Louange à Allah.
Louanges à AllahPremièrement, en principe, le musulman ne devrait pas prendre un salaire pour l’accomplissement d’une pratique cultuelle. Celui qui entreprend une telle pratique pour une fin profane ne sera pas récompensée par le Très-haut : Ceux dont l’ambition se limite aux plaisirs et au faste de ce monde, Nous rétribuerons leurs efforts dans ce monde même, sans leur faire subir la moindre injustice ; mais ceux-là n’auront dans la vie future que le Feu, car toutes leurs œuvres ici-bas seront vaines et tout ce qu’ils auront accompli sur Terre sera sans valeur. (Coran, 11 :15-16).
Deuxièmement, si l’utilité de la pratique cultuelle s’étend à d’autres que son auteur, comme c’est le cas de l’exorcisme fait à l’aidedu Coran ou son enseignement ou l’enseignement du hadith, il est permis à l’enseignant de se faire rémunérer, selon la majorité des ulémas, exception faite des anciens hanafites, en contre partie des avantages procurés à autrui à travers le traitement et l’apprentissage.
La sunna prophétique comporte des éléments qui corroborent l’avis de la majorité :
-D’après Ibn Abbas (P.A.a) un groupe des compagnons du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) passa auprès d’une source d’eau situé dans un campement dont l’un des habitants avait subi une morsure de serpent. L’un des habitants alla à la rencontre du groupe et dit : Y -a-t- il parmi vous un guérisseur capable de soigner la victime d’une morsure de serpent ? L’un des membres du groupe se mit du coup à réciter la Liminaire à condition de recevoir en contrepartie un troupeau (de moutons). La victime fut guérie et l’intervenant revint auprès de ses compagnons avec le troupeau de mouton. Désapprouvant son geste, ses compagnons lui dirent : tu as pris un salaire contre l’usage du livre d’Allah ? Une fois rentrés à Médine, les membres du groupe dirent : «Messager d’Allah ! Il a utilisé le livre d’Allah pour gagner un salaire ! Ce qui mérite le plus de générer un salaire, c’est l’usage du livre d’Allah. Répondit il (le Messager) (Rapporté par al-Bokhari, 5405) Al-Bokhari (2156) et Mouslim (2201) l’ont cité à partir d’un hadith d’Abou Said al-Khoudri.
An-Nawawi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde), le commentateur de Mouslim, a consacré au hadith un chapitre intitulé : chapitre sur la permission de percevoir un salaire contre l’usage du Coran et des dhikr (au profit d’autrui)
Le même auteur écrit dans son commentaire du hadith : C’est une permission claire de la perception d’un salaire contre un exorcisme pratiqué à l’aide de la Fatiha et du dhikr. Elle indique que l’opération est licite et n’est point réprouvée. Il en est de même de l’enseignement du Coran contre un salaire. C’est l’avis de Chafii, de Malick, d’Ahmad, d’Isaac, d’Abou Thawre et d’autres parmi les ancêtres pieux et ceux venus après eux. Voir charh an-Nawawi (14/188).
Les ulémas de la Commission Permanente pour la Consultance ont écrit : «Vous êtes autorisé à percevoir un salaire sur l’enseignement du Coran. Car le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) a marié une femme à un homme en contrepartie de l’enseignement du Coran par le dernier au profit de la première à titre de dot. Un compagnon perçut un salaire pour avoir soigné un malade mécréant en récitant sur lui la Liminaire. Ce qui fit dire au Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) Ce qui mérite le plus de générer un salaire, c’est l’usage du livre d’Allah. (Rapporté par al-Bokhari et Mouslim). Ce qui est à éviter c’est de percevoir un salaire pour la seule récitation du Coran et l’usage de celui pour solliciter les gens. »
Signé : cheikh Abdoul Aziz ibn Baz, cheikh Abdourrazzaq Afifi, cheikh Abdoullah al-Ghoudayyan et cheikh Abdoullah ibn Qaoud.
Fatwas de la Commission permanente (15/96) Voir d’autres fatwas émises en réponse de la question n° 20100et de la question n° 95781.
Troisièmement, quant aux versets employés comme arguments par votre compagnon, on ne lui reconnait pas ce qu’il en tire car le sens des versets est différent de ce qu’il croit en avoir déduit àpropos de l’interdiction de la prise d’un salaire sur l’enseignement du Coran, du hadith et d’autres sciences religieuses.
