Louange à Allah.
Louanges à AllahPremièrement, nombreux sont les gens, de différentes religions et écoles (de pensée), qui tombent dans un dérapage intellectuel puisqu'ils prennent des histoires, événements et attitudes concernant des individus comme le fondement d'une décision dogmatique et principielle. Beaucoup de ces histoires, fussent elles vraies, portent sur des actes individuels susceptibles de différentes interprétations et manipulations et d'être entachées de défauts dans leur teneur comme dans leur chaîne de transmission. Il s'y ajoute que la non maîtrise des contextes sociologique, économique et politique d'une histoire peut nous plonger dans la perplexité. On n'est alors embarrassé au point de ne plus savoir comment saisirl'histoire justement. Quand bien même on saisirait justement le contexte de l'histoire, le fait de ne l'avoir pas vécu affaiblit notre capacité de saisir l'histoire.
Ô frère , auteur de la question! Evitez d'empruntercette dangereuse pente glissante! Les croyances et les principes ne doivent être fondés que sur des bases correctes et solides représentés par les constantes et enseignements statiques qui expriment le message sublime et les hautes pensées auxquelles on va adhérer.
Les évènements et comportements individuels racontés doivent être mesurés à l'aide de labalance religieuse car Allah a fixé la mesure de toute chose.Si vous réfléchissiez un peu, vous vous apercevriez du caractère dangereux de ce terrain glissant! Dites, si on demandait à un homme raisonnable pourquoi il rejette le capitalisme par exemple et que , pour toute réponse, il dirait que c'est parce qu'une banque connut une crise dans les années 1970! Sa réponse serait elle convaincante? Si on demandait à un homme raisonnable son avissur une personnalité intellectuelle d'envergure mondiale et qu'il répondait qu'il ne lui fait pas confiance car il s'est disputé une fois avec l'un des amis de la personnalité en question! Croyez vous que sa réponse repose sur un raisonnement cohérent, logique et convaincante?
Voilà ce qui vous arrive si vous traitez avec crédulité certaines histoires , vérifiées ou pas. Vous vous exposeriez à la déstabilisation, et au déséquilibre dans vos jugements. Il faut toujours prendre soin des principes, constantes et paradigmes majeurs qui délimitent les enseignements phares de la religion et laisser les ulémas s'occuper des détailset de la critique méticuleuse du fond.
De là nous venons répondre à l'histoire racontée dans la question. De nombreuses interrogations ont été soulevées pour comprendre le contexte de l'histoire, à supposer qu'elle soit avérée. En fait partie la suivante:
-N'est il pas possible que le regard jeté par le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) sur la femme fut le premier? N'est il pas normal de substituer le licite à l'illicite quand on désire une femme? D'où le lecteur de l'histoire serait allé pêché l'idée selon laquelle le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) convoita la femme en question? Pourquoi vouloir surcharger l'histoire et la sortir de son contexte normal et acceptable? Le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) était un être humain; il mangeait, circulait dans les marchés, s'endormait, se révélait, s'accouplait etfaisait des enfants. Pourquoi désapprouver que son regard tombe fortuitementsur une femme et qu'il alla assouvirson besoin licitement chez ses épouses dans le but d'orienter les membres de sa communauté vers le meilleur moyen d'éviter l'illicite, de barrer la route au diable et sauvegarder sa chasteté et sa pureté morale?
Non! Pourquoi pas avoir de l'histoire une compréhension digne du rang du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) qui traduise son mérite, sa grandeur, et le haut rang qui lui convienne. Le vêtement d'une blancheur immaculée rend visible la moindre tâche noire. Le miroir bien poli laisse visible la moindre gratture, la moindre poussière. Quant au vêtement noir, la femme perverse, elle ne laisse rien apparaître car elle est habituée aux saletéset à la noirceur!!
