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Quelles sont les divergences qui opposent les matouridistes aux partisans de la Sunna?

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Date de publication : 10-12-2014

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Question

Je voudrais que vous me clarifiez la différence entre la foi des ancêtres pieux et celle adoptée par les matouridistes et me dire si celui qui adhère à la foi telle que conçue par ces derniers entrera ou non au paradis.

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Premièrement, la matouridiyya désigne un groupe de théologiens scolastiques innovateurs qui se réclame d’Abou Mansour al-Matouridi. Ils fondent leur méthodologie sur l’usage d’arguments et preuves rationnels appliqués dans les discussions menées sur des questions théologiques les opposant à leurs adversaires mutazilites, djahmites et d’autres, dans le but de justifier les réalités religieuses et le dogme islamique.

La matouridiyya a évolué à travers plusieurs étapes et ne fut connu sous son appellation actuelle qu’après la mort de son fondateur, à l’instar de l’acharismequi ne reçut ce nom qu’après le décès d’Aboul Hassan al-Achari. On peut présenter sommairement les quatre étapes de son évolution comme suit :

-L’étape de la fondation marquée par d’intenses discussions avec les Mutazilites. Cette étape fut dirigée par Abou Mansour al-Matouridi connu sous le nom de Muhammad ibn Muhammad ibn Mahmoud al-Matourididu Samarkand, originaire de Matourid, une localité située dans les environs de Samarkand au-delà du fleuve, et où il naquit. Abou Mansour est considéré comme l’un des pionniersde l’école rationaliste. Il n’eut pas la chance de s’occuper soigneusement des textes religieux et du recueil des traditions (prophétiques), ce qui est le cas de la majorité des théologiens scolastiques et jurisconsultes.

-Abou Mansour subit l’influence des croyances djahmites dans plusieurs domaines, notamment celui de l’interprétation des attributs divins fondés sur des informations et celui de l’innovation portant sur le report (du jugement divin) et les avis de ses partisans. Il fut encore influencé par Ibn Koullab (m. en 240 H.) le premier à avoir inventé le concept de parole innée attribuée à Allah le Puissant et Majestueux.

-L’étape de la formation. C’est l’étape des disciples d’al-Matouridi et de ceux qui, après lui, subirent son influence. C’est au cours de cette étape que les matouridistes devinrent un groupe théologique nettement à part. D’abord, il fit son apparition à Samarkand et œuvra à y diffuser les idées de leur Maître et imam. Ils les défendirentdans leurs ouvrages tout en suivant la doctrine juridique de l’imam Abou Hanifa. C’est ainsi que la foi matouridie se propagea dans ces contrées mieux que les autres doctrines. Font partie des figures les plus marquantes de cette étape : Aboul Qassim, Isaac ibn Muhammad ibn Ismail al-Hakim du Samarkand et Abou Muhammad, Abdoul Karim ibn Moussa ibn Issa al-Bazdawi.

-L’étape de la rédaction d’ouvrages pour asseoir les bases de la doctrine matouridie. Cette étape fut marquée par la prolifération d’ouvrages et la collecte d’arguments en faveur de la doctrine matouridie. Ce qui fait quecette période futplus importante que les précédentes dans la consolidation de la doctrine. On cite parmi les grandes figures de cette étape : Aboul Mou’in an-Nassafi et Nadjmouddine an-Nassafi.

-L’étape de l’expansion. Cette étape est considérée comme la plus importante du développement de la matouridiya car elle y atteignit l’apogée de sa diffusion. Elle dut cette situation au soutien des sultans de la dynastie ottomane. La domination de la matouridya accompagnait celle de l’empire ottoman. Elle se répandit à l’Est, à l’Ouest, en Arabie, en pays non arabes, notamment en Inde, en Turquie, en Perse et en Byzance. Elle eut de grandes autorités scientifiques comme al-Kamal ibn al-Hammam.

