Louange à Allah.
Celui qui abandonne la prière parce qu’il nie son caractère obligatoire bien que sachant qu’Allah en a donné l’ordre, celui-là est un apostat, selon le consensus de la umma. Celui qui l’abandonne parce qu’il nie son caractère obligatoire par ignorance et à cause de sa conversion récente à l’islam, celui-là n’est pas jugé mécréant. Mais on doit la lui apprendre et lui en donner l’ordre.
Ibn Abdel Barr (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit : « tous les musulmans conviennent que celui qui nie le caractère obligatoire de la prière est un mécréant qui doit être exécuté s’il ne se repent pas. Une divergence les oppose toutefois à propos du cas de celui qui en reconnait le caractère obligatoire mais refuse délibérément de l’observer tout en étant capable. » Extrait de istidhkaar (2/149).
Ibn Qoudamah (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit : « Celui qui abandonne la prière se trouve dans l’un de ces deux cas : soit il en nie le caractère obligatoire, soit il ne le nie pas. S’il en nie le caractère obligatoire, on examine son état (de connaissance). S’il ignore cela puisqu’il fait partie de ceux qui sont susceptibles de l’ignorer , comme les nouveaux convertis et les bédouins, on lui en apprend le caractère obligatoire et on ne le juge pas mécréant car il a une excuse. S’il ne fait pas partie de ceux qui sont susceptibles d’ignorer le statut de la prière comme ceux qui sont nés au sein des musulmans des agglomérations villageoises ou urbaines, on ne le lui excuse pas et l’on n’accepte pas qu’il ait agi par ignorance et on le juge mécréant.
« En effet, les arguments attestant le caractère obligatoire de la prière apparaissent clairement dans le Coran et la Sunna, et les musulmans en perpétuent la pratique. Son caractère obligatoire ne peut pas échapper à celui qui vit parmi eux. S’il le nie, il ne le fait que parce qu’il démentit Allah et Son messager et s’oppose au consensus de la umma. Celui qui adopte une telle attitude devient un apostat selon l’islam. On lui applique les dispositions régissant son statut, à savoir : on lui demande de se repentir et l’exécute en cas de refus. Je ne sache pas que ceci fasse l’objet d’une divergence. » Extrait d’al-Moughni (2/156).
Quant à celui qui abandonne la prière par négligence ou par indifférence, c’est son cas qui fait l’objet d’une divergence au sein des ulémas. Les uns le jugent mécréant et d’autres ne le jugent pas mécréant. D’autres encore le jugent mécréant quand il l’abandonne totalement et définitivement car s’il prie parfois et s’en abstient parfois, on ne le juge pas mécréant. »
On lit dans l’encyclopédie juridique (27/53-54) : « Les malikites et les chafiites soutiennent que celui qui abandonne la prière par négligence et par paresse mais n’en nie pas le caractère obligatoire doit être tué en application de la charia. Ce qui signifie que son statut post mortem est celui d’un musulman puisqu’on lui fait la toilette et la prière mortuaires et l’enterre dans un cimetière musulman.
Les hanbalites soutiennent que celui qui abandonne la prière par paresse doit être invité à l’observer en lui disant : ou bien tu pries ou bien on te tue. S’il se remet à prier (tant mieux) sinon, on doit le tuer. On ne l’exécutera qu’après l’avoir emprisonné trois jours en l’invitant à participer à chaque prière, s’il y participe (on le libère) sinon on le tue, en application de la charia pour certains, et en tant que mécréant, pour d’autres. Dans ce dernier cas, on ne lui fait ni la toilette ni la prière mortuaires et on ne l’enterre pas dans un cimetière musulman. Cependant, on ne le réduit pas à l’état d’esclavage et on ne capture pas les membres de sa famille comme ses enfants, ce qui est conforme à la manière de traiter avec les apostats. »
Ibn Outhaymine (Puisse Allah lui accorder sa miséricorde) : « Il me semble que l’individu ne devient mécréant qu’en cas d’abandon total et définitif de la prière. Quant à celui qui prie tantôt et s’en abstient tantôt, il n’est pas mécréant. » Extrait de Madjmou’ fatwa d’Ibn Outhaymine (12/55). Se référer à la réponse donnée à la question n° 5208 .
On a rapporté de plus d’un uléma qu’un consensus s’était dégagé à propos de la mécréance de celui qui abandonne la prière. Isaac ibn Rahouyah dit : « C’est l’avis des ulémas depuis le temps du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) jusqu’à nos jours. » Extrait de l’istidhkaar (2/150).
