Louange à Allah.
Premièrement, Mouslim (648) a rapporté dans son Sahih d'après Abou Dharr (P.A.a) que le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) lui a dit:
-«Que feras-tu quand tu auras des chefs qui retarderont la prière par rapport à son heure ou s'en abstiendront à l'arrivée de son heure?»
-«Que m'ordonne-tu?»
-«Fais la prière dès l'entrée de son heure. Puis refais-la en compagnie du chef à titre surérogatoire.»
Selon une autre version de Mouslim rapportée toujours d'Abou Dharr: « le Messager d'Allah m'adit: ô Abou Dharr! Il y aura après moi des chefs qui passeront la prière sous silence. Fais-la à son heure. Si tu la fais à son heure, celle que tu ferais par la suite avec le chef serait surérogatoire, la première ayant compté pour toi.»
Le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) nous a informé que des chefs viendraient après lui qui retarderaient la prière par rapport à son heure préférée et ne l'accompliraient que dans son temps nécessaire. Selon al-Manawi le fait de prédire une chose avant sa concrétisation fait partie des signes de la prophétie. La prédiction se produisit dans sa pure forme du temps d'al-Hadjdjadj et sous d'autres.» Extrait de Faydhoul Qadir (4/100).
On trouve dans Mirqaat al-mafaatiih fi mishkaat al-massabiih (2/531): «La prédiction se réalisa sous les Omeyyades, ce qui constitue un miracle.»
Une divergence oppose les ulémas quant à la question de savoir si le retardement de la prière effectué par les chefs consiste à l'accomplir en dehors du temps préféré ou à la faire dans la limite du temps nécessaire, selon l'avis jugé le mieux argumenté par an-Nawawi, ou de la faire après l'écoulement de son temps, d'après ce qu'Ibn Taymiyah (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) juge plus probable.
An-Nawawi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit dans son commentaire du hadith: «Tuer la prière signifie la traiter comme le mort devenu sans âme. La retarder par rapport à son heure signifie par rapport à son temps préféré non par rapport à tout son temps. En effet, ce qui est rapporté de la pratique des chefs anciens et contemporains est qu'il la retardent par rapport à son temps préféré. Aucun d'entre eux ne la retarde au delà de tous son temps. Aussi faut il interpréter cette prédiction à la lumière de la réalité.» Extrait de Charh an-Nawawi sur Mouslim (5/147).
Cheikh al-islam, Ibn Taymiyah, (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit:«S'agissant des chefs habitués à retarder la prière par rapport à son heure et auxquels le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) interdisait qu'on leur livre un combat ]...[ si on dit qu'ils retardaient la prière jusqu'à la dernière limite de son heure, il n' y rien à dire. Si on dit- ce qui est juste- qu'ils la négligeaient...le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) a donné à la Communauté l'ordre de prier à l'heure et dit: « Considérez la prière faite avec lesdits chefs comme une prière surérogatoire» et a interdit de les combattre comme il a interdit de combattre les dirigeants despotes qui ont violé les droits des gens et les ont agressés.» Extrait de Madjmou' al-fatawa (22/61). On trouve dans Mirqaat al-mafaatiih fi mishkaat al-massabiih (2/308) : «Selon le sens apparent du hadith, il s'agit de retarder la prière par rapport à son temps. C'est le sens qu'an-Nassai lui donne.»
Il est rapporté de façon sure qu'al-Hadjadjadj et son agent al-Walid et d'autres avaient l'habitude de retarder la prière par rapport à son heure. Aussi faut il interpréter le hadith à la lumière de la réalité. Al-Hafedz dit dans Fateh al-Bari (2/14): « Il est rapporté de façon sure qu'al-Hadjadjadj et son agent al-Walid et d'autres avaient l'habitude de retarder la prière par rapport à son heure. Les traditions qui le corroborent sont très répandues.»
Deuxièmement, par le terme oumaraa cité dans le hadith on entend désigner les gouvernants des musulmans comme al- Hadjadjadj ibn Youssouf et al-Walid ibn Ouqbah et d'autres. On lit dans Fateh al-Bari d'Ibn Radjab (4/183):« Les compagnons accomplissaient la prière à son heure et en donnaient l'ordre quand ils se rendirent compte que les chefs omeyyades avaient l'habitude de retarder les prières par rapport à leurs heures. Les plus illustres parmi la génération ayant succédé à celle des compagnons et leurs contemporains parmi les ulémas perpétuaient la conduite des compagnons à cet égard. Chafii a rapporté grâce à sa propre chaine qu'Ibn Omar critiquait la tendance d'al- Hadjadjadj à retarder la prière de l'aube tout en priant avec lui.
