Dimanche 21 Djoumada 2 1446 - 22 décembre 2024
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Le verdict de l'utilisation des objets fabriqués à partir de peaux animales

Question

Quel est le jugement des objets fabriqués à partir des peaux animales?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Le cuir entre dans la fabrication de bon nombre de produits comme les sacs, les manteaux, les chaussures, les ceintures, etc.

Le cuir artificiel, dérivé de produits pétroliers ou autres, est permis et pur car les choses sont à l’origine pures et licites.

Quant aux objets fabriqués à partir de peaux animales, leur statut varie en fonction de la peau de l’animal d’origine. La peau animale est classée selon les cas suivants :

1- La peau d’un animal dont la consommation de la chaire est licite et qu'il soit égorgé selon la Charia. Ce type de peaux est pur selon l’avis unanime des ulémas, car l’égorgement de la bête rend sa peau licite.

C’est le cas des peaux de chameau, de bœuf, de mouton, de gazelle, de lapin et consort ; que ces peaux soient tannées ou pas.

L'imam Ibn Hazm (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Les ulémas sont d’avis que la peau de tout animal dont la consommation de la chaire est licite s’il a été égorgé selon la Charia, est pure, utilisable et vendable. » Extrait de Maratib Al-Idjma’ p.23.

2. La peau qui provient d’un animal dont la chair est consommable pour le musulman mais la bête n’est pas égorgée conformément à la Charia. Soit parce qu’elle est morte naturellement, ou bien qu’elle a été égorgée mais de manière contraire à la Charia. Une telle peau est impure car elle fait partie d’un animal mort qui est lui-même impur parce que mort sans égorgement (selon la Charia). Elle ne peut être purifiée qu’à travers le tannage. Une fois tanné ce cuir devient pur.

Le Tannage consiste à traiter une peau à l’aide de produits de nettoyage et de purification afin de la débarrasser de ses pourritures, déchets et humidité. Jadis, on y employait les feuilles de mimosa flava, les tanins, l’alun ou l’écorce du grenadier.

En ces temps modernes, le tannage se fait dans des grandes usines par l’usage de produits chimiques qui purifient la peau et réalisent le même objectif recherché jadis. Le tannage peut se faire avec tout ce qui est apte à éliminer de la peau la pourriture et les autres impuretés. Toutes les peaux utilisées aujourd’hui dans les sacs, vêtements, chaussures et consorts ont été tannées de sorte à les débarrasser de l’humidité et du sang.

L’argument soutenant la pureté de ces cuirs par le tannage repose sur un hadith rapporté par Muslim (366) d’après Abou Al Khaïr qui a interrogé Abdallah Ibn Abbas (Qu’Allah soit satisfait de lui et de son père) en ces termes : « Lorsque nous étions au Maghreb, il y avait des Berbères et des Mages. Ils nous apportaient un bélier qu’ils avaient égorgé alors que nous ne mangions pas les animaux qu’ils égorgeaient. Ils nous apportaient encore des outres contenant de la graisse… » Ibn Abbas (Qu’Allah soit satisfait de lui et de son père) a dit : « Nous avions interrogé le Messager d’Allah (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) sur le sujet et il avait répondu : « Le tannage est leur purification. »

Muslim (363) a rapporté d’après Ibn Abbas encore (Qu’Allah soit satisfait de lui et de son père) qui a dit : « On a donné un mouton en aumône à une femme esclave de Maïmouna (Qu’Allah soit satisfait d’elle). Puis la bête est morte. Le Messager d’Allah (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) qui est passé tout près du cadavre a dit : « Retirez-lui sa peau pour la tanner et l’utiliser. » ils ont dit : « C’est une bête morte. » il a dit : « Ce qui est interdit c'est de la manger. » Cela signifie que la peau d’un animal mort dont la consommation de la chair est en principe licite peut être purifiée une fois tannée.

L'imam Ibn Battal (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « C’est l’avis de la majorité des ulémas et des imams de la Fatwa. Selon Ibn Al-Qassar, c’est le dernier avis retenu par l’imam Malek. C’est aussi l’avis des imams Abou Hanifa et Ach-Chafii'. » Extrait de Charh Sahih Al-Boukhari (5/441).

3. Les peaux des canidés comme le lion, le léopard, le guépard, le loup, l’ours, le chacal et la belette sont impures. Peu importe qu’ils soient égorgés ou tués ou qu’ils meurent naturellement car, même égorgées, elles ne sont pas licites. Elles ne sont pas bonnes à consommer car elles sont souillées dans tous les cas.

Il y a une divergence d'avis entre les ulémas : est-ce que le tannage purifie ces peaux ou non ? Que nous disions que le tannage les purifie ou ne les purifie pas, ces cuirs demeurent inutilisables dans les deux cas en raison de l’interdiction de leur usage précisée par des textes authentiques. Ceci s’atteste dans ce hadith rapporté par Abou Al Malih d’après son père selon lequel : « Le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) a interdit l’usage des cuirs des canidés comme nattes. » (Rapporté par At-Tirmidhi : 1771 et jugé authentique par l'imam An-Nawawi et cheikh Al-Albani).

