Mercredi 3 Chawwaal 1446 - 2 avril 2025
Français

Un abrégé sur les types de Nadhr )le vœu) et leurs verdicts.

Question

Quel est le statut du Nadhr (le vœu) selon la Charia ?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Chère auteure de la question, voici un éclaircissement sur le Nadhr (le voeu), ses différentes formes et ses verdicts essentiels. Nous espérons qu’il vous sera utile et le sera à d’autres, s’il plaît à Allah le Très-Haut.

L’imam Al-Asfahani (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde ) a dit dans son livre  Moufradate Alfadhe Al-Qourâane (P.797) : « An-Nadhr (le vœu) consiste à s’imposer un acte qui n’est pas obligatoire, pour que quelque chose se produise. Allah, le Très-Haut, dit : « Assurément, j’ai voué un jeûne au Tout Miséricordieux : je ne parlerai donc aujourd'hui à aucun être humain. » ( Coran :19/26).

An-Nadhr est le fait qu’une personne majeure, responsable et saine d’esprit s’impose un acte qui ne lui est pas obligatoire ; qu’il s’agisse d’un acte à faire dans tous les cas ou d’un acte soumis à une condition. Le Nadhr est mentionné dans le livre d’Allah, le Très-Haut, en des termes élogieux. En effet, Allah, le Très-Haut, dit de ses serviteurs croyants : « Les vertueux boiront d'une coupe dont le mélange sera de camphre, d'une source de laquelle boiront les serviteurs d'Allah et ils la feront jaillir en abondance. Ils accomplissent leurs Nadhr et ils redoutent un jour dont le mal s’étendra partout. » (Coran : 76/5-7). Allah le Très-Haut a établi ainsi un lien de causalité entre le respect du Nadhr et la peur des affres du Jour de la Résurrection (d’une part), et le salut dans l’au-delà et l’entrée au Paradis (d’autre part).

Le statut du Nadhr :

L’exécution du Nadhr légal est obligatoire conformément  à la parole d’Allah le Très-Haut : « Puis qu’ils mettent fin à leurs interdits(Qu’ils nettoient leurs corps), qu' ils remplissent leurs Nadhr… » ( Coran : 22/29).

L’imam Ach-Chawkani (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Cet ordre exprime une obligation. »

De nombreux hadith rapportés du Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) interdisent la formulation du Nadhr et le réprouvent. Parmi ces hadiths, citons celui d’Abou Houreïra (Qu’Allah soit satisfait de lui) qui a dit que le Messager d’Allah (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) a dit : « Ne formulez pas de Nadhr, car il ne modifie rien au destin ; et il ne sert plutôt qu’à contraindre l’avare à dépenser. »   (Rapporté par Muslim : 3096).

Abdallah Ibn Omar (Qu'Allah soit satisfait de lui et de son père) a dit : « Le Messager d’Allah (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) a entrepris de nous interdire de formuler le Nadhr et nous a dit : "Il  ne repousse rien, et il ne sert qu’à arracher des dépenses de l’avare." » (Rapporté par Al-Boukhari et Muslim).

Si quelqu’un se demande comment faire les éloge à ceux qui accomplissent leurs Nadhr tout en interdisant sa formulation ? On lui dira que le Nadhr louable est celui qui implique un acte d’obéissance envers Allah, le Très-Haut, et qui n’est pas dépendant d’aucun événement particulier que l’on s’impose d’accomplir, afin de s’inciter soi-même à obéir, à éviter de se laisser à la paresse et la négligence, ou pour exprimer la gratitude pour une faveur.

Quant au Nadhr interdit, il revêt plusieurs formes, notamment le Nadhr de compensation où la personne conditionne son acte d'adoration à l'obtention ou à l'évitement d'une chose particulière. Si cette condition n'est pas remplie, on ne s'acquitte pas de son Nadhr. C'est là où réside l'interdiction.

Probablement, la sagesse de cette interdiction réside dans les raisons suivantes :

-L’auteur du Nadhr accomplit l’acte d’adoration avec réticence, quand l’acte devient une obligatoire incontournable.

-Le Nadhr lié à la réalisation d’un intérêt ressemble à une compensation qui remet en cause l’existence de l’intention de se rapprocher d’Allah, le Très-Haut, par l’accomplissement de l’acte d’adoration. En effet, si, par exemple, son malade n’est pas guéri, il ne s’acquitterait pas de l’aumône qu’il avait subordonné à ce résultat. Ce qui est digne d’un avare qui n’effectue une dépense que pour une contrepartie immédiate, souvent plus importante que la dépense.