Avez-vous compris, ô serviteur d'Allah, que cette histoire, à supposer qu'elle soit vraie, révèle l'un des hauts faits du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) et constitue un indice de son rang élevé? Celui habitué à regarder les femmes et à courir derrière le plaisir illicite ne se laisse nullement impressionné parcette scène éphémère, dût-elle se répéter plusieurs fois. Si une femme s'assoyait à côté de lui dans un véhicule, il resterait indifférent. Certains ne se regretteraient rien si, par malheur, ils commettaientla fornicationincontestablement! La noirceur de leurs cœurs ne leur ferait pas souffrir et la rouillure de leurs cœurs ne leur serait pas sensible!
Pourquoi ne comprenez vous pas (que le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) se distinguait par son mépris (de la bassesse) , savolonté de rester pur, de ne porter aucune tâche ou saleté, de ne laisser son vêtement fait de chasteté et pureté éclaboussé, de voir terni son miroir bien poli grâce aux stations jalonnant sa servitude et sa sollicitation du pardon divin?
Ibn al-Arabi al-Maliki (Puisse Allah lui accorder sa miséricorde) a dit : Ce hadith est étrange dans son contenu car ce qui arriva au Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) était un secret que seul Allah connaissait jusqu'au moment où il le divulgua pour divertir et instruire les créatures humaines. Il était un être humain donc sensible au plaisir bien qu'infaillible à cet égard. On ne le prend pas religieusement responsable de ce qu'il ressentit quand il aperçut la femme. Cela ne diminue en rien son rang. Le sentiment d'admiration qu'il éprouva est naturellement instinctive. C'est son infaillibilité qui lui permit de le transcender et de se rendre auprès de son épouse à laquelle il transféra sincèrement son admiration, son plaisir humain géré avec une parfaite chasteté. Extrait d'Aaridha al-Ahwazi (5/106).
Deuxièmement, nous allons encore plus loin pour vous apprendre que l'authenticité de l'histoire est discutable, même si des ulémas le prennentcomme tel. Pour de nombreuxtraditionnistes, l'histoirene concerne pas le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) mais elle arriva au compagnon qui la relata. Ceci induit les rapporteurs à l'erreur au point de les faire attribuer l'histoire au Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui). Voilà ce qu'on appelle en science du hadith 'affaiblissement du hadith hautement attribué en le présentant sous la formed'un hadith dont la chaîne de transmission s'arrête à un homme de la génération qui suit celle des compagnons', un important chapitre traitant des défauts qui affectant les histoires et les hadiths. D'autres versions authentiques résument le hadith ainsi: S'il arrive à l'un d'entre vous d'admirer une femme, qu'il se rende auprès de son épouse et s'accouple avec elle. Car cela assouvit son besoin Ces versions n'évoquent pas l'histoire en question, ce qui met en doute sa réalité.
Nous allons nous étendre sur l'examen des versions de l'histoire pour les apprécier. Voici les hadiths relatifs à ce chapitre:
Le premier hadith: d'après Abou Zoubayr, Djabir (P.A.a) a rapporté que le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui)aperçut une femme puis se rendit auprès de sa femme qui était en train de frotter une peau macérée et assouvit son besoin. Ensuite, il ressortit rejoindre ses compagnons et leur dit: La femme affiche une forme diaboliqueaussi bien quand elle arrive que quand elle repart. Quand l'un d'entre vous fixe un regard (de convoitise ) sur une femme,... qu'il se rende auprès de son épouse... cela l'apaise. Ceux qui ont reçu ce hadith d'Abou Zoubayr ont eu une divergence sur deux aspects:
Le premier est qu'une partie d'entre eux a mentionné l'histoire de la vision de la femme par le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) et son passage par la suite auprès de la mère des croyants, Zaynab (P.A.a). Les auteurs de cette version sont Aboul Alia et Hisham ad-Doustwaai).
S'agissant de la version de Harb ibn AbilAliya, elle est citée dans Mousnad d'Ahmad (22/407) et dans Sahih Mouslim n°1403).
Quant à la version de Hicham ad-Doustwaai, Abdou ibn Houmayd l'a citée dans al-mountkhab n° 1061 et Mouslim dans son Sahih n° 1403 et Abou Dawoud dans ces Sunan n° 2151 et at-Tirmidhi dans ses Sunan n° 8/235 et Ibn Hibban dans son Sahih (12/384) et at-Tabarani dans son al-Mou'djamal-kabir (26/50) et dans al-Mou'djam al-awsat (3/34). Il dit que ce hadith n'est reçu d'Abi Zoubayr que par Hisham et que Mouslim l'a cité et non al-Bokhari. Le hadith est encore cité dans as-Sunan al-koubraa (7/90).