Al-Miqdam Ibn Ma’di Karib (Qu'Allah soit satisfait de lui) a rapporté que : « Le Messager d’Allah (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) a interdit le port de cuir des canidés et leur l’usage comme monture. » (Rapporté par Abou Dawoud : 4131 et jugé authentique par Al-Albani).

Ces hadiths indiquent qu’il n’est absolument pas permis de tirer profit des peaux des canidés.

L’imam At-Tirmidhi a dit : « Certains ulémas parmi les Compagnons du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) et d’autres réprouvent l’usage des peaux des canidés, même tannées. C’est l’avis des imams Abdallah Ibn Al Moubarak, Ahmed et Ishaq. Ils ont accentué le verdict concernant le port de ces cuirs et surtout dans la prière. » Extrait de Sunan At- Tirmidhi (1771).

Des ulémas ont dit que l’interdiction concernant les peaux des canidés renvoie à leur usage avant de les tanner. L’imam An-Nawawi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Cet avis est faible car s’il en était comme ainsi, la spécification des peaux desdites bêtes n’aurait aucun sens du moment que cet avis est valable pour toutes les peaux. » Extrait de Al-Madjmou’ Charh Al-Mouhadhab (1/221).

La cause de l’interdiction de l’utilisation de ces peaux-là car elles reflètent l’orgueil et l’ostentation, que leur port fait ressembler aux tyrans et aussi parce que c'est la tenue préférée des amateurs du superflu et de la vanité.

Cela étant, il n’est pas permis d'utiliser ces peaux-là, peu importe qu’on les juge pure une fois tannées ou non. Voir la réponse donnée à la question N° 9022.

4.Les peaux des animaux dont la viande est jugée par la Charia inconsommable autres que les canidés, comme celle du serpent, de l’éléphant, de l’âne, du singe, du porc et consorts.

Ces peaux et les autres peaux qui leur ressemblent sont impures. Peu importe que la bête soit égorgée, tuée ou morte naturellement car, même égorgée, sa peau ne serait pas licite puisqu’elle est impure dans tous les cas.

Cependant, le tannage de ces peaux les purifie-t-elles ? La question est l’objet d’une divergence des avis parmi les ulémas.

Pour les uns, le tannage purifie toutes les peaux, exception faite pour celles du chien et du porc. L’imam Ibn Abdelbarr (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « C’est l’avis de la majorité des Fouqahas du Hidjaz, de l’Iraq et de la Grande Syrie qui s’appuient à la fois sur la tradition et sur la réflexion. » Extrait de Al-Istidhkar (5/295).

L'argument appuyant l'école prônant cet avis s’appuie sur les propos du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) : « Si une peau est tannée elle devient pure » (Rapporté par Muslim :366) et cet hadith du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) : « Toute peau qui est tannée est alors purifiée. » (Rapporté par At-Tirmidhi :1728) et jugé authentique par lui et par Al-Boukhari.

L’exception portant sur le chien et le porc s’explique par le fait que ces deux animaux sont impurs, même vivants. Si la vie qui est plus apte à purifier l’animal que le tannage, ne les empêche pas de rester impurs, le fait de les tanner ne les en empêche pas à fortiori.

« Il est vrai que le tannage élimine les causes de l’impureté qui sont le sang et l’humidité. » Extrait de Al Mawsou’a Al Fiqhiya (20/230).

Le chien et le porc sont impurs en eux-mêmes : « Cela veut dire que son entité en toutes ses parties est impure, qu'il soit vivant ou mort. Son impureté ne découle pas du sang ou de l’humidité de son corps comme c’est le cas pour les autres animaux morts. D’où le fait qu’il soit impossible à purifier. » Al Mawsou’a Al Fiqhiya (20/230).

Pour l'imam Ibn Abdelbarr (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) les propos du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) : « Toute peau qui est tannée est alors purifiée. » inclura toutes les peaux mais la majorité des ancêtres pieux sont tous d’avis que la peau du porc n’y est pas incluse. » Extrait d'At-Tamhid (4/178).

Il ajoute (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) : « Ses propos : ‘‘Toute peau qui est tannée est alors purifiée.’’  Inclut toutes les peaux car l’expression a une portée générale sans qu'il n'y ait aucune spécification… Ceci c’est l’avis de la majorité des ulémas, notamment les imams de la Fatwa, mais ils excluent de cette généralité la peau du porc et le reste de son corps car cet animal est jugé impur en lui-même mort comme vivant, sa peau comme sa chaire. Du moment que l’égorgement ne purifie ni sa chaire, ni sa peau, le tannage n’a aucun effet sur sa peau. » Extrait d’Al-Istidhkar (5/305).