Nous ne contestons pas que des ulémas soutiennent l’interdiction de la perception d’un salaire pour l’enseignement du Coran et des sciences religieuses. Ils tirent leurs arguments des versets suivants et d’autres similaires. Cependant, nous ne reconnaissons pas la validité de leurs arguments. En voici l’explication :
1.S’agissant de la parole du Très-haut : ne soyez donc pas les premiers à les renier et à troquer Mes signes contre un vil prix (Coran, 2 :41). Le prix mentionné ici consiste dans la satisfaction générale et non dans la perception d’un salaire contre l’enseignement des versets.
2.Tahir ibn Achour (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) écrit : Sa parole contre un vil prix. (Coran, 2 :79) et Sa parole : Ne vendez pas Mes versets contre un vil prix. (Coran, 2 :41)
Le prix en question est la satisfaction des gens du commun qui obtiennent la modification les dispositions de la religion à leur convenance ou leur attribution du savoir en dépit de leur ignorance. Les incriminés ont inventé des livres remplis d’histoires insensées et d’informations simples dont ils se gargarisaient devant les assemblées. Privés de connaissances justes, en dépit de leur ardent désir de se donner un pouvoir illusoire, ils ont dû se fabriquer des prétextes superficiels, rassembler de faux éléments, de veines paroles qui ne résistent pas à l’analyse scientifique juste. Ils ont diffusé tout cela après l’avoir attribué à Allah et à Sa religion à l’instar des ignorants qui, malgré leur incompétence, s’acharnent à la recherche du pouvoir et se donnent l’apparence d’ulémas devant la masse incapable de distinguer entre l’obèse et le gonflé. » Extrait d’at-Tahrir wa at-Tanwiir (1/577).
Al-Qurtubi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) écrit : «Une divergence de vues oppose les ulémas à propos de la perception d’un salaire sur l’enseignement du Coran et du savoir à cause du sens qu’on donne au présent verset et à d’autres allant dans le même sens. Al-Azhari et les partisans de l’opinion (les hanafites) s’y opposent puisqu’ils disent qu’il n’est pas permis de percevoir un salaire pour l’enseignement du Coran. Pour eux, ce travail fait partie des actes obligatoires dont l’auteur doit être animé par la sincère intention de se reprocher à Allah comme celui qui accomplit la prière ou observe le jeûne. Là, on ne doit pas s’attendre à une rémunération car le Très-haut a dit : Ne vendez pas Mes versets contre un vil prix.
A l’opposé, Malick, Chafii, Ahmad, Abou Thawre et la plupart des ulémas autorisent la perception d’un salaire pour l’enseignement du Coran. Ils s’appuient sur la parole du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) dans le hadith rapporté par Ibn Abbas sur l’exorcisme : Certes, ce qui mérite mieux de générer un salaire c’est l’usage du livre d’Allah. (Cité par al-Bokhari) ce texte met fin à la controverse et doit servir de référence.
S’agissant du recours au raisonnement par analogie impliquant la prière et le jeûne, choisi par l’objecteur, il est invalide en présence d’un texte. Il s’y ajoute qu’il existe une différence entre les éléments comparés car la prière et le jeûne sont des actes cultuels qui ne concernent que leur auteur alors que le profit de l’enseignement du Coran ne se limite pas à l’enseignant. Celui-ci mérite son salaire pour la transmission (d’un savoir) comme l’enseignement de la transcription du Coran.
Quant au verset (2/41), il évoque le cas des Fils d’Israël. La loi de nos prédécesseurs s’applique-t-elle à nous ? La question est l’objet d’une divergence de vues. Abou Hanifa (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) est de ceux qui y répondent par la négative. Une seconde réponse est de dire que le verset s’applique au cas de celui qui est réquisitionné pour enseigner (gratuitement) et qui refuse de le faire sans recevoir un salaire. En l’absence d’une réquisition, on a le droit de percevoir un salaire comme la Sunna l’indique. Si le réquisitionné ne possède pas de quoi assurer ses dépenses personnelles et celles de sa famille, il n’est pas tenu d’enseigner. Il peut aller se livrer à son métier. Le chef de la communauté chargé de faire appliquer la religion doit l’aider. S’il ne peut pas c’est aux musulmans qu’incombe la tâche.
Quand le Siddiq (P.A.a) fut désigné pour exercer le pouvoir et qu’il se retrouva dépourvu de sources lui permettant de prendre en charge sa famille, il prit des tissus et se rendit au marché. Quand on le lui reprocha, il dit : où est-ce que je vais trouver de quoi nourrir ma famille ? Ils (les musulmans) le ramenèrent à sa fonction et assurèrent sa prise en charge.
