Mardi 7 Chawwaal 1445 - 16 avril 2024
Français

Le critère qui permet de déterminer le type d’assistance relevant du péché

Question

Il y a un assistant social qui apporte son aide à ma famille dans des affaires ayant trait à leur santé et d’autres besoins. Parfois, il nous demande de laisser son véhicules dans notre parking pour aller assister un match de rugby australien qui se déroule près de chez nous dans un endroit bondé de monde où aucune place n’est disponible pour servir de parking.

Les joueurs portent une tenue qui ne couvre pas les genoux. Il s’y ajoute la présence d’un groupe de femmes supporters, la diffusion de la musique et du vin dans un environnement de mixité

En aidant l’assistant dans son travail, j’ai l’impression de participer à la commission d’un acte de désobéissance (envers Allah). En même temps, j’ai honte de lui refuser mon assistance pour les services qu’il a déjà rendus à ma famille… J’ai pourtant fini par décider de ne plus collaborer avec lui. Quelle est la meilleure manière de mettre cette décision à exécution ?

Ma seconde question concerne un jeune issu de mes proches parents. Il veut souscrire un prêt usurier afin de financer ses études. Il aurait à payer des intérêts au cas où il ne rembourserait pas la somme reçue au bout d’une année. Je ne sais pas s’il serait en mesure de rembourser la somme reçue dans les délais fixés. Il est presque certain qu’il ne pourrait pas le faire. Il a utilisé mon ordinateur personnel pour faire le test d’admission… Ai-je commis un péché en le lui permettant ?

Devrais-je interdire l’usage de mon ordinateur à quelqu’un qui fait ses études grâce à un prêt usurier ? Faudrait-il, dans ce cas, que j’applique la règle selon laquelle il faut éviter ce qui reste suspect pour se contenter de ce qui est au-dessus de tout soupçon, même si une telle attitude devrait conduire à des frictions ?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Premièrement, il est interdit d’aider quelqu’un à désobéir, compte tenu de la parole du Très-haut : « Soyez plutôt solidaires dans la charité et la piété et non dans le péché et l’agression ! » (Coran, 5 :2) et de la parole du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) : «Celui qui invite à suivre la bonne guidance sera récompensé en fonction du nombre de ceux qui le suivront sans que le surplus qui lui est accordé soit prélevé des récompenses attribués à ces derniers. Celui qui promeut une aberration commet un péché aussi grave que celui commis par ceux qui l’auront suivi. L’aggravation du péché de l’initiateur n’entraîne aucun allègement des péchés de ses suivants. » (Rapporté par Mouslim dans son Sahih, 4831)

D’autres arguments prouvent que le péché du collaborateur dans un acte de désobéissance. C’est le cas de la condamnation de celui qui rédige les contrats usuriers et ceux qui l’attestent, ainsi que la condamnation du transporteur du vin et son fabricant, etc.

Cependant toute assistance n’est pas interdite. Seule l’est l’assistance motivée parce qu’entretenue délibérément pour favoriser la désobéissance et le concours direct et immédiat au transport du vin et à la rédaction du contrat usurier.

Quant à l’assistance indirecte, loin de la volonté d’aider à désobéir, elle n’est pas interdite car son interdiction serait très gênante pour les gens. En voici un exemple : selon la sunna authentique, il est bien permis de mener avec les mécréants des transactions s’étendant aux achats , ventes, octroi de prêts et offre de gages. Pourtant ces opérations impliquent une coopération indirecte qui permet au mécréant de disposer de fonds pour renforcer sa position et utiliser ses gains dans des domaines prohibés comme la pratique de l’usure et consort. Ce qui n' a pas empêché la loi religieuse d’autoriser cette coopération.

Docteur Walid al-Manissi, membre de l’Académie des spécialistes de la Charia en Amérique, dit :« la détermination du critère de définition de la coopération dans le péché et la transgression a été l’objet d’une longue recherche et discussions entre les membres de l’Académie des spécialiste de la Charia en Amérique lors de sa 5e  session tenue au Bahreïn en 1428 de l’Hégire. Selon leur conclusion, la coopération dans le péché et l’agression peut prendre quatre formes :

  1. Une forme directe et voulue. C’est le cas de celui sert du vin à quelqu’un pour l’aider à le boire.
  2. Une forme directe mais non voulue. C’est le cas de la vente des produits prohibés qui peuvent faire l’objet d’un usage licite, si toutefois le vendeur n’a pas l’intention de l’aider l’acheteur à en faire un usage illicite.
  3. Une forme voulue mais pas directe. C’est le cas de celui qui offre un dirham à quelqu’un pour lui permettre d’acheter du vin. C’est encore l’assistance à l’homicide.
  4. Une forme qui n’est ni directe ni voulue. C’est le cas de celui qui vend un produit utilisable licitement et illicitement sans vouloir aider l’acheteur à en faire un usage illicite. C’est encore le cas de celui qui offre un dirham à quelqu’un pas pour lui permettre d’acheter du vin. S’il l’achète et le boit, le donneur n’aura commis aucun péché puisque son intention n’était pas d’aider le bénéficiaire à commettre un acte interdit.