- Certains sont mus par une croyance obscurantiste qui veut que le Nadhr constitue une voie confirmée vers la réalisation de l’objectif pour lequel il est formulé, et que Allah, le Très-Haut, le réalise au profit de l’auteur du Nadhr à cause de celui-ci.

- Rejeter la croyance erronée de certains ignares, à savoir que le Nadhr repousse le décret divin, ou procure un profit immédiat ou écarte un préjudice. Cette interdiction vise à prévenir les conséquences néfastes d'une telle croyance sur la pureté de la foi.

Les types de Nadhr par rapport à la nécessité de leur exécution :

Premièrement : Le Nadhr dont l’exécution est obligatoire (Nadhr d’obéissance).

Il s’agit de tout Nadhr dans le sens de l’obéissance à Allah, le Puissant, le Majestueux, tels que le Nadhr d’accomplir la prière, le jeûne, le Hadj, la Omra, la pitié filiale, Al-I’tikaf (Retraite pieuse), le Djihad, la recommandation du bien et l’interdiction du mal. C’est comme si on dit : "Je m’engage envers Allah, le Très-Haut, à jeûner tant (de jours) ou à effectuer une telle aumône ou à accomplir le pèlerinage cette année ou à prier deux Raka’ates dans la Mosquée Sacrée par reconnaissance envers Allah, le Très-Haut, pour le bienfait qu’il m’a accordé à travers la guérison de mon malade."

Le Nadhr peut être formulé de façon conditionnelle. C’est le cas où l’individu s’engage à accomplir un acte de dévotion conditionné par la réalisation d’un profit. De ce fait il dit : "Si mon (parent) absent rentrera , si Allah me protège contre les méfaits de mon ennemi, je m’engage à jeûner tant (de jours) ou à donner une telle aumône."

Le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) a dit : « Quiconque formule un Nadhr d’obéir à Allah qu’il le fasse ; et quiconque formule un Nadhr de désobéir à Allah qu’il s’en abstienne. » (Rapporté par Al-Boukhari : 6202).

Et si quelqu'un fait un Nadhr impliquant un acte d’obéissance à Allah, le Très-Haut, puis que des circonstances surviennent et l’empêchent de s'acquitter de ce Nadhr, comme s'il avait promis de jeûner un mois, ou de faire le Hadj ou la Omra, mais qu'une maladie l'empêche de jeûner ou de faire le pèlerinage, ou s'il avait promis une aumône mais qu'il tombe dans la pauvreté, l'empêchant ainsi de réaliser son Nadhr, alors, dans ce cas, il lui incombe de procéder à une expiation identique à celle de la violation de serment, comme l'a rapporté Ibn Abbas (Qu'Allah soit satisfait de lui et de son père) qui a dit : « Quiconque formule un Nadhr et se retrouve incapable de le réaliser, son expiation est celle de la violation d'un serment. »  (Rapporté par Abou Dawoud. Al-Hafedh Ibn Hadjar a dit dans Boulough Al-Maram que sa chaîne de transmission est sûre. Et les maîtres en la matière penchent vers l’avis selon lequel il s’agit de propos d’Ibn Abbas lui-même (Qu'Allah soit satisfait de lui et de son père).

Cheikh Al-Islam Ibn Taïmiyya (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit dans Al-Fatawa ( 33/44) : « Si l’on décide de formuler un Nadhr pour accomplir un acte d’obéissance, il faut le réaliser. Si on ne le fait pas, on doit procéder à une expiation identique à celle de la violation de serment selon l’avis de la majorité des ancêtres pieux. »

Deuxièmement : Les Nadhr dont l’accomplissement est interdit, et qui entraînent une expiation de violation de serment.

Ce type de Nadhr englobe :

  1. Les Nadhr de désobéissance : C’est tout Nadhr impliquant une désobéissance à Allah, le Très-Haut, comme celui d’une personne qui dédie du carburant (huile), des chandelles ou une dépense à certains tombeaux ou mausolées, ou celui qui formule un Nadhr de visiter des tombeaux, des mausolées, ou des autels de Chirk. L’acte de celui-là est partiellement comparable aux Nadhr formulés aux profits des idoles.

