Louange à Allah.
L’étude des sources du hadith est fondée essentiellement sur des règles rationnelles, des principes méthodologiques et des bases expérimentales qui ont permis aux traditionnistes d’acquérir un cumul d’expériences méthodologiques portant sur la vérification de la crédibilité des informations. Les traditionnistes ont découvert les fondements de cette discipline après une longue pratique marquée par d’éprouvantes collectes et transmission de traditions orales filtrées et critiquées pour aboutir à une phase d’élaboration progressive des bases et critères de cette discipline.
A ce propos, Alkhatib al-Baghdadi dit : L’examen (évaluatif) des hadith est un savoir qu’Allah Très-haut créé dans les cœurs au bout d’une pratique longue et assidue. Voir al-Djamee (2/255).
Les bases susmentionnées, perçues dans leur philosophie générale et non dans leurs critères partiels, reposent sur des fondements légaux tirés des textes du Livre et de la Sunna. En effet, des arguments religieux globaux ont permis aux ulémas du hadith de définir les principes fondamentaux des sciences de l’histoire.
Quant aux détails, ils sont du ressort de l’approche expérimentale déjà évoquée.
Font partie des principes religieux, généraux et fondamentaux ce qui suit :
1.L’aggravation de l’interdiction du mensonge dans la transmission du hadith. A ce propos, le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit : Certes, mentir sur moi n’est pas comme n’importe quel autre mensonge. Que celui qui ment sur moi délibérément se prépare à occuper sa place en enfer. (Rapporté par al-Bokhari, 1295 et par Mouslim, 4) dans l’introduction de son Sahih.
2. Le non acceptation d’une information apportée par un pervers. Le Très-haut dit : Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bien clair] de crainte [que par inadvertance que vous ne portiez atteinte à des gens t que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait. (Coran, 49 :6).
3. L’assimilation du rapporteur au témoin grâce au recours au raisonnement par analogie qui permet de faire de l’équité une condition de l’acceptation de ce qu’ils rapportent. Le très-haut dit : Recueillez le témoignage de deux hommes intègres issus de vous-mêmes. Faites que le témoignage soit pour Allah. (Coran, 65 :2)
4. Le recours systématique à la rigoureuse vérification. A ce propos, le Très-haut dit : Et ne poursuis pas ce dont tu n’as aucune connaissance. L’ouïe, la vue et le cœur : sur tout cela, en vérité, on sera interrogé. (Coran, 17 :36).
5. Se méfier des informations contestables. D’après Abou Hourayrah (P.A.a) le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit : De grands menteurs et falsificateurs feront leur apparition à la fin des temps. Ils vous apporteront des informations que ni vous ni vos ancêtres n’avez jamais entendues. Méfiez-vous d’eux. Evitez qu’ils vous égarent et vous tentent. (Rapporté par Mouslim dans l’introduction de son Sahih).
6.Eviter la transmission du mensonge conformément à la parole du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) :Quiconque m’impute un hadith qu’il sait mensonger, est un menteur. (Rapporté par Mouslim dans l’introduction de son Sahih).
7.La rigoureuse maîtrise de ce qui est rapporté constitue un critère sûr. A ce propos, le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit : Puisse Allah éclairer un homme qui apprend un hadith auprès de moi et le conserve pour en assurer la transmission. Il arrive souvent que le récepteur (du savoir religieux) comprenne mieux que son transmetteur. Il arrive même que le premier ne soit pas bien instruit. (Rapporté par Abou Dawoud dans as-Sunan n° 3660.)
8.Eviter d’être accusé de rapporter d’étranges hadiths et de ne pas sélectionner les hadiths qu’on transmet. D’après Abou Hourayrah (P.A.a) le Messager d’Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit : Est déjà grand menteur celui qui raconte tout ce qu’il entend. (Rapporté par Mouslim dans l’introduction de son Sahih).
9. Exiger arguments et preuves. Le Très-haut dit : Dis : apportez votre preuve, si vous êtes véridiques. (Coran, 2 :111).