C’est de cette quatrième forme que relèvent les achats, ventes et location conclus avec des polythéistes et des musulmans pervers, et les aumônes qu’on leur donne.

L’Académie a décidé d’interdire les trois premières formes et d’autoriser la quatrième qui n’est ni directe ni voulue. »

Une restriction portée à la quatrième forme concerne le cas où l’on sait ou croit fortement que l’assisté va faire de l’assistance un usage interdit. C’est dans ce sens que bon nombre de jurisconsultes interdisent la vente du raisin à quelqu’un qui va le transformer en vin, et la vente des armées pendant un conflit parce que l’un et l’autre produit peut faire l’objet d’un usage illicite.

C’est ce qui fit dire à Cheikh al-islam, Ibn Taymiyah (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) :«il est interdit de vendre toute tenue dont le port peut faciliter la commission d’un acte de désobéissance à celui va en profiter pour se livrer à la désobéissance et à l’agression. Il en est ainsi de tout produit dont on sait que l’acquéreur va en faire un usage illicite. » Extrait de charh al-oumdah (4/386.

Pour en revenir à votre question, l’assistance directe au fonctionnaire en question serait d’utiliser votre voiture personnelle pour l’amener à sa destination ou lui offrir un ticket d’entrée, etc.

Le simple fait de lui permettre de garer sa voiture dans un parking privé est une assistance indirecte sans rapport avec l’acte de désobéissance. Car l’intéressé peut ne pas aller assister au match. Même s’il y assistait, il pourrait ne rien commettre d’interdit comme regarder la nudité et se livrer à une mixité interdite.

En principe, il faut faire la nette distinction entre aller accomplir un acte de désobéissance et aller assister à un spectacle impliquant un acte de désobéissance. Les jurisconsultes ont établi la différence entre la location d’une maison pour abriter des actes de désobéissance en en faisant en lieu de vente du vin (par exemple) et le fait de la louer pour y habiter normalement mais en y consommant du vin. La première location est interdite contrairement à la seconde.

Il est indubitable que la différenciation entre l’aide directe et l’aide indirecte, celle immédiate et celle médiate peut varier au moment de son application sur des questions détaillées. Dans ce cas, le juriste doit déployer un effort de réflexion et faire appel à ce que les jurisconsultes ont dit à propos des cas similaires.

Pour nous résumer, le fait de permettre à ce fonctionnaire de garer sa voiture dans votre parking privé ne revient pas à l’aider directement et immédiatement à commettre l’acte de désobéissance qui consiste à regarder la nudité, à écouter de la musique ou assister à d’autres actes condamnables pouvant se dérouler sur la scène du match. Vous n’avez fait que lui fournir une aide de la même nature que celle qui consisterait à lui vendre une nourriture, une boisson ou un vêtement. Rien de cela ne saurait être interdit sous prétexte d’améliorer sa santé et le rendre plus apte à se livrer à des actes interdits. Votre assistance est loin d’avoir cette visée. Voilà pourquoi la Charia n’en a pas tenu compte quand elle a autorisé l’organisation de transactions impliquant achats et ventes avec les mécréants comme nous l’avons dit précédemment.

Deuxièmement, il n’y a aucun inconvénient à permettre à votre proche parent d’utiliser votre ordinateur pour son teste d’admission, même s’il allait financer ses études grâce à un prêt usurier. Car vous ne faites que l’aider dans la poursuite de ses études. Projet qui est bien permis, contrairement à la souscription du prêt en cause. En revanche, il lui est interdit d’utiliser votre ordinateur pour obtenir le prêt prohibé car cela reviendrait à coopérer avec lui dans la commission d’un péché.

Il convient de savoir que celui qui contracte un prêt entaché d’usure, commet un péché mais l’argent reste le sien et il lui est permis de l’utiliser pour se procurer de la nourriture, des boissons, un logement, ou payer ses études ou pour d’autres fins. Il n’est pas tenu de s’en débarrasser. Aussi n’y a –t-il aucun inconvénient à ce que vous aidiez ce proche parent à mener ses études licites comme vous le feriez pour d’autres.

Troisièmement, le bon prêt (sans intérêt) devient interdit quand il est soumis au versement d’une pénalité en cas de retard de paiement car cela implique la confirmation de son caractère usurier et la possibilité de le pratiquer.

On lit dans la résolution de l’Académie Islamique de la Ligue Islamique Mondiale basée à La Mecque prise au cours de sa 11e session ceci :

«Huitième décision :si le créancier soumet ou oblige le débiteur à payer une pénalité précise et fixée selon un taux déterminé au cas où il ne rembourserait pas dans un délai donné, cette exigence serait assimilée à une condition caduque qu’on ne doit pas respecter. Bien plus, il n’est permis ni à la banque ni à un autre de formuler une telle condition car elle relève de l’usure antéislamique interdite dès la révélation du Coran.

Allah le sait mieux.

Source: Islam Q&A