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Les Cinq Nécessités : Préserver la religion ou sauvegarder la Vie

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Date de publication : 04-11-2024

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Question

Pendant un cours sur la physique, j’ai discuté avec mon professeur sur les Cinq Nécessités. Il a dit que la sauvegarde de la vie l’emporte sur la préservation de la foi alors que j’ai soutenu le contraire. Il n’a pas été convaincu par mes propos et il a avancé l’argument selon lequel l’islam a autorisé aux diabétiques (la non observance du jeûne?) Il m’a demandé des arguments tirés du Coran, de la Sunna et des propos des grands jurisconsultes comme Ibn Taymiyyah, Chafiie et d’autres pour être convaincu. Moi, je vous demande de me fournir les dits arguments expliqués et référencés. Puisse Allah vous accorder  une généreuse rétribution.

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Premièrement :

Les Cinq Nécessités fondamentales en Islam sont : la foi, la vie, la raison, la postérité et les biens. Certains ajoutent : l’honneur.

L’imam Az-Zarkachi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « L’intérêt considéré se divise, en fonction de sa valeur intrinsèque ou par rapport au besoin qu’il suscite auprès de l’humain, en : indispensable, nécessaire et ornemental.

  • L’intérêt considéré indispensable : C’est ce dont on ne peut se dispenser pour l’accomplissement des intérêts de la religion et de la vie. Du fait que si elle vient à manquer, les affaires de la vie ne peuvent se réaliser correctement, mais connaîtront plutôt la corruption, le chaos et la perdition de la vie. Dans l’au-delà, cela entraînera la perte du salut, de la félicité et entrainera une perte manifeste.

Ces intérêts justifient la préservation de chacun des cinq Nécessités qui sont :

–  La préservation de la religion par la légitimation de la guerre sainte (Djihad) et de certaines peines capitales, comme celle infligée aux apostats.

–  La préservation de la vie par la loi du talion.

La préservation de la raison par la sanction de la consommation de substances enivrantes.

–  La préservation de la descendance par la prohibition de la fornication et l’application de peines associées.

La préservation des biens par l’obligation de réparation en cas de transgression, et l’amputation de la main pour le vol.

Cet ensemble de considérations sont rassemblées dans la parole d’Allah le Très-Haut : « Ô Prophète ! Quand les croyantes viennent te prêter serment d’allégeance (Bay’a), [et jurent] qu’elles n’associeront rien à Allah, qu’elles ne voleront pas, qu’elles ne se livreront pas à l’adultère, qu’elles ne tueront pas leurs propres enfants, qu’elles ne commettront aucune infamie ni avec leurs mains ni avec leurs pieds et qu’elles ne désobéiront pas en ce qui est convenable… » (Coran : 60/12).

L’imam At-Taufi Al-Hanbali suivi par l’imam At-Tadj As-Soubki (Puisse Allah leur accorder Sa Miséricorde), ont ajouté une sixième nécessité qui est “la préservation de l’honneur” car, d’habitude, les gens raisonnables sacrifient leurs vies et leurs biens pour défendre leur honneur. Or ce que l’on sacrifie pour une nécessité est lui-même nécessaire par excellence. » Extrait de Tachnif Al-Massami’ Charh Djami’ Al-Djawami’ (3/15).

Deuxièmement :

Il est communément admis que la préservation de la religion prime sur la sauvegarde de la vie d’où l’institution du Djihad dans le chemin d’Allah, qui vise à préserver la religion, bien qu’il comporte un risque de perte en vies humaines et en biens.

Al-Djalal Al-Mahalli (Puisse Allah lui accorder Sa Miséricorde) a dit dans Charh Al-Djawami’ (3/322) : « (L’indispensable) est ce dont on a impérativement besoin, (comme la préservation de la religion) qui justifie l’élimination des mécréants et la peine pour ceux qui incitent aux innovations, (puis la vie) dont la préservation justifie l’application de la loi du talion, (puis la raison) dont la préservation justifie l’application de la peine de sanction de l’ivresse, (puis la postérité) dont la préservation justifie la pénalisation de la fornication, (puis les biens) dont la préservation justifie l’établissement de la peine du vol et celle du brigandage, (et l’honneur) dont la préservation justifie l’établissement de la peine de flagellation. Ce dernier a été ajouté par l’auteur, comme l’a fait At-Taufi qui l’a coordonné à l’aide de la conjonction “waaw” en arabe qui veut dire “et” pour faire comprendre que l’honneur est au même niveau que les biens. Les quatre nécessités fondamentales antérieures ont été coordonnées l’une à l’autre à l’aide de la conjonction “fa” en arabe qui veut dire “puis ” impliquant un ordre de priorité. »

C’est le même ordre qu’a suivi l’auteur de Maraqi As-Sa’oud puisqu’il a dit dans un poème :

La foi, puis la vie, puis la raison, puis la procréation,

et les biens sont déclarés nécessaires.