10.Rechercher le savoir et la certitude et éviter soigneusement la conjecture et la fausse appréciation. A ce propos, le Très-haut dit : ..Alors qu’ils n’en ont aucune science : ils ne suivent que la conjecture, alors que la conjecturer ne sert à rien contre la vérité. (Coran, 53 :28).
L’imam Mouslim s’est servi de certains de ces arguments dans l’introduction de son Sahih (p.7). Voici ce qu’il dit : «Sachez – puisse Allah Très-haut vous assister- qu’il est un devoir pour tout un chacun de faire la distinction entre les versions authentiques et les versions douteuses, et entre les rapporteurs sûrs et les mis en cause. Il ne faut rapporter que des informations reçues de source sure et dont les transmetteurs sont apparemment irréprochable. Il faut exclure tout ce qui provient de gens suspects, des opposants invétérés à (la Sunna) issus des hérétiques.
L’argument qui prouve que ce que nous venons de dire est à retenir et non le contraire réside dans cette parole d’Allah, l’Auguste : Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bienclair ] de crainte [ que par inadvertance que vous ne portiez atteinte à des gens t que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait. (Coran, 49 :6). L’Auguste dit encore : les témoins que vous avez agréés. (Coran, 2 :282). Le Puissant et Majestueux dit : Recueillez les témoignage de deux hommes intègres issus de vous-mêmes. (Coran, 65 :2).
Les versets que nous venons de citer indiquent que l’information apportée par un homme pervers n’est pas recevable et que le témoignage et tout autre informations apportée par un homme qui n’est pas intègre est à rejeter. Il est vrai toutefois qu’information et témoignage restent différents dans certains de leurs aspects mais identiques dans leurs sens les plus importants.
Les ulémas rejettent tous les informations et témoignages transmis par des pervers. La Sunna indique que les informations reçues auprès de pervers doivent être exclues de la même manière que le Coran indique l’exclusion des informations apportées par les pervers. »
Docteur Hammam Said : «Ceci indique clairement que l’approche des traditionnistes reste coranique parce qu’inspirée par le Coran et la Sunna. C’est une approche historique et critique qui ne permet pas d’adopter un texte sans le soumettre à la critique. Car il ne suffit pas qu’un texte vienne d’un uléma ou d’une personnalité respectable pour être accepté. Il faut en plus que l’attribution du texte à son auteur soit vérifiée et qu’on le scrute attentivement pour s’assurer de sa concordance avec les fondements et principes généraux établis. Cette approche historique et critique est absente dans l’étude de la Thora et des Evangiles et de l’ensemble des sources de l’histoire antérieures à l’islam.
A son avènement, celui-ci mit à la disposition du monde cette approche fondée sur la recherche et l’investigation et la saine réflexion. Charles Geniber a opposé cette approche critique et historique à l’approche religieuse chrétienne qui reçoit des versions des anciens sans les soumettre à la discussion avant formuler un jugement à leur égard.
Beaucoup de chercheurs ont sous- estimé le lien méthodologique existant entre le saint Coran et les sciences du hadith. Ce qui a fait germer dans les esprits l’idée selon laquelle l’approche des traditionnistes reflète une sorte de génie rarissime et constitue le produit du seul besoin.
La vérité indiscutable est que l’approche des traditionnistes est une approche coranique qui reflète l’un des aspects miraculeux de cette religion (islam).Puisqu’Allah a protégé Son saint livre contre toute modification ou altération, Il a en a fait de même pour la Sunna de sorte à lui éviter la disparition et l’oubli. » Extrait d’al-fikre al-manhadji inda al-mouhaddidtheen (p.24).