Il en est de même du fait de formuler le Nadhr de commettre un pêché tel que l’adultère, la consommation de vin, le vol, la spoliation des biens d’un orphelin, la négation d’un droit d’autrui, ou la rupture de liens de parenté, de sorte à boycotter un tel parmi ses proches et à ne plus aller chez lui sans un empêchement légal. Tous ces Nadhr ne doivent, en aucun cas, être accomplies. Bien au contraire, on doit les expier comme on le fait en cas de violation d’un serment. L’interdiction d’exécuter ce type de Nadhr repose sur un hadith d’Aïcha (Qu’Allah soit satisfait d’elle) selon lequel le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) a dit : « Quiconque formule un Nadhr d’obéir à Allah qu’il le fasse ; et quiconque formule un Nadir de désobéir à Allah qu’il s’en abstienne. » (Rapporté par Al-Boukhari)

‘Imrane Ibn Housseïn (Qu’Allah soit satisfait de lui) a rapporté que le Messager d’Allah (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) a dit : « Pas d’exécution pour un Nadhr de désobéissance. » (Rapporté par Muslim, 3099).

  1. Tout Nadhr qui se heurte à un texte :

Quand un musulman formule un Nadhr et se rend compte par la suite que son Nadhr se heurte à un texte clair et authentique qui comporte un ordre ou une interdiction, il doit s’abstenir d’accomplir son Nadhr et procéder à une expiation de violation de serment. Ceci s’atteste dans cet hadith rapporté par Al-Boukhari (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) d’après Ziad Ibn Djoubeïr qui a dit : « J’étais en compagnie d’Ibn Omar quand un homme l’interrogea en ces termes : "J’ai formulé le Nadhr de jeûner tous les mardis ou les mercredis ma vie durant. Or le jour de la fête du sacrifice (Aïd Al Adh-ha) coïncide avec un de ces jours." Ibn Omar lui a dit : "Allah, le Très-Haut, a ordonné d’exécuter le Nadhr et on nous a interdit de jeûner le jour du sacrifice."  L’homme a répété sa question et il lui a répondu la même réponse sans plus. » (Rapporté par Al-Boukhari, 6212).

L’imam Ahmed (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a rapporté ce même hadith d’après Ziad Ibn Djoubeïr qui avait dit : «  Un homme interrogea Ibn Omar qui marchait à Mina en lui disant : "J’ai formulé un Nadhr de jeûner tous les mardis ou mercredis ma vie durant. Or le jour de la fête du sacrifice coïncide avec ce jour-là. Qu’en penses-tu ? " Ibn Omar lui a dit : "Allah le Très Haut nous a ordonné d’exécuter nos Nadhr et le Messager d’Allah (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) nous a défendu de jeûner le jour du sacrifice ou il a dit : "On nous a interdit de jeûner le jour du sacrifice") » Ziad a dit : « L’homme a cru qu’il ne l’a pas entendu et a dit : "J’ai formulé un Nadhr de jeûner tous les mardis ou mercredis ma vie durant. Or le jour de la fête du sacrifice coïncide avec ce jour-là. Qu’en penses-tu ? " Ibn Omar lui répéta : "Allah, le Très-Haut, nous a ordonné d’exécuter nos Nadhr et le Messager d’Allah (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) nous a défendu de jeûner le jour du sacrifice." et continua sa marche jusqu’à la montagne et n’ajouta pas un mot. »

Al-Hafedh Ibn Hadjar (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Le consensus s’est établi sur l’interdiction de jeûner le jour de la rupture du jeûne de Ramadan (Aïd Al-Fitr) et le jour du sacrifice (Aïd Al Adh-ha), qu’il s’agisse d’un jeûne surérogatoire ou d’un jeûne tenu en vertu d’un Nadhr. »

  1. Un Nadhr qui ne nécessite rien d’autre qu’une expiation : Il existe des Nadhr qui ne font l’objet d’autres verdicts que de procéder à une expiation d’un serment violé. En voici une de ses formes :

- Le Nadhr indéterminé (dont l’acte tenu en vertu du Nadhr n’est pas mentionné)

Si un musulman formule un Nadhr sans en préciser l’acte tenu en vertu de ce Nadhr en disant par exemple : "Si Allah guérit mon malade, je m’engage à réaliser un Nadhr", il doit procéder à une expiation de violation de serment. ‘Oqba Ibn ‘Amer (Qu’Allah soit satisfait de lui) a rapporté que le Messager d’Allah (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) a dit : « L’expiation d’un Nadhr (avorté) est l’expiation d’un serment violé. » (Rapporté par Muslim) L’imam An-Nawawi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « L’imam Malek (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) et la majorité des ulémas soutiennent que cet hadith s’applique au Nadhr indéterminé. » (Charh Muslim par An-Nawawi 11/104).