-Aussi la matouridiya se diffusa –t- elle et attira de nombreux adeptes en Inde et dans les pays de l’Orient comme la Chine, le Bangladesh, le Pakistan, l’Afghanistan, comme elle le fit en Turquie, en Byzance, en Perse et dans les pays situés au-delà du fleuve où elle garde encore une forte présence.

-Deuxièmement, concernant les différences les opposant aux partisans de la Sunna, les matouridistes divisent les fondements de la religion selon les enseignements qu’ils ont reçus en :

-données théologiques (rationnelles) que la raison à elle seule peut appréhender et que la révélation ne fait que confirmer. C’est le cas des chapitres relevant de l’unicité d’Allah et de Ses attributs;

-données religieuses (entendues) dont la raison admet résolument la possibilité mais ne peut pas à elle seule parvenir à les confirmer ou à les infirmer. C’est le cas de la prophétie, du châtiment dans la tombe et des choses de l’au-delà. Certains d’entre eux, toutefois, considèrent la prophétie comme relavant des données rationnelles.

-Il est évident que cette approche s’oppose à celle de l’ensemble des partisans de la Sunna pour lesquels le Coran, la Sunna et le consensusdes Compagnons sont les sources de l’enseignement portant sur les questions religieuses. Il s’y ajoute que les deux groupes s’opposent à propos de la division des fondements de la religion en données rationnelles et données fondées sur la révélation car cette division repose sur une fausse idée selon laquelle les affaires religieuses, notamment les dogmes, se répartissent entre ce qui peut être saisi par la raison et dont l’affirmation ne relève pas du ressort de la seule révélation puisque celle-ci ne fait qu’y appuyer la raison, et le reste.

-Les matouridistes, à l’instar des autres groupes de théologiens scolastiques, ont parlé de la nécessité de connaître Allah Très-haut par l’usage de la raison avant même l’arrivée de la révélation. Ils considèrent l’acquisition de cette connaissance comme le premier devoir du fidèle responsable. On ne l’excuse pas s’il ne la possède pas. Bien au contraire, même s’il reconnaissait l’envoi par Allah des prophètes et messagers.

-Sur ce plan, les matouridistes rejoignent les moutazilites. Leur avis est pourtant manifestement faux. Des arguments tirés du livre et de la Sunna s’opposent puisqu’ils expliquent que la récompense et le châtiment ne s’appliquent qu’après l’établissement de la loi religieuse. C’est dans ce sens qu’Allah le Très-haut dit :  Et Nous n'avons jamais puni (un peuple) avant de (lui) avoir envoyé un Messager..  (Coran,17 :15). Ce qui est juste est que le premier devoir des fidèles serviteurs n’est rien d’autre que d’attester l’unicité absolue d’Allah le Transcendant et Très-haut, et d’adhérer à Sa religion. In ne s’agit donc pas de la seule connaissance d’Allah que celui-ci a inscrit dans la nature de l’ensemble de Ses créatures.

-La notion du tawhiid signifie pour les matouridistes qu’Allah Très-haut est Un dans Son entité et indivisible. Il n’est pas constitué de parties distinctes. Il est aussi Un dans Ses attributs. Rien ne Lui ressemble. Il est encore Un dans Ses actes. Personne ne s’associe à Lui dans la création des choses.

-Les mutazilites ont déployé leurs plus grands efforts pour étayer cette sorte de tawhiid, étant donné que selon eux la divinité réside dans la capacité d’inventer. Ils emploient (dans la défense de leurs thèses) des arguments et des comparaisonsrationnelles et philosophiques initiées par les mutazilites et djahmites comme l’argument consistant à évoquer la contingence des essences et des accidents. Cet argument a été remis en cause par les ancêtres pieux, les imams et ceux qui les ont suivi, notammentd’éminents philosophes et théologiens scolastiques. Ils ont tous expliqué que le Coran est l’argument le plus juste.

-Les matouridistes confirment huit attributs d’Allah seulement, sans être d’accord entre eux sur les détails : il s’agit de la vie, de la puissance, du savoir, de la volonté, de l’ouïe, de la vue, de la parole et de la création.