L’honorable lecteur se rend compte que tout ce qui précède constitue les fondements d’une approche générale ancrée par le saint Coran et par notre noble messager (Bénédiction et salut soient sur lui) dans les esprits de ses compagnons pour leur permettre de dessiner le cadre général de la théorie épistémologique qu’ils cherchaient et sur la base de laquelle ils allaient fondé leurs savoirs rationnels et ceux tirés de la Révélation. Les fondements ainsi jetés ont eu pour fruits une investigation serrée, un sens critique élevé et systématique dicté par la crainte de s’écarter des fondements et ordres divins.
N’eût-été ce souci, les musulmans auraient emprunté la voie de l’illusion et des prédictions. Nous aurions vu alors que des fables, légendes et contradictions prédominent dans le langage utilisé par les musulmans dans leur recherche du savoir. La conscience religieuse qui découle des dix bases sus mentionnées a eu le plus grand impact sur l’approche fondée sur la rigoureuse vérification adoptée par les traditionnistes.
S’agissant des fins détails de l’étude des sources du hadith, nous en disons que c’une science régie par des lois qui permettent de connaitre les conditions affectant la forme et le fond et déterminant leur acceptation ou rejet. C’est dans ce cadre qu’on parle de ces éléments : la maîtrise de l’appris, la maîtrise de l’écrit, l’approche adoptée dans le traitement des hadiths collectés auprès de dissimulateurs, l’adoption de la version du plus sûr à la place de celle fournie par le moins sûr, l’agencement des classes des rapporteurs se référant à un maître déterminé, la comparaison entre les versions, le recoupement des voies de transmission, l’examen attentif des cas individuels, la considération des signes, la consolidation d’une version grâce à la multiplicité des voies et des méthodes de sa transmission, entre autres lois déterminant l’acceptation ou le rejet. Tout cela constitue, comme vous le voyez, le fruit d’une activité rationnelle exhaustive pour transformer des principes généraux en lois méthodologies. Cette pratique permettait aux traditionnistes de juger l’authenticité ou de la faiblesse d’un hadith.
L’érudit, al-Muallami (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : «Mais se sont-ils référés à la rationalité dans l’examen et l’authentification des hadiths ? Je dirais : oui. Ils ont adopté une démarche rationnelle dans quatre domaines : la réception, la transmission, l’appréciation des rapporteurs et le jugement à porter sur les hadiths.
Quand les vérificateurs entendaient une information invérifiable ou peu crédible, ils ne la retenaient pas. Quand bien même il arrivait à certains de l’apprendre, ils ne la transmettaient pas. Quand l’intérêt dictait sa citation, ils le faisaient tout en signalant la lacune ou celle découverte chez son transmetteur.
Dans sa Rissala (p.399), l’imam Chafii écrit : La crédibilité ou l’incrédibilité d’un rapporteur peuvent être déduites du fait pour celui-ci de raconter des choses impossibles ou contraires aux dires d’autres rapporteurs plus crédibles ou jouissant d’un plus grand nombre d’indices de crédibilité.
Dans al-kifayah fii ilmi ar-riwayah (p.429) Alkhatib écrit : chapitre sur la nécessité d’exclure les éléments contestables et impossibles des hadiths. Au sein des rapporteurs existe un groupe qui fait preuve de complaisance dans le recueil et la transmission des hadiths. Mais les grands maîtres parmi les traditionnistes sont aux aguets. On ne trouve pas un seul hadith manifestement faux sans qu’on décèle dans sa chaine de transmission un ou deux ou plusieurs rapporteurs disqualifiés par lesdits maîtres.
Il arrivait souvent à ces derniers de mettre en cause un rapporteur pour avoir transmis un seul hadith contestable, pour ne pas parler de deux ou plus. Ils qualifiaient l’information invérifiable de ‘contestable’ ou ‘faux’. Nous trouvons un bon nombre de rapporteurs incriminés dans les Biographies des Faibles et les ouvrages consacrés aux causes de rejet des hadiths et aux hadiths apocryphes.