Mettez-les en ordre avant d’ajouter l’honneur qui équivaut aux biens

à l’aide d’une conjonction de coordination pour être complet.

Leur préservation est nécessaire pour tout humain

et dans toutes les lois religieuses.

Voir Maraqi As-Sou’oud Ila Maraqi As-Çou’oud : p.349.

Cet ordre résulte d’une réflexion personnelle. Il est l’objet d’une divergence de vues qui se reflète dans la pratique.

Sous ce rapport, Ibn Amir Al-Hadj (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « La sauvegarde de la religion figurant parmi les Nécessités prime sur les autres en cas d’opposition, car elle demeure l’objectif majeur selon la parole d’Allah le Très-Haut : « Et Je n’ai créé les Djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent. » (Coran : 51/56) et c’est à cause d’elle que les autres Nécessités sont visées. D’autant plus que l’avantage de la religion est le plus parfait : c’est la félicité éternelle auprès du Seigneur de l’univers.

“Puis la préservation de la vie” passe avant celle de la procréation, de la raison et des biens, car elle inclut les intérêts religieux qui ne sont acquis qu’avec l’accomplissement des pratiques cultuelles. Or, l’accomplissement de ces pratiques est conditionné par la pérennité de la vie.

“Puis la sauvegarde de la procréation”, qui passe avant le reste des Nécessités, car elle est essentielle à la survie de l’enfant. En effet, en interdisant la fornication on garantit la filiation de l’enfant à son père qui le prendra en charge et assurera son éducation. Autrement, l’enfant risquerait d’être abandonné et ne pas survivre.

“Puis vient la sauvegarde de la raison” qui passe avant la préservation des biens, car la perte de la raison c’est la perte de la vie. En effet, sans la raison on serait comme un animal et l’on sera dispensé de toute responsabilité légale. Par conséquent, la peine encourue pour porter atteinte à l’esprit est équivalente à celle encourue pour porter atteinte à la vie, à savoir le paiement du prix de sang complet “Ad-Diya“.

Je dis que l’ordre de priorité ainsi donné à travers ces orientations sont certes utiles mais elles n’en restent pas moins matière à réflexion.

“Puis vient la préservation des biens”.

Mais pour certains, la préservation des biens, de la vie, de la raison et de la procréation, prime celle de la religion, comme certains l’affirment. On dirait que l’auteur a évoqué le moins important pour attirer l’attention sur le plus important. Il aurait fallu faire passer ces quatre Nécessités avant la préservation de la religion, car ces quatre relèvent des droits humains, objet de conflits et de tiraillements qui occasionnent des préjudices, contrairement à la religion qui est un droit d’Allah, le Très-Haut, donc objet de facilitation et de tolérance. Allah, le Très-Haut, étant donné Sa Suffisance et Sa Transcendance, ne subit aucun préjudice à cause de la négligence de Ses droits. C’est pourquoi (donner la priorité aux nécessités que voilà par rapport à la religion) on peut abandonner la prière collective et celle du vendredi [qui relèvent de la religion] pour veiller à la protection de ses biens [qui relèvent des affaires profanes]. Pour Abou Youssouf (Puisse Allah lui accorder Sa Miséricorde) on peut interrompre la prière pour protéger son argent. Le texte dans Al-Khoulassa se présente en ces termes : « Si on voulait lui voler de l’argent ou le voler d’un autre, il interrompt la prière obligatoire ou surérogatoire. » Extrait de At-Taqrir wa At-Tahbir (3/231).

De là, vous remarquez que l’avis, selon lequel la protection de la vie est prioritaire, est justifié. De nombreux exemples le prouvent, tels que la permission de prononcer des paroles d’incrédulité sous la contrainte afin de sauver sa vie, de consommer une bête morte (non-égorgée légalement) et de boire du vin en cas de nécessité absolue pour survivre. Il s’y ajoute la permission d’omettre la prière du vendredi et la prière en groupe si l’on craint pour sa vie en raison d’un ennemi ou d’une bête sauvage, par exemple.

