Un croyant qui se réfugie au fond d’un col pour adorer son Maître et s’abstenir de faire du mal .

L’expression  chaaf al-djibaal  signifie sommet des montagnes. Quant au  chiib  il signifie espace séparant deux montagnes. An-Nawawi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit dans son commentaire du Sahih de Mouslim (13/34) : « Il ne faut pas prendre  chiib  au sens propre, car il s’agit de prôner l’isolement. L’usage du vocable  chiib  est fait à titre d’exemple parce que l’espace qu’il désigne est le plus souvent désert ».

Le hadith indique le préférence de l’isolement, l’abandon de la fréquentation des gens quand on craint pour sa foi en raison de la recrudescence des conflits quand la situation est telle qu’en fréquentant les gens on risque de perdre la foi ou de s’écarter de la vérité ou de tomber dans le polythéisme ou d’abandonner les pratiques fondamentales de l’Islam, etc.

Al-Hafiz ibn Hadjar dit dans al-Fateh (13/42) :  L’information indique la préférence de l’isolement pour celui qui craint pour sa foi .

As-Sindi dit dans son commentaire sur An-Nassaï (8/124) :  Il signifie qu’il est permis, voire préférable, de s’isoler en cas de conflits (internes) .

Dans le deuxième hadith sus-mentionnés le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) classe le croyant qui s’isole après le combattant dans le chemin d’Allah, quant à leurs mérites respectifs ». al-Hafiz ibn Hadjar dit dans al-Fateh (6/6) : « si l’isolement procure du mérite au  croyant c’est parce que la fréquentation des gens l’entraîne  inéluctablement vers le péchés. Et ceux-ci peuvent être plus importants que les bienfaits qui résultent de sa fréquentation des gens. Cependant la préférence de l’isolement concerne exclusivement les périodes de conflits (internes). Citation indirecte.

S’agissant de s’isoler en dehors des périodes de conflits et en l’absence de toute crainte pour sa foi, les ulémas ont émis différents avis à cet égard. La majorité d’entre eux soutient que la fréquentation des gens est préférable à l’isolement et ils s’appuient sur plusieurs arguments :

1/ C’était l’attitude du Prophète (bénédiction et salut soient sur lui), des prophètes antérieurs et de la majorité des Compagnons (P.A.a) » Voir le commentaire d’An-Nawawi sur Mouslim, 13/34.

2/ At-Tirmidhi et Ibn Madjia ont rapporté respectivement sous les numéros 5207 et 4032 que le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) a dit :  le croyant qui fréquente les gens et supporte leurs nuisances remportera une récompense plus importante que celui qui ne fréquente pas les gens et n’endure pas leurs nuisances . (déclaré authentique par al-Albani dans Sahihi at-Tirmidhi, 2035.

As-Sindi dit dans ses commentaires sur Ibn Madja, 2/493 :  le hadith indique que celui qui fréquente les gens et les supporte est meilleur que celui qui s’isole .

Dans Souboul as-salâm (4/416), As-Sanaani dit :  Ceci implique la supériorité de celui qui fréquente les gens de manière à pouvoir leur recommander le bien et leur interdire le mal et les traiter bien. En effet, il est supérieur à celui qui s’isole et ne supporte pas la fréquentation .

3/ At-Tirmidhi (1574) a rapporté qu’Abou Hourayra (P.A.a) a dit : « L’un des Compagnons du Messager d’Allah (bénédiction et salut soient sur lui) traversa un col qui abrite une source d’eau douce dont il admira la saveur au point de se dire : si seulement je pouvais me mettre à l’écart des gens en me réfugiant dans ce col ! Mais je ne le ferai pas avant d’obtenir la permission du Messager d’Allah (bénédiction et salut soient sur lui). Quand il en informa ce dernier, il lui dit : « Ne le fais pas, car s’engager dans le chemin d’Allah est plus méritant que d’accomplir des prières chez soi pendant 70 ans. N’aimez-vous pas qu’Allah vous pardonne  et vous accueille au paradis ? Combattez dans le chemin d’Allah. Quiconque combat dans le chemin d’Allah (à l’aide d’une chamelle ?) mérite le pardon, (déclaré  beau  par al-Albani dans Sahih at-Tirmidhi, 1348).

4/ Ce que le musulman réalise grâce à la fréquentation des autres en fait d’intérêts religieux.

En effet, la fréquentation des gens permet mieux d’observer les pratiques de l’Islam , de laisser apparaître l’importance quantitative des musulmans, de faire toutes sortes de bonnes actions en matière de secours, d’assistance, de participation à la prière du vendredi, de participation aux prières collectives, d’accompagner les morts (à leur dernière demeure), de s’enquérir des malades, de participer à l’animation des cercles de rappel d’Allah, etc.

Voir Fateh al-Bâri (13/43) et le commentaire d’an-Nawawi sur Mouslim (13/34). Allah est le garant de l’assistance. Allah le Très Haut le sait mieux. Puisse Allah bénir et saluer notre Prophète Muhammad, sa famille et ses Compagnons.

Source: Sheikh Muhammed Salih Al-Munajjid