-S’agissant des autres attributs d’Allah Très-haut indiqués dans le livre et la Sunna (les attributs tirés d’information) en termes d’attributs concernant l’entité divine, et d’attributs relatifs aux actes (d’Allah),ilsn’entrent pas dans le cadre de ce qui est saisissable par la raison à elle seule. C’est pourquoi les matouridistes les excluent tous et interprètent les textes religieux qui les affirment.

-Quant à la communauté des Sunnites, leurs croyances relatives aux noms sont identiques à leurs croyances portant sur les attributs car ils professent que tout ce qui se rapporte aux deux domaines est à recevoir tel quel (d’Allah). Ils croient à tout ce qui se dégage des textes sans l’assimiler à ce qui est appelé ainsi chez les créatures. Ils excluent à l’égard d’Allah tous les attributs impliquant un défaut ou entraînant une ressemblance avec les créatures sans pour autant vider les noms et attributs d’Allah de leur sens. Ils s’en remettent à Allah pour la connaissance de la modalité (des attributs) tout en acceptant le sens qui convienne à Allah Très-haut, compte tenu de Sa parole : Il n'y a rien qui Lui ressemble; et c'est Lui l'Audient, le Clairvoyant. (Coran, 42 :11).

-Leur affirmation selon laquelle la vraie parole d’Allah est sa parole innée qui existe en Lui et qu’on n’entend pas puisque ce qui est entenduest l’expression d’une qualité intrinsèque éternelle. Dès lors, il n’est pas exclu, selon eux, que l’écrit, comme les exemplaires du Coran, qui circule entre les mains des gens dans soit créé. Là, ils rejoignent les mutazilites qui ont violé le consensus des imams. Des traditions concordantes reçues des imams de la religion indiquent la fausseté de leur avis et jugent mécréant celui qui dit que le Coran est créé.

-Les matouridistes disent dans leur définition de la foi qu’elle signifie exclusivement l’adhésion du cœur. Certains d’entre eux ajoutent l’affirmation verbale. Ils nient qu’elle puisse augmenter ou diminuer et ils interdisent qu’elle puisse être l’objet d’une restriction et affirment qu’islam et iman sont des synonymes que rien ne différencie. Dès lors, ils rejoignent les murdjites et s’opposent à l’ensemble des partisans de la Sunna selon lesquels la foi consiste dans une adhésion intime, exprimée verbalement et traduite à travers l’observance des piliers (de l’islam). Selon eux, la foi croit grâce à l’obéissance et décroit à cause de la désobéissance.

-Les matouridistes confirment la vison d’Allah Très-haut dans l’au-delà mais ils excluent qu’Allah puisse être localisé et qu’on puisse Lui faire face. Cet avis implique une contradiction qui consiste à affirmer une chose pour en nier la réalité ensuite.

Pour en savoir davantage, voir :

-Al-mawssou’a al-mouyassara fil adyaanwal-ahzab al-mou’assira (1/95-106).

-Al-Matouridiyyah, un mémoire de Magester présenté par Ahmad ibn Awadhallah al-Lahibi al-Harbi

-Al-Maturidiyyahwamawquifouhoum min tawhiid al-asmaawas-sifaat, un mémoire de Magester présenté par Chams al-Afghani as-Salafi

-Manhadj al-matouridiyya fil aquida par Dr Muhammad ibn Abdourrahman al-Khamis

-Al-Istiqama par Cheikh al-islam, Ibn Taymiyyah

-Madjmou’ fatawawarassail al-Outhaymine (3/307-308).