L’imam Al-Aamidi (Puisse Allah lui accorder Sa Miséricorde) a longuement défendu l’idée de privilégier la préservation des fondements de la religion, et il a répondu aux arguments allant à l’encontre de cette thèse. Voici une partie de ses propos :

« Si l’on dit que ce qui aboutit à la préservation de la vie est privilégié et plus prépondérant car l’objectif de la religion est le respect du droit d’Allah, le Très-Haut, alors que les autres objectifs visent le respect des droits humains. Or ceux-ci priment sur le droit d’Allah, le Très-Haut, parce que les droits humains sont l’objet de conflits et de tiraillements alors que les droits d’Allah, le Très-Haut, sont l’objet de tolérance et de facilitation dans la mesure où le non-respect de Ses droits ne Lui porte aucun préjudice. La préservation des droits de la partie susceptible de subir un préjudice est plus importante que la préservation de la partie qui n’est pas susceptible de subir un quelconque préjudice en cas de violation de ses droits. Voilà pourquoi nous faisons passer les droits humains avant les droits divins. Cet avis s’atteste en outre en ceci : s’il y avait concurrence entre un droit d’Allah, le Très-Haut, et un droit humain dans une même affaire et s’il n’était possible de satisfaire les droits des deux : comme par exemple un musulman s’apostasie et commet un homicide volontaire, on l’exécute pas pour son apostat mais à cause de l’homicide.

Par ailleurs, nous avons fait passer l’intérêt relatif à la préservation de la vie à l’intérêt lié à la préservation de la religion, quand nous avons accordé des allègements au voyageur en réduisant la prière à deux Raka’ates au lieu de quatre et en le dispensant de l’observance du jeûne, et quand nous avons permis au malade de ne pas prier debout et de ne pas observer le jeûne. Nous avons encore fait passer l’intérêt lié à la vie par rapport à la prière quand il faut sauver un naufragé. Mieux, nous avons donné la priorité à la sauvegarde des biens par rapport à la religion quand nous permettons aux fidèles de ne pas assister à la prière en groupe et à celle du vendredi afin de protéger le minimum de leurs biens. Nous avons fait primer les droits des musulmans liés à la présence du Dhimmi (le non-musulman des gens du Livre en terre d’Islam) parmi eux par rapport à la considération religieuse au point d’assurer la sécurité de sa personne et de ses biens, en dépit de sa mécréance.

Nous disons (partisans de l’avis contraire) que : s’agissant de la vie, elle est à la fois l’objet d’un droit humain vu sous l’angle de certaines dispositions, et l’objet du droit d’Allah, le Très-Haut selon d’autres dispositions, d’où l’interdiction du suicide et de tout acte pouvant mener à la perte de la vie, car la priorité est donnée à ce qui est lié aux deux droits, qu’ils soient divins ou humains. Ce qui fait que la priorité qui lui est donnée découle du fait qu’elle est à la fois objet des droits de l’homme et d’Allah. Il n’est pas interdit de donner priorité à ce qui jouit d’un tel statut à ce qui est exclusivement le droit d’Allah le Très-Haut.

S’agissant des allègements accordés au voyageur et au malade, il ne s’agit pas de privilégier les objectifs de la vie au fondement de la religion mais plutôt à ses branches, qui sont totalement différentes de l’essence même de la religion.

Ensuite, et même si tel est le cas, la difficulté de deux Raka’ates en voyage équivaut à la difficulté de quatre Raka’ates en résidence. De même, la prière du malade assis équivaut à sa prière debout lorsqu’il est en bonne santé. Ainsi, l’objectif recherché n’est pas différent.

Quant à l’observance du jeûne, on ne l’abandonne jamais puisqu’on ne fait que le décaler puis le rattraper. Il en est de même pour ce qui est dit du sauvetage d’un naufragé, de l’abandon de la prière en groupe et de celle du vendredi pour protéger ses biens. L’intérêt de permettre au Dhimmi de vivre parmi les musulmans tout en assurant la protection de sa personne et de ses biens, n’est pas seulement pour préserver les intérêts des musulmans, mais plutôt afin de le familiariser avec les qualités de la loi religieuse et ses principes fondamentaux, afin de faciliter son obéissance et de lui permettre de se guider facilement. Ceci est dans l’intérêt de la religion et non dans l’intérêt d’autre chose. » Extrait de Al-Ihkam fi Oussoul Al-Ahkam (4/275)

Ainsi la divergence de vues sur l’ordre de priorité est bien acceptable, et chaque partie possède ses arguments.

Voir à toutes fins utiles : https://almunajjid.com/8498

Et Allah, le Très-Haut, sait mieux.

Source: Islam Q&A