Les vérificateurs n’attestent la crédibilité d’un rapporteur avant de passer en revue ses hadiths pour les critiquer l’un après l’autre. Quant à l’authentification des hadiths, ils s’en occupaient au plus haut point et l’entouraient des plus grands soins. Il est vrai toutefois que tous ceux qui ont jugé de la crédibilité d’un rapporteur n’étaient pas des vérificateurs avertis. Cependant, le praticien connaisseur peut faire la distinction entre rapporteurs (vigilants) et rapporteurs (négligents).
Cela dit, les maîtres traditionnistes qui se sont occupés de la vérification des hadiths savaient que certains hadiths étaient difficilement acceptables pour les théologiens scolastiques et consorts, mais ils ont cru que ces hadiths restaient acceptables pour la raison qui compte en religion, et conformes aux autres conditions de validité. En outre, ils ont découvert dans le Coran de nombreux versets qui les corroborent ou abondant dans leur sens mais qui restent difficiles à accepter pour les mêmes théologiens.
Les maîtres savaient que le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) croyait au Coran et l’appliquait et qu’il est dès lors concevable qu’on retrouve dans ses propos des éléments de ressemblance avec les versets du Coran. »Extrait d’al-Anwar al-kashifa (p.6-7).
Docteur Khaldoun al-Ahdab écrit : «La structure (de la science des sources du hadith) est intrinsèquement rationnelle. Autrement, elle n’aurait pas un impact aussi profond sur la structuration et la formation de l’esprit du musulman. Cette structure rationnelle prend ses sources des fondements rationnels méthodologiques puisés dans les règles d’appréciation du rapporteur et du rapporté établies dans le saint Coran et la Sunna purifiée, règles qui sont à la base de la science des sources du hadith.
La structure rationnelle de cette science se reflète dans l’approche rationnelle des traditionnistes appliquée aux quatre domaines cités par l’érudit critique, Abdourrahman al-Muallami al-Yamani, notamment le recueil et l’authentification. » Extrait de athatou ilmal-hadith fii tachkil aqlilmouslim (p19).
Docteur Abdoullah Dhayfoullah ar-rouhayli écrit : «Les critères scientifiques adoptés par nous, musulmans, pour la vérification des hadiths rapportés- comme on les retrouve dans l’approche des traditionnistes- ne découlent pas de la foi au mystère (divin) évoquée comme critère d’authentification ou de rejet d’une version.
Ces critères sont rationnels parce que soutenus par la raison et corroborés par les réalités historiques vérifiées et la confrontation des différentes versions et l’examen des unes à la lumière des autres de manière à parvenir à ce que les traditionnistes considèrent comme un indice suffisant de la fiabilité d’une version.
Les critères ainsi décrits s’avèrent rationnels et naturels. La plupart des humains les appréhendent et les acceptent le plus souvent, nonobstant leurs fois religieuses et leurs orientations. L’information dont la chaine de transmission souffre d’une rupture suscite le doute et le rejet chez les esprits sains pour la raison que constitue l’absence d’un maillon dans la chaine remontant à la source de l’information. A défaut de ce maillon comment concevoir l’acquisition d’une juste connaissance de l’information ?
Les esprits établissent une nette distinction entre l’information, d’une part, et l’attente et la conjecture de l’autre. Voilà pourquoi on ne se dit pas quelle est l’approche scientifique qui guide la méthodologie des traditionnistes et permet de vérifier l’authenticité d’une version.
Est-ce l’approche objective (laïque) qui sert de point de départ ou l’approche religieuse ? L’élément que représente la foi au mystère n’interfère pas avec les normes régissant l’acceptation ou le rejet d’une version. Il est vrai toutefois que nos normes ne sont pas en contradiction avec la foi au mystère puisqu’elles la confirment.
L’aspect retenu dans l’approche des traditionnistes est celui qui traite de la version non celui portant sur les opinions, les croyances (des rapporteurs) et la connaissance du mystère. » Extrait de hiwaar hawla manhadj al-mouhaddithine fii naqdi ar-riwayaat sandan wa matnan (p.12-13).
Allah le sait mieux.