Jeudi 20 Djoumada 1 1446 - 21 novembre 2024
Français

Ce que l’on entend par la double intention d’observer un jeûne entrepris pour lui-même et un jeûne entrepris pour une considération externe

Question

Comment distinguer entre les deux jeûnes de manière à valider la double intention?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Premièrement, le critère qui régit la double intention est qu’elle doit porter sur des  pratiques cultuelles dont certaines ne sont pas visées directement mais elles sont impliquées dans d’autres. Ceci s’applique au jeûne et à d’autres actes. En matière de jeûne, ce qui est visé en soi, c’est le jeune du Ramadan, le jeûne de rattrapage , le jeûne répondant à un voeu, le jeune de jours particuliers comme la journée d’Arafat, le jour d’Achoura, le jeûne du lundi, en dépit de la divergence de vues concernant une partie des jours que voilà, quant à savoir si on les jeûne pour eux-mêmes ou pour une considération externes.

Quant au jeûne observé pour une considération externe, c’est celui entrepris pour répondre à une recommandation, sans tenir compte de la particularité du jour, comme le jeûne de trois jours de chaque mois. Aussi peut-on nourrir à la fois l’ intention de jeûner la journée d’Arafat ou le jeûne du lundi et le jeûne de trois jours du mois.

On lit dans l’encyclopédie (12/24): «Réunir deux actes cultuels dans la même intention implique une interférence. C’est comme prendre un bain rituel avec l’intention qu’il vaut pour enlever la grande souillure et pour celui à prendre le vendredi, ou prendre le bain du vendredi pour qu’il vaut pour celui à prendre le jour de la fête. C’est encore comme l’intégration de la prière fait pour saluer la mosquée dans une prière obligatoire ou surérogatoire. Tout cela ne remet pas en cause l’acte cultuel car les ablutions qui les précèdent valent pour l’acte initial et ceux qui le suivent, l’essentiel étant d’occuper l’endroit par la prière.

Ce qui n’est pas valide c’est d’associer dans la même intention une prière visée pour elle même et une autre en dépendant comme la première prière de l’après midi et les prières qui la suivent régulièrement car les deux sont indépendantes l’une de l’autres et ne peuvent être intégrées.»

Docteur Soualylane al-Achaqar (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit : « Celui qui dit que deux actes cultuels peuvent être faits avec la même intention, le dit parce que la volonté du Législateur se réalise par l’acte ainsi accompli. La prière faite pour saluer la mosquée est contenue dans celle entreprise à titre obligatoire, que le fidèle en nourrisse l’intention ou pas car il s’agit d’animer l’endroit par un acte cultuel. » Extrait de Maqaassid al-moukallafine ,p.255.

Cheikh Ibn Outhaymine (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a été interrogé en ces termes : «Nous est-il permis de nourrir en même temps l’intention  d’intégrer  plusieurs actes cultuels dans un seul. Par exemple si on entre dans une mosquée au moment où l’on lance l’appel à la prière de dhohr, peut on faire une prière dans l’intention qu’elle vaut pour saluer la mosquée et couronner les ablutions et tenir lieu à celle à faire avant celle du dhohr?

Voici la réponse de son éminence: « Il y a là une importante règle qui est de savoir si on peut intégrer les actes cultuels. Nous disons que si un acte dépend d’un autre, on ne peut pas les intégrer. Voilà une règle qui s’illustre à travers cet exemple: la prière de l’aube consiste en deux rakaa précédées de deux autres indépendantes mais inséparables en ce sens qu’elles complètent les premières même si aucune des deux ne tient lieux de l’autre car l’une suit l’autre. Or quand un acte cultuel suit un autre , il ne peut en tenir lieu. Ceci est valable pour chacune des deux. Voici un autre exemple: la prière du vendredi doit être suivie d’une prière de deux rakaa (surérogatoires) Peut-on se passer de la seconde pour avoir accompli la première? La réponse est non. Pourquoi? Parce que la prière à faire après celle du vendredi doit la suivre.