Troisièmement, on ne dit pas d’un adepte de la matouridiyya qu’il entrera au paradis ou enfer car ils sont comme l’ensemble des autres musulmans, même s’ils professent des croyances innovées. En effet, ces innovations ne font pas d’eux des mécréants. Aussi demeurent-ils dans le reste de leurs conditions comme les autres musulmans :  Ceci ne dépend ni de vos désirs ni des désirs des gens du Livre. Quiconque fait un mal sera rétribué pour cela, et ne trouvera en sa faveur, hors d'Allah, ni allié ni secoureur. Et quiconque, homme ou femme, fait de bonnes œuvres, tout en étant croyant... les voilà ceux qui entreront au Paradis; et on ne leur fera aucune injustice, fût-ce d'un creux de noyau de datte.  (Coran,4 :123-124).

Leur ancrage dans l’innovation mesuré individuellement connait des variations. Les uns optent pour l’interprétationet déploient des efforts qui justifient qu’on les excuse en cas d’échec. D’autres se trompent de manière inexcusable mais se placent sous la volonté divine et peuvent soit être châtiés, soit être pardonnés par Allah.

Cheikh al-islam Ibn Taymiya (Puisse Allah lui accorder à Sa miséricorde) dit après avoir mentionné un groupe des imams acharites : «  Il n’y a pas un seul parmi ceux-là qui n’ait pas déployés pour l’islam des efforts louables, des bienfaits remarquables. Chacun s’est dressé contre de nombreux partisans de l’athéisme et de l’innovation (en religion) et pour soutenir de nombreux partisans de la Sunna. Ils ont fait dans ce domaine des choses reconnues par tous ceux qui les connaissent et parlent d’eux en connaissance de cause donc avec sincérité, équité et partialité.

Cependant quand ils en vinrent à l’étude de ce principe initialement emprunté aux moutazilites, ils l’appliquèrent avec toutes ses implications en dépit de leur éminence et de leur qualité d’hommes raisonnables. Ce qui les entraîna à adopter des avis contestés par des musulmans issus des hommes de foi et du savoir.

A cet égard, les gens prirent différentes positions envers eux : certains les vénèrent à cause de leurs belles qualités et leurs vertus, et d’autres les critiquèrenten raison des fausses innovations qui entachent leurs propos. Or le juste milieu représente la meilleure option. Cette différence d’attitude à leur égard ne leur est pas réservée. Bien au contraire, d’autres groupes d’hommes de foi et de savoir ont connu le même sort. Allah le Très-haut agrée les bonnes œuvres de tous Ses fidèles serviteurs et leur pardonnent leurs mauvaises actions : Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu'à nos frères qui nous ont précédés dans la foi; et ne mets dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui ont cru. Seigneur, Tu es Compatissant et Très Miséricordieux. (Coran,59 :10)

Il ne fait l’objet d’aucun doute que quand on fait l’effort nécessaire dans la recherche dela vérité et de la religion dans les limites du legs du Messager d’Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) et y commet quelques erreurs, Allah les pardonne comme une concrétisationde l’invocation qu’il a exaucée au profit de son Prophète et des croyants qui ont dit : Seigneur, ne nous châtie pas s'il nous arrive d'oublier ou de commettre une erreur. (Coran,2 :286).

Celui qui se livre à des conjectures dictées par la passion et se permet de formuler des critiques subjectives exagérées contre ses contradicteurs  à cause de ce qu’il considèrecomme des erreurs qu’ils auraient commises au bout de leurs efforts alors que les critiqués prennent leurs résultats pour justes, celui-là (l’auteur des critiques) tombe dans une innovation contraire à la Sunna. Car il doit faire plus ou moins d’efforts dans l’examen des résultats des efforts d’interprétation déployés par ceuxde ses condisciples qu’ils considèrent comme importants.

En fait, rares parmi les gens des dernières générationsy échappent (la cause des critiques) en raison de la fréquence des confusions et des ambigüités, et de l’éloignementde la lumière prophétique et du soleil du message (divin) qui permet de bénéficier de la bonne guidance et du juste, et qui enlève des cœurs les doutes et les réticences.« Extrait de Dar’outaaaroudh al-aql et an- naql(2/102-103)

Allah le sait mieux.

Source: Islam Q&A