Quant aux hadiths (opposés à la perception d’un salaire), aucun d’entre eux ne tient debout. Aucun d’entre eux n’est authentique selon les connaisseurs des traditions. L’auteur s’est mis ensuite à critiquer lesdits hadiths. Le présent chapitre, dit-il, ne contient aucun hadith à appliquer nécessairement pour sa mode de transmission. » Extrait succinct du Tafsir d’al-Qurtubi (1/335-336).
S’agissant de la parole du Très-haut : Suivez ceux qui ne vous réclament aucun salaire et qui sont sur le droit chemin ! (Coran, 36 :21) et les autres versets abondant dans le même sens, des ulémas s’en sont servis comme arguments pour soutenir l’interdiction de percevoir un salaire sur l’enseignement du Coran et les sciences religieuse sous prétexte que tel était le cas des Messagers et leurs adeptes.
Cette argumentation est contestable puisque le verset peut ne concerner que celui qui se retrouve le seul à pouvoir assurer la prédication et l’enseignement du savoir. Ce qui exclut celui qui n’est pas le seul à pouvoir les faire. On peut encore interpréter le verset et les autres qui abondent dans le même sens en disant qu’ils impliquent la réprobation de la perception d’un salaire sur cet enseignement de la part de quelqu’un qui peut s’en passer.
C’est l’avis soutenu par Cheikh Muhammad Lamine Chinquiti (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) qui a cité un ensemble de versets qui véhiculent le même sens avant de dire : On déduit de ces nobles versets que le devoir de ceux parmi les ulémas et les autres qui tiennent à suivre les trances des Messagers est d’enseigner gratuitement donc sans percevoir une contrepartie puisqu’il ne convientpas de prendre un salaire sur l’enseignement du livre d’Allah Très-haut, ni sur l’enseignement des dogmes, du licite et de l’illicite. Extrait d’adhwaa al-bayan (2/179). Plus loin, il reprend : Il me semble-mais Allah le sait mieux- qu’en dehors du cas de nécessité, il vaut mieux ne pas prendre un salaire sur l’enseignement du Coran, les dogmes, le licite et l’illicite, compte tenu des arguments déjà cités. En cas de besoin, l’enseignant peut prendre le strict nécessaire au près du Bayt al-mal (Trésor public) car l’argent reçu de cette institution est une aide à se dévouer à l’enseignement et non un salaire. Toujours est-il qu’il est préférable pour celui qui peut s’en passer de ne rien percevoir contre l’enseignement du Coran, des dogmes, du licite et de l’illicite. Extrait d’adhwaa al-bayan (2/182).
Ce choix exprimé par cheikh ach-chinquiti (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a été adopté avant lui par cheikh al-islam, Ibn Taymiyah. Interrogé sur l’attitude d’un homme qui refusait d’enseigner le savoir religieux sans un salaire pour savoir si cela était permis, il a répondu ainsi :«Louange à Allah. En ce qui concerne l’exercice de l’enseignement du Coran et du savoir religieux sans salaire, c’est la meilleure activité et la plus aimée d’Allah. Ceci est une implication de l’islam nécessairement connue. Aucun individu ayant grandi en terre musulmane n’est censé l’ignorer. Les compagnons, leurs successeurs immédiats et les successeurs de leurs successeurs issus des ulémas célèbres au sein de la Communauté pour leur attachement au Coran, au hadith et au droit musulman enseignaient sans salaire. Aucun d’entre eux n’en percevait.
Les ulémas sont les héritiers des prophètes. Or ces derniers n’ont légué ni dinar ni dirham mais ils ont légué le savoir. Celui qui l’aura hérité d’eux aura remporté une énorme part (de leur legs). Les prophètes (paix et salut sur eux) enseignaient sans exiger de salaire. Noé le confirma en ces termes : Je ne vous réclame aucun salaire ; je n’attends ma récompense que du Maître de l’Univers (Coran, 26 :) Houde, Salih et Chouayb ont employé les mêmes termes. Le sceau des Messagers n’en dit pas autrement : «Dis aux impies : Je ne vous réclame aucun salaire pour ce que je vous enseigne et je ne suis pas un maniéré imposteur. (Coran, 38 :) et Je ne vous réclame pour cela nul salaire, et je n’ai d’autre ambition que de vous voir prendre la voie qui mène vers votre Seigneur. (Coran, 25 :57)
Enseigner le Coran, le hadith et le droit musulman et d’autres (connaissances) sans salaire est considéré par tous les ulémas comme une bonne activité, voire une obligation communautaire puisque le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) disait : Transmettez de moi ne serait-ce qu’un verset. et disait : Que le présent transmette (le message) à l’absent.