Le deuxième aspect consiste dans l'omission de l'histoire et la citation de la seule partie 'enseignement verbal' du hadith. Il est rapporté sous cette forme par Maaqal ibn Abdoullah al-Djazri, Abdoullah ibn Abdoul Aziz ibn Djourayh, Abdoullah ibn Louhay'a et Moussa ibn Ouqba.
La version d'Abdoullah ibn Maaqal est citée par Mousilm dans son Sahih n° 1403 en ces termes:«Salamah ibn Chabib nous a raconté qu'al-Hassan ibn A'youn lui a raconté d'après Abou Zoubayr que Djaber (P.A.a) a affirmé avoir entendu le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui ) dire: Quand l'un d'entre vous se trouve subitement séduite par une femme, qu'il aille immédiatement s'accoupler avec sa femme pour s'apaiser.
La version d'Ibn Djourayh est reprise par Ibn Hibban dans son Sahih (12/385) et par ad-Doulabi dans al-Kouna wal-asmaa (3/1192). Quant à la version d'Abdoullah ibn Louhay'a et celle de Moussa ibn Ouqba, on les retrouve dans le Mousnad d'Ahmad (23/77) et (23/402) et dans I'tilal al-qouloub d'al-Kharaiti (1/124).
Desrapporteurs emploientces termes: A son arrivée comme à son départ, la femme affiche une forme diabolique Ce sont Hicham ad-Doustwaai et Harb ibn Abil Aliya. Les autres rapporteurs se contentent de citer :Quand l'un d'entre vous fixe son regard sur une femme (et la désire) qu'il se rendre auprès de sa femme...pour s'apaiser.
Ceci indique clairement le jugement à porter au hadith et les termes discutables diffèrent grandement d'un rapporteur à un autre. On retrouve ces termes dans l'histoire du passage du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) immédiatement aprèsavoir aperçu une femme et la description de la femme selon laquelle 'elle arrive sous une forme diabolique'. (comprenez qu'elle est naturellement source d'une potentielle tentation, de quel que côte qu'on l'envisage!)
Le hadith est rapporté par six élèves d'Abou Zoubayr dont quatre n'ont employé les termes controversés. Seuls deux, dont un jugé faible, en l'occurrence Aboul Aliya, ont employés les termes incriminés. Ce qui suscite de sérieux doutes à proposde la présence de lacunes dans l'histoire. Deux autres lacunes renforcent le doute. Lapremière réside dans la rupture constaté dans la version d'Abi Zoubayr reçue de Djaber. A ce propos, al-Imam adh-Dhahabi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit :«On trouve dans le Sahih de Mouslim de nombreux hadiths dans lesquels Abou Zoubayr n'indique pas clairement qu'il reçut ce qu'il a rapporté de Djaber. Ce sont des versions qui ne passent pas par la voie de Layth. On est en droit d'en douter. En fait partie ce hadith: Le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) aperçut une femme et elle la séduit. Il se rendit à l'instant auprès de sa femme, Zaynab. Extrait de Mizan al-itidal (6/335).
La seconde lacune réside dans l'imprécision de la chaîne. Une partie des élèves d'Abou Zoubayr l'ont reçu de luicomme s'il l'attribuait hautement (au Prophète) sans citer l'intermédiaire, l'éminent Compagnon, Djaber ibn Abdoullah (P.A.a). Or un hadith transmis de la sorte est faible car on ignore si l'intermédiaire est sûr ou pas, ce qui permet de douter de la fiabilité de la version.
L'imam an-Nassai (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit :Qoutayba ibn Said dit que Harb lui a raconté d'après Abou Zoubayr que le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) était une fois assis au moment où une femme en passage le séduit...forme diabolique... Il ne prononça pas la suite. On dirait que cette version est plus crédible que la précédente. Voir as-Sunan al-koubra (8/235). Voilà qui fit dire à l'imam adh-Dhahabi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) après avoir cité le hadithet d'autres: Il y a là des choses étranges. Elles se trouvent dans le Sahih de Mouslim Extrait de Siyar a'laaman-noublaa (5/385).