Le deuxième avis est que le tannage ne purifie que la peau de l’animal qu'il est permis de consommer la viande. Quant aux animaux dont la consommation est illicite, le tannage ne purifie pas leurs peaux. C’est l’avis des imams Al-Awzai', Ahmed selon une version rapportée de lui, et cheikh Al-Islam Ibn Taïmiyya (Puisse Allah leur accorder Sa miséricorde) selon l’un de ses deux avis sur la question.

Voir Charh Sahih Muslim par l'imam An-Nawawi (4/54) ; Al-Fourou’ par Ibn Al-Mouflih (1/102) ; Madjmou’ Al Fatawas d’Ibn Taïmiyya (21/95).

Cet avis est choisi par un groupe d’ulémas contemporains comme cheikh Mohammed Ibn Ibrahim, cheikh Ibn Baz, cheikh Ibn Outheïmine (Puisse Allah leur accorder Sa miséricorde).

Ils tirent leur argument du hadith de Salama Ibn Al-Mouhabbiq selon lequel lors de la bataille de Tabouk, le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) chercha de l’eau auprès d’une femme qui déclara n’en détenir qu’une quantité conservée dans une outre fabriquée à partir de la peau d’un animal mort. » Il lui a dit : « N'est-ce pas que tu l’as tannée ? » Elle a dit : « Si » il lui a dit : « Le tannage l’a purifiée (Fa Inna Dhibaghouha Dhakatouha). » (Rapporté par l'imam An-Nassaï : 4245) et jugé authentique par les imams Ad-Daraqoutni et An-Nawawi et cheikh Al-Albani.

« Là, il assimile le tannage à l’égorgement (selon la Charia) qui se fait à un animal dont la consommation de la viande est licite. » Extrait d’Al-Moughni d’Ibn Qoudama (1/94).

L’utilité de la divergence se reflète sur le statut de l’usage des objets fabriqués à partir de peau d’animal dont la viande n’est pas consommable pour le musulman. Ceux qui estiment que le tannage purifie ces peaux, ils considèrent que leur usage est permis. En revanche, ceux qui croient que le tannage ne purifie pas les peaux des animaux dont la viande n’est pas consommable pour le musulman ne permettent pas d’en tirer profit de ces cuirs, ni leur usage, ni s’asseoir dessus.

On a interrogé cheikh Ibn Outheïmine (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) en ces termes : « Quel est le critère de l’utilisation des cuirs ? Qu’est-ce qui en est licite et qu’est-ce qui ne l’est pas ? » Voici sa réponse : « Il est connu de tous que les cuirs disponibles sur le marché sont tannés. Or de tels cuirs sont purs pour bon nombre d’ulémas, même quand ils proviennent d’animaux impurs. L’avis juste est qu’ils ne sont pas purs quand ils proviennent d’animaux impurs. Car ce qui est impur en lui-même, même l’eau de mer ne peut le purifier. Mais si les cuirs proviennent d’animaux dont la viande est consommable, même si on ne sait pas s’ils ont été égorgés ou morts naturellement, il n’y a pas de mal. Car à supposer que ces cuirs proviennent d’animaux morts ou non égorgés selon la Charia, le tannage les rend purs à l’instar de la fourrure munie d’une couche intérieure du cuir d’agneau. Nous disons à l’intéressé : il n’y a aucun inconvénient à porter un tel vêtement, même en supposant qu’il s’agisse de la peau d’un animal mort ou non égorgé selon la Charia. En effet, le tannage est apte à les rendre purs. » Extrait de Liqaa Al-Bab Al-Maftouh.

Voir la réponse donnée à la question N° 1695.

En résumé : il n’y a aucun inconvénient à utiliser les objets fabriqués en cuir d’un animal dont la viande est consommable. En revanche, il n’est absolument pas permis d’utiliser les objets fabriqués en cuir d’un canidé. Pour ce qui est du cuir d’un animal dont la consommation de la viande est interdite, du moment que la divergence des avis entre les oulémas est conséquente, il vaut mieux éviter leur utilisation.

Cheikh Ibn Baz (Puisse Allah le Très-haut lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Nul doute que les peaux des animaux morts que l’égorgement rend licite de consommation comme le chameau, le bœuf et le mouton, le tannage les purifie et permet leur libre usage selon le plus juste des avis des ulémas.

Quant à la peau du porc et celle du chien et d’autres animaux pareils dont on ne peut consommer la viande même après leur égorgement, leur purification par le tannage est l’objet d’une divergence de vue au sein des ulémas. Aussi vaut-il mieux ne pas les utiliser afin de se conformer à la parole du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) : « Quiconque s’éloigne des choses suspectes affranchit et sa foi et son honneur. » et sa parole : « Evite ce que tu trouves suspect pour te contenter de ce qui est au-dessus de tout soupçon. » Extrait de Madjmou’ Fatawas Ibn Baz (6/354).

Et Allah, le Très-Haut, sait mieux.

Source: Islam Q&A