  1. Le Nadhr faisant l’objet d’un choix entre l’exécution et l’expiation :

Il existe des Nadhr pour lesquels l’auteur a le choix entre l’exécution du Nadhr ou l’accomplissement d’une expiation de violation de serment. Ce type de Nadhr comprend :

Le Nadhr de l’entêtement et de la colère : Il s'agit de tout vœu qui ressemble à un serment, prononcé pour inciter à faire quelque chose ou à s'en abstenir, à affirmer ou à nier, sans que celui qui le prononce n'ait l'intention réelle de s'acquitter du vœu ou de l’œuvre pie. C'est comme si un homme, dans un accès de colère, disait : "Si je fais telle chose, alors je dois accomplir le pèlerinage, jeûner un mois, ou donner mille dinars en aumône", ou encore : "Si je parle à untel, alors je dois affranchir cet esclave ou divorcer de ma femme". Puis il fait ce qu'il avait promis de ne pas faire, alors qu'en réalité il n'avait voulu qu'insister sur le fait qu'il n'allait pas faire cette chose, et rien d'autre. Or, son intention réelle était de ne pas remplir la condition et de ne pas s'acquitter du vœu. Son auteur dispose du choix entre l’exécution du Nadhr et l’expiation de la violation de serment.

- Celui qui est toujours disposé à l’ergotage ou qui incite manifestement à l’exigence de faire une chose ou son contraire, a le choix d’accomplir son vœu ou l’expiation de la violation du serment étant donnée qu’il est considéré, par essence, un serment.

L’imam Ibn Taïmiyya (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Si l’on donne au Nadhr la forme d’un serment en disant : Si je voyage avec vous, le pèlerinage m’incombera ou mes biens seront donnés en aumône ou j’aurai à affranchir un esclave, ce type de Nadhr est considéré par les Compagnons (Qu’Allah soit satisfait d’eux) et la majorité des ulémas comme un serment sous forme de Nadhr. Celui qui s’exprime ainsi n’est pas réellement auteur d’un Nadhr (régulier). S’il n’exécute pas son engagement, il lui suffira de procéder à une expiation de la violation de serment. » Il a dit aussi : « Et il a dit dans un autre endroit : « Le Nadhr du litige (entêtement) et de la colère, dont l’exécution est obligatoire selon l'opinion la plus répandue de notre école, consiste à choisir l’une des deux solutions : c'est soit l’expiation de la violation de serment, soit l'accomplissement du Nadhr conditionné. Ainsi, si le Nadhr conditionné n'est pas accomplit, l’expiation devient obligatoire. »

Le Nadhr licite : C'est tout Nadhr qui porte sur une œuvre permise, comme par exemple, faire un Nadhr de porter un vêtement spécifique, de manger un aliment particulier, de monter un certain animal, ou d'entrer dans une maison déterminée, et ainsi de suite. D'après Thabet ibn Adh-Dhahhak (Qu’Allah soit satisfait de lui) qui a dit : « Un homme a fait un Nadhr à l'époque du Messager d'Allah (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) de sacrifier un chameau à Bouwana –une autre version ajoute :  "parce qu'il avait eu un fils." - Il est venu donc au Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) et lui a dit : « J'ai fait le vœu de sacrifier un chameau à Bouwana. » Le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) lui a demandé : « Y avait-il là-bas une des idoles de l'époque préislamique qui était adorée ? » Ils ont répondu : « Non. » Il a demandé : « Y avait-il là-bas une de leurs fêtes ? » Ils ont répondu : « Non. » Le Messager d'Allah (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) a dit : « Accomplis ton Nadhr, car il n'y a pas d'accomplissement de Nadhr dans la désobéissance à Allah, le Très-Haut, ni dans ce que le fils d'Adam ne possède pas. » (Rapporté par Abou Dawoud, 2881).

Cet homme avait fait le Nadhr de sacrifier un chameau à Bouwana (un lieu situé au-delà de Yanbou') en remerciement à Allah de lui avoir donné un fils. Le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) lui a autorisé de s'acquitter de son Nadhr et de sacrifier son chameau à cet endroit.

Nous implorons Allah, le Très-Haut, de nous aider à accomplir les œuvres qui Lui sont agréées et qu’Allah Bénisse notre Prophète Mohammed.

Et Allah, le Très-Haut, sait mieux.

Source: Sheikh Muhammed Salih Al-Munajjid