Le deuxième hadith: d'après Mouawia ibn SalihAzhar ibn Said al-Harazi a dit:«J'ai entendu Abou Kabcha al-Anmari dire : nous étions assis en présence du Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui). Puis ce dernier entra chez lui puis ressortit après avoir pris un bain. Nous dîmes:
-Messager d'Allah! Qu'est-ce qui s'est passé?
-En effet, Untelle passa près de moi et j'éprouvai un désir (sexuel), ce qui me poussa à aller m'accoupler avec l'une de mes femmes. Faites en de même (le cas échéants) car l'assouvissement licite de vos désirssexuels fait parti de vos meilleurs actes.» (Rapporté par l'imam Ahmad dans al-Mousnad (29/557) , par at-Tabarani dans al-Awsat (4/159) Ce dernier l'a commenté en ces termes:« Ce hadith n'a été rapporté par Abou Kabcha qu'à travers cette chaîne que seule Mouawia ibn Salih a employée. La chaîne est faible à cause de la présence d'Azhar ibn Said al-Harazi dont la biographie est reproduite dans Tahdhibat-tahdhib (1/203), dans at-tabaqatal-koubraa (7/460) et dans Tarikh al-Islam (3/370). On ne trouve dans sa biographie aucune transmission vérifiée et critiquée. Son état de fiabilité est ignorée. Ibn Saad l'a qualifié de 'avare en hadith'
Quant à Mouawia ibn Salih, des ulémas ont bien approuvé une partie de ses hadiths. Cependant les grands critiques du hadith tels Yahya ibn Said al-Qattan, Abou Hatim ar-Razi et Yahya ibn Main, l'ont jugé faible.» Voir Mizan al-I'tidal de Dhahabi (6/456).
Le troisième hadith est rapporté par Israel ibn Younous et Soufyan ath-Thawri d'après Abdoullah ibn Hallam selon lequel Abdoullah ibn Massoud (P.A.a) a dit: Quand l'un d'entre vous voit une femme qui le séduit , qu'il aille s'accoupler avec sa femme. Car celle-ci est comme l'autre.
Soufyan ath-Thawri a ainsi rapporté le hadith grâceà une chaîne qui s'arrête au niveau d'un compagnon (du Prophète). La version de Soufyane figure dans al-Mousannaf d'Ibn Abou Chayba (4/321).
Israel ibn Younous fait remonter la chaîne au plus haut niveau car il attribuele hadith au Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) et y inclut l'incident suscité. Toutefois, les traditionnistes ont dit que la version de Soufyan ath-Thawri est bien plus solideque celle d'Israel ibn Younous. Les deux imams que sont Abou Hatim ar-Razi , dans al-Ilal (3/673) et ad-Daraqoutni dans ses Ilal à lui (5/197) ont jugé la version arrêtée au niveau d'Ibn Massoud plus crédible. Voir une partie des Ilal d'Ibn Abi Hatim (2/183-192)
En outre , adh-Dhahabi dit dans Mizan al-I'tidal fii naqdi ridjal (4/87) qu'Abdoullah ibn Hallam est à peine connu.»
En somme, il semble plus évident que l'attribution de l'incident en question au Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) n'est pas fondée. La citation du hadith par l'imam Mouslim implique la véracité de l'essentiel du hadith, à savoir la partie verbale, l'enseignement. C'est pourquoi on l'a cité avec l'autre partie comme on l'a déjà indiqué. Quant à l'authentification du hadith dans son intégralité y compris la cause mentionnée dans la version (deHarb et Hisham) reçue d'Abi Zoubayr d'après Djaber, elle n'est pas nécessairement acceptable selon la méthodologie suivie par l'imam Mouslim dans son Sahih. A supposer toutefois que le hadith soit authentique, nous en avons déjà donné la bonne interprétation.
Allah le sait mieux.