Deuxièmement, si les deux actes sont indépendants l’un de l’autre et si chacun est visé pour soi, ils ne peuvent pas être intégrés. Voici un exemple: moi, je vais faire une prière de deux rakaa avant dhohr avec l’intention qu’elles compte pour quatre  car les prières surérogatoires qui précèdent celle du dhohr comptent quatre rakaa terminées par deux saluts. Si quelqu’un dit: je vais accomplir deux rakaa avec l’intention qu’elles comptent pour quatre,  cela n’est pas permis. Car les deux actes cultuels sont indépendants l’un de l’autre et chacun est visé en soi et aucun ne peut tenir lieu de l’autre.

Voici un autre exemple: il y a une prière surérogatoire à faire après celle d’ishaa , après quoi on procède à une rakaa de clôture. Pour ce faire, on peut accomplir trois rakaa ponctuées par deux salut. On fait deux rakaa suivi d’un salut, suivi d’une seule rakaa de clôture. Si quelqu’un disait : moi je vais intégrer tout cela en une seule prière continue , cela ne serait pas permis car chaque prière est indépendante et voulue pour elle-même.

Troisièmement, si l’un des deux actes n’est pas voulu en soi et si on ne veut que faire ce type d’actes cultuels , là, l’un des deux actes peut se substituer à l’autre mais alors c’est celui jugé principal qui permet de se passer de l’autre. Voici un exemple: quand un homme arrive à la mosquée avant de faire la prière de l’aube mais après le lancement de l’appel à cette prière, deux choses lui sont demandées : saluer la mosquée , acte qui n’est pas voulu en soi car il s’agit de ne pas s’asseoir avant de faire une prière de deux rakaa. Si l’intéressé accomplit les deux rakaa de l’aube , il ne se serait pas assis avant  de faire une prière de deux rakaa et aurait fait ce qui est demandé. S’il n’avait nourri que l’intention de saluer la mosquée, les deux rakaa ne tiendraient pas lieu de la prière de l’aube car cette dernière est voulue en soi, contrairement à l’autre.

S’agissant de la question de savoir si quelqu’un entre dans une mosquée au moment où l’on lance l’appel à la prière du dhohr, et accomplit une prière de deux rakaa avec l’intention de saluer la mosquée, de couronner ses ablutions et de les faire valoir pour la prière à faire avant celle du dhohr… S’il a l’intention que la même prière vaut pour saluer la mosquée et se substituer à celle à faire régulièrement avant la prière du dhohr, cela est juste. Quant à deux rakaa à faire après les ablutions, il faudrait que nous examinions la parole du Messager (Bénédiction et salut soient sur lui): « Quiconque fait ses ablutions comme je viens de les faire puis accomplit deux rakaa sans se distraire, aura ses péchés précédents pardonnés. » Entend-il par là qu’il faut accomplir deux rakaa après les ablutions ou dire: quand tu as fait tes ablutions , fais deux rakaas? Si le dernier sens est voulu, les deux rakaa sont visées en soi. S’il s’agit de dire que celui qui accomplit deux rakaa après les ablutions , de quelque manière qu’il les fasse , dans ce cas les deux rakaa peut se substituer à celles à faire après les ablutions, à celles faites pour saluer la mosquée et à celles qui précèdent régulièrement la prière du dhohr.

Il me semble -Allah le sait mieux- que la parole du Messager (Bénédiction et salut soient sur lui) : « puis il fait une prière de deux rakaa » ne renvoie pas à deux rakaa faites en soi mais à deux rakaa (tout court) fussent-elles accomplies à titre obligatoire. Cela étant, nous disons à propos de l’exemple cité par l’auteur de la présente question:«Les deux rakaa suffisent certes pour tenir lieu de celles faites pour saluer la mosquée ou celles qui accompagnent régulièrement le dhohr et celles faites à la suite des ablutions.