Selon an-Nakhai, Ibn Masoud priait au temps d'Outhmane derrière des gouvernants qui retardaient la prière et pensait que c'était tolérable. C'est ainsi qu'il se comportait au temps où al-Walid ibn Oqbah administrait al-Koufa au nom d'Outhmane. Ce gouverneur retardait la prière par rapport au début de son heure parfois. Le comportement de ces gouvernants est une déviation car il n'est pas permis de retarder la prière par rapport à son heure préférée sans excuse.
Selon al-Mawardi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde):« Si on prie derrière un dévoyé, on ne reprend pas la prière car elle est valide, à moins que le dévoyé se soit exclu de la religion. En effet, le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) dit:« Viendront après moi des chefs qui retarderont la prière par rapport à son heure. Accomplissez-la à son heure puis priez avec eux à titre surérogatoire.» Puisqu'il a autorisé l'accomplissement de la prière derrière eux en dépit du fait que celui qui retarde la prière délibérément est un dévoyé, on en déduit que ce dernier peut servir d'imam et qu'on peut justement prier derrière lui.» Extrait d'al-Hawi al-Kabir (2/353).
Cheikh al-islam Ibn Taymiyah dit:«Voilà ce qui a amené des compagnons d'Ahmad et d'autres à préciser qu'il est permis d'accomplir une prière surérogatoire derrière un dévoyé. En effet, le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) a donné l'ordre de prier derrière les chefs habitués à retarder la prière jusqu'à la sortie de son heure. Or, bien que ces chefs soient dévoyés, il a donné l'ordre de prier derrière eux avec l'intention de le faire à titre surérogatoire. Il est bien connu au sein des jurisconsultes que le retardement de la prière relève de la déviation.» Extrait d'al-Fatawa al-koubra (2/39). Cette déviation n'empêche pas qu'on puisse prier derrière eux avec l'intention d'accomplir une prière surérogatoire, si toutefois les chefs dévoyés ne commettent pas un acte qui les exclut de l'islam. C'est parce que refuser de prier derrière eux, fussent-ils dévoyés, peut entraîner des troubles et des divisions pouvant semer des dissensions au sein de nos rangs. On a déjà parlé du jugement de l'accomplissement de la prière derrière un dévoyé. Qu'on se réfère à la fatwa n° 47884 .
Si toutefois une contrainte ou un intérêt nécessite le retardement de la prière, il n' y a aucun mal à le faire. C'est le cas quand les gens sont dans leurs lieux de travail et ne peuvent pas partir accomplir la prière du vendredi au début de son temps. Il faut dans ce cas qu'ils puissent faire ladite prière avant l'entrée du temps de la seconde prière de l'après midi. Nous l'avons déjà expliqué dans la fatwa n° 145262 . Cela étant, si l'imam retarde la prière du vendredi d'une manière qui ne la déplace pas de son temps, il faut l'attendre car cette prière ne peut pas se fait correctement en l'absence d'un imam, d'un sermon et d'un groupe de prieurs.
Quatrièmement, s'agissant de l'accomplissement de la prière sous la direction de quelqu'un qui prône la démocratie et la laïcité, s'il appellent à l'abandon de la charia donc de l'application de la loi d'Allah dans la vie réelle et la séparation entre la religion et la vie publique des gens, on ne peut pas prier derrière un tel imam.
En principe, on peut prier derrière tout imam qui affiche son appartenance à l'islam sans mener une investigation sur son état. Cheikh al-Islam, Ibn Taymyah, a été interrogé à propos du fait de prier derrière les Mazariqa et à propos de leur innovation. Voici sa réponse: «On peut faire les cinq prières quotidiennes et la prière du vendredi derrière quelqu'un qu'on ne sait ni innovateur ni dévoyé selon l'avis unanime des autre imams des musulmans. Le fait de prendre quelqu'un pour imam ne dépend pas de la condition de connaitre ses croyances ni de le tester en lui disant que crois-tu? Car on peut prier derrière quelqu'un dont on ne connait pas l'état réel.» Extrait de Madjmou' al-Fatawa (23/351).
Allah le sait mieux.