Jeudi 20 Djoumada 1 1446 - 21 novembre 2024
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Abandon de l’usage des moyens ordinaires sous prétexte de s’être confié à Allah

Question

Certains soufis disent avoir abandonné l’usage des moyens ordinaires sous prétexte de s’être confiés à Allah et soumis à Ses décrets et jugements .. Est-ce correct ? Quelle est la doctrine exacte dans ce domaine ?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Cette affaire constitue une épreuve générale qui touche à la fois les individus et la communauté toute entière. La Umma islamique a traversé de nombreuses crises et des périodes très difficiles, et elle s’en est toujours bien tirée grâce à une pensée éclairée, à un regard profond et à une juste conception (des solutions). Elle a toujours su étudier les causes et leurs effets , les conséquences et ce qui les détermine, afin de pouvoir employer les moyens (appropriés) et d’ entrer dans les maisons par leurs portes . C’est ainsi que, grâce à l’ordre d’Allah, elle a pu traversé les crises, se relever après les revers, recouvrer sa puissance et sa gloire de jadis. C’est ainsi que la Umma islamique avait vécu pendant ses époques de prospérité.

Au cours des époques récentes, l’ignorance a prédominé et les oiseaux de l’athéisme et de l’occidentalisation ont envahi le terrain. D’où la propagation d’innovations et de croyances aberrantes. Dès lors beaucoup de musulmans baignent dans la confusion et utilisent la foi dans le décret et le jugement divins comme un prétexte pour ne rien entreprendre et comme une justification de l’abandon de la réflexion sérieuse et déterminée sur les grands problèmes afin de s’engager dans la voie vers la puissance et le bonheur ; ils ont préféré la facilité à la difficulté très désagréable à affronter…

Aussi ont-ils fini par croire que pour sortir des difficultés, il suffit de s’en remettre au décret (divin) et de croire qu’Allah est celui qui fait ce qu’Il veut et que tout ce qu’Il veut se réalisera et que ce qu’Il ne veut pas ne se réalisera pas et qu’il faut laisser s’exécuter Sa volonté, Ses décrets et jugements, car nous n'avons aucun moyen devant cela et ne pouvons pas les influencer…

C’est une manière facile de s’abandonner au destin sans avoir recours aux moyens légaux. On ne recommande plus le bien, on n’interdit plus le mal, on n’engage plus de djihad contre les ennemis d’Allah, on ne se soucie plus de la diffusion du savoir ni du combat contre l’ignorance et contre la propagation de la pensée destructrice et des principes aberrants, sous prétexte que tout cela est conforme à la volonté d’Allah.

En vérité, il s’agit là d’une catastrophe majeure, une immense aberration qui a plongé la Umma dans le gouffre du retard et du déclin et l’a soumise à la domination des ennemis et l’a embourbée dans une série de malheurs successifs…

L’emploi des moyens (ordinaires) n’est pas incompatible avec la foi au décret. Bien au contraire, il la complète. En effet, Allah veut nous faire des choses et veut des choses de notre part. Ce qu’il veut faire de nous nous demeure inconnu, mais ce qu’Il veut de notre part a fait l’objet de Son ordre. Il a voulu que nous transmettions l’appel islamique aux infidèles, même s’Il avait su que ceux-ci ne croirait pas. Il nous a donné l’ordre de les combattre, même s’Il avait su que nous allions être vaincus. Il nous a donné l’ordre de former une Umma unie, même s’Il avait su que nous allions être divisés. Il nous a donné l’ordre d’être très durs à l’égard des mécréants et très compatissants entre nous, même s’Il avait su que nous allions être très durs les uns envers les autres, etc.

C’est la confusion entre ce qu’on veut faire de nous et ce qu’on veut de notre part qui nous brouille (le chemin) et nous entraîne vers ce qui est à craindre..

Il est vrai qu’Allah, le Puissant et Majestueux fait toujours ce qu’Il veut, Celui qui a tout créé, Celui qui détient le pouvoir en Sa main, Celui qui possède les clés des cieux et de la terre. Cependant le Très Haut a soumis l’univers à des règles de fonctionnement qui le régissent. Le Puissant et Majestueux demeure toutefois capable de violer les règles et lois naturelles, mais Il ne le fait pas pour n’importe qui…

Croire qu’Allah est capable de donner la victoire aux croyants contre les infidèles ne signifie pas que cela se passera même si les croyants restaient passifs et n’employaient pas les moyens appropriés. Car l’obtention d’une victoire sans l’usage des moyens (nécessaires) est impossible. Car la puissance divine  ne s’exerce pas sur l’impossible et, en plus, ce serait contraire à la sagesse divine. Or la puissance d’Allah, le Puissant et Majestueux dépend de Sa sagesse.

Le fait qu’Allah soit capable d’une chose ne signifie pas que l’individu ou la communauté en soit capable. La puissance d’Allah est un attribut spécifique comme la puissance du fidèle serviteur est une qualité qui lui appartient spécifiquement. Confondre la puissance divine et la foi dont elle fait l’objet (d’une part) et le pouvoir du serviteur et son application de l’ordre qui lui est donné (d’autre  part) incite à l’immobilisme et anesthésie les peuples et les nations…

C’est ce qu’un historien orientaliste allemand a fait observer à propos de l’histoire moderne des musulmans en ces termes :  Le musulman se soumet naturellement à la volonté d’Allah et se contente de Ses jugements et décrets et soumet tout ce qu’il possède à l’Unique, le Très Dominant .

L’obéissance qui en découle a eu deux différentes conséquences. Dans la première époque islamique, l’obéissance a joué un très important rôle dans les guerres et permis de remporter des victoires successives puisqu’elle avait inspiré au soldat l’esprit du sacrifice.. Au cours des dernières époques, elle a été, au contraire, à l’origine de la stagnation qui a prédominé dans le monde musulman, a précipité son déclin et l’a mis à l’écart du courant des événements mondiaux ».

Voir al-Ilmaniyya par Safar al-Hawali citant Paul Schmidtz dans son livre : l’islam, la puissance mondiale de demain, p. 87.

Source: Extrait du livre : al-imam bi al-qada wa al-qadar par Muhammad ibn Ibrahim al-Hamad, p. 144