La dispute des ulémas porte sur la permission de recruter quelqu’un pour enseigner le Coran, le hadith et le droit musulman. Il en a résulté deux avis reçus d’Ahmad. L’un, coïncidant avec la doctrine d’Abou Hanifa, dit que cela n’est pas permis. L’autre, coïncidant avec celui de Chafii, dit que cela est permis. Un troisième avis, exprimé au sein de l’école d’Ahmad, dit qu’il est permis de percevoir un salaire en cas de besoin mais non pour celui qui peut s’en passer. Ceci rappelle les propos du Très-haut concernant le gestionnaire des biens de l’orphelin :Si le tuteur est riche, qu’il s’abstienne de toucher aux biens de ses pupilles ; et s’il est pauvre, il ne doit en user que de façon modérée (Coran,4 :6)
Les enseignants en question peuvent recevoir leurs salaires des musulmans comme c’est le cas pour les imams, les muezzins et les cadis. Tout cela est permis en cas de besoin.
Est-il permis aux intéressés de prendre un salaire, même quand ils sont assez riches pour pouvoir s’en passer ? La réponse est l’objet de deux avis émis par les ulémas.
L’argument fondamental des ulémas qui soutiennent qu’il n’est pas permis de recruter quelqu’un pour ce service est qu’il s’agit d’une activité dont l’auteur doit être de ceux qui cherchent à se rapprocher( d’Allah) à travers l’enseignement du Coran, du hadith, du droit musulman, de la pratique des métiers d’imam et de muezzin. Ce qu’un mécréant ne pourrait pas faire car seul un musulman est habilité à les exercer. C’est tout le contraire des travaux d’utilité publique pouvant être assurés aussi bien par un musulman que par un mécréant comme les mérites de maçon , de tailleur, de tisserand etconsort.
Quand on ne travaille que pour gagner un salaire, l’activité ne possède plus aucune valeur cultuelle et son auteur n’a droit qu’au salaire qu’il cherche. Toute activité accomplie dans le seul but d’obtenir une contrepartie n’est plus un acte cultuel. C’est le cas des activités industrielles entreprises pour gagner un salaire.
Celui qui soutient qu’il n’est pas permis de recruter quelqu’un pour mener lesdites activités, soutient en même temps que ces activités ne peuvent être accomplies que dans un but cultuel puisqu’elles sont assimilable à la prière, au jeûneet à la lecture (du Coran) qui ne peuvent être menée que pour un dessein cultuel. Recruter quelqu’un pour les faire exclut leur dimension cultuelle.
Celui qui soutient la permission se dit qu’il s’agit d’un avantage réalisé au profit du recruteur. Ce qu’il est permis de rémunérer à l’instar de tous les autres avantages.
Celui qui établit une distinction entre celui qui est dans le besoin et celui qui ne l’est pas- avis plus plausible- se dit que le premier peut gagner sa vie tout en nourrissant l’intention d’œuvrer pour Allah. Il prend le salaire pour mieux pouvoir s’adonner au culte. Travailler pour nourrir sa famille est aussi un devoir (religieux). Aussi remplit-il un double devoir. Ce qui est le contraire du riche qui, lui, n’a pas besoin de travailler pour gagner sa vie. Aucun besoin ne l’amène à mener lesdites activités autrement que dans l’intention de complaire à Allah. Mieux, étant rendu riche par Allah et se trouvant devant une prescription communautaire, il est du coup bien concerné. Si l’un des services ne peut être assuré que par lui, il devient pour lui une obligation personnelle. Allah le sait mieux. » Extrait succinct de Madjmou al-fatwa (30/204).
Cela étant, on peut dire qu’il n’existe aucun argument tiré du livre et de la Sunna qui interdit précisément la perception d’un salaire pour l’accomplissement d’un acte cultuel dont l’utilité ne se limite pas à son auteur. Les versets évoqués ne comportent pas une sentence tranchée. Leur usage comme arguments est discutable. Quant aux hadiths, leurs chaînes de transmission sont faibles. Il est possible de le vérifier en se référant au Tafsir d’al-Qurtubi.
Nous en attirons pas moins l’attention de celui qu’Allah Très-haut a rendu riche sur la nécessité de transcender la recherche des biens de ce bas monde à travers l’enseignement du savoir religieux dont Allah Très-haut l’a gratifié.