Ils tirent leur argument de l’apparence des textes qui permettent de le juger mécréant. Abdoullah ibn Chafiq al-Ouayli : « Les compagnons de Muhammad (Bénédiction et salut soient sur lui) ne pensaient pas que l’abandon d’une pratique pouvait entraîner la mécréance, exception faite de la prière. » (Rapporté par at-Tirmidhi (2622) et déclaré authentique par al-Albani dans Sahihi at-Tirmidhi. Se référer à la réponse donnée à la question n° 9400 .
Leurs contradicteurs ont rapporté l’existence d’un consensus allant dans le sens inverse en disant : « Voilà l’objet du consensus des musulmans. Nous ne sachions pas qu’à une époque quelconque qu’on n’ait refusé de faire la toilette et la prière mortuaires à quelqu’un qui avait abandonné la prière ni refusé de l’enterrer dans le cimetière des musulmans, ni empêché ses héritiers de recevoir son héritage ni l’empêcher d’hériter de ses parents. Nous ne sachions pas non plus qu’on l’ait séparé de sa femme ou de son mari, en dépit du grand nombre de personnes qui n’observent pas la prière. Si celui qui abandonne la prière était un mécréant, on lui appliquerait toutes ces dispositions.
Nous ne sachions pas qu’il y ait une divergence au sein des musulmans sur le fait que celui qui abandonne la prière doit rattraper les prières non observées. S’il était un apostat, il ne serait tenu de rattraper ni prière ni jeûne. Quant aux hadiths qui le jugent mécréants, ils ne font qu’exprimer la gravité de son acte et l’assimiler aux mécréants mais ne signifient nullement qu’il est vraiment un mécréant. C’est comme les propos du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) : « Insulter un musulman est une déviation et le combattre une mécréance. » et ses propos : « Celui qui boit du vin est comme un idolâtre. » entre autres expressions véhiculant la gravité et la menace. » Voir al-Moughni (2/157).
Aussi, la question fait elle l’objet d’un effort personnel d’interprétation des deux côtés. Le premier groupe pense que les précédents propos d’Abdoullah ibn Chafiq indiquent clairement qu’un consensus s’était dégagé au sein des compagnons sur la mécréance de celui qui abandonne la prière, ce qui a poussé le groupe à parler de consensus. Le second groupe a constaté que la pratique observée par les musulmans à travers les siècles consistant à faire la toilette et la prière mortuaire à ceux ayant abandonné la prière et leur enterrement dans les cimetières musulmans indiquent qu’ils sont tous d’avis qu’ils ne sont pas des mécréants. Les membres de ce groupe pensent que les hadiths qui indiquent apparemment le contraire et les propos d’Abdoullah ibn Chafiq ne font qu’exprimer la gravité de l’acte et la menace qu’il fait peser sur son auteur.
La question est controversée. De même que l’authenticité des textes et leur compréhension peuvent faire l’objet de divergence, de même ils peuvent apprécier différemment les textes qui expriment apparemment un consensus. De ce fait, on ne peut pas dire : si un groupe s’appuie sur des arguments religieux, comment l’autre groupe les a ignorés ? Car on leur dit : les textes ne sont pas ignorés par l’autre groupe mais ils se sont efforcés à les comprendre et à en déduire des dispositions.
Il en est de même de la question du consensus car ceux qui affirment que l’auteur de l’abandon de la prière n’est pas un mécréant ne remettent pas en cause lesdits hadiths ni les propos susmentionnés d’Abdoullah ibn Chafiq mais ils pensent que même si les textes emploient le terme mécréant à propos de celui qui abandonne la prière, cette mécréance n’est pas celle qui exclut son auteur de la religion. Voilà pourquoi la divergence que suscite la question est bien pertinente.
Le premier groupe parle de consensus en se référant à l’apparence des textes, dont l’authenticité n’est contestée par personne, aux propos d’Abdoullah ibn Chafiq, d’Isaac ibn Rahoyah et consorts. Le second groupe parle d’un consensus fondé sur la pratique perpétuée par la umma dans le temps et l’espace.
Le fait pour les deux groupe de parler de consensus est discutable car si chaque reconnaissait la prétention de l’autre et le considérait comme un consensus clair et bien établi, il ne le contredirait pas. La vraie question est de prouver qu’il y a eu le consensus prétendu.
Allah le sait mieux.