Voici un autre exemple: un homme prend un bain suite à la souillure majeure, ce bain peut-il se substituer à celui du vendredi? Si telle est l’intention de l’auteur du bain, il l’obtient car le Messager (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit: « L’homme n’obtient que  ce dont il a l’intention. » Mais si son intention était de prendre le bain à cause de la souillure, le bain vaut il pour celui du vendredi? Là, nous cherchons à savoir  si le bain du vendredi est voulu en soi ou s’il s’agit simplement de se rendre propre ce jour. Ce qui est visé, c’est de rendre propre car le Messager (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit: «Si vous vous rendiez propre ce jour-ci (le vendredi) » Aussi, voit on qu’il s’agit de se rendre propre le vendredi. Ce qui peut être obtenu grâce au bain pris pour enlever la souillure. Dès lors, la prise de ce bain, dispense le fidèle de celui préconisé le vendredi, même s’il n’en formule pas l’intention. S’il le fait, c’est plus claire. » Extrait de Madjmou fatawa wa rassail Ibn Outhaymine (14/299-302)

Ce qui précède met à l’évidence que la maîtrise des règles que voilà est matière de réflexion personnelle à mener par un uléma à la lumière des textes fondateurs de la charia mais aussi en fonction de ce qui est retenu à propos du principe qui dicte l’acte cultuel et détermine son dépendance d’un autre. C’est ce qui amène les hanafites à retenir que la vraie interférence s’applique aux moyens ou conditions des actes cultuels comme la purification par exemple. Une telle interférence s’applique aux intentions affectant les moyens. C’est, par exemple, comme si on a à la double intention que le bain pris pour enlever la grande souillure vaille pour celui à prendre le vendredi.

Quant aux dessins qui se confondent avec les pratiques cultuelles demandées, ils ne s’interfèrent pas. C’est comme si on a l’intention d’accomplir la prière obligatoire du moment et rattraper une prière ratée en accomplissant quatre rakaa. Cela n’est pas juste.

Ibn Radjab al-Hanbali (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit: « Quand deux pratiques cultuelles de la même espèce coïncident et que l’une n’est pas faite à titre de rattrapage ou pour compléter l’autre, elles s’intègrent de sorte que l’une comprend l’autre. Il y a là deux cas de figure. Le premier est que le même acte tient lieu des deux, dans ce cas , il faut nourrir l’intention pour les deux, selon l’avis le plus répandu. En voici un exemple: voici quelqu’un qui a contracté les souillures mineure et majeure. Selon la doctrine (hanbalite), il lui suffit de procéder aux  actes prévus dans le cas de la souillure majeure tout en ayant l’intention qu’ils vaillent pour les deux. Il  (Ibn Radjab) s’est étendu sur la citation des cas qui en résultent pour les adapter aux règles de la doctrine (hanbalite) avant de poursuivre: « le deuxième cas de figure est que l’intention  d’accomplir l’un des deux actes  le dispense de l’autre. Les exemples sont nombreux : si quelqu’un entre dans la mosquée après le début de la prière obligatoire , il est dispensé de la prière faite pour saluer la mosquée.

Un autre exemple: quand celui qui accomplit le pèlerinage mineur arrive à La Mecque, il s’engage dans la circumambulation principale pour ce pèlerinage et se passe de la circumambulation de l’arrivée. » Voir Qawaaid Ibn Radjab (1/242) et suivants.

Les jurisconsultes hanbalites ont des avis détaillés à propos de la fixation des actes qu’il est juste d’intégrer et de ceux qui ne peuvent pas faire l’objet d’intégration. Voir à toutes fins utiles at-Tadaakhoul wa atharouhou fil ahkaam ach-charyyah par dr Muhammad Khalid Mansour disponible sur le réseau , p. 63 et suivantes.

Source: Islam Q&A