Jeudi 6 Djoumada 1 1446 - 7 novembre 2024
Français

Explication exhaustive de l’innovation (Al-Bid’a) et de l’associationnisme (Ach-Chirk)

Question

Pouvons-nous appeler musulmans ceux qui s’adonnent à l’associanisme et aux innovations

Résumé de réponse

Selon la Charia, l’innovation [dans la religion] (Al-Bid’a) consiste à adorer Allah en dehors de la loi qu’Il a établie ou, autrement dit, c’est adorer Allah autrement que le faisaient le Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) et ses califes bien guidés (Qu’Allah soit satisfait d’eux). L’innovation qui implique la mécréance est celle qui consiste à rejeter un élément consensuel reçu par Tawatour (des voies formelles) (du Prophète) et de ce qui est connu dans la religion comme une nécessité. Quant à l’innovation qui n’implique pas la mécréance est celle qui n’entraîne pas le démenti du Coran ou d’une partie du message transmis par les Messagers d’Allah (Que la Bénédiction d’Allah soit sur eux). L’associationnisme majeur est tout ce que la Charia appelle ainsi. Ce qui englobe l’abandon de sa religion. L’associationnisme mineur est toute action ou parole ou geste qualifiés de Chirk par la Charia, mais n’exclut pas son auteur de la religion. La nullité des pratiques cultuelles à cause de l’ostentation (Ar-Riyaa) est l’objet d’une explication détaillée. Voir la réponse exhaustive.

Louange à Allah.

Cette question est l’objet de deux sujets de recherche :

1.L’innovation (Al-Bid’a)

2.L’associationnisme (Ach-Chirk)

L’innovation comporte trois sous thèmes :

1.La détermination de l’innovation.

2.Les figures de l’innovation.

3.Le verdict concernant son auteur : devient-il mécréant ou pas ?

Détermination de la Bid’a :

Cheikh Mohammed ibn Outheïmine (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « L’innovation consiste à adorer Allah en dehors de la loi qu’Il a établie, ou autrement dit, c’est adorer Allah autrement que le faisaient le Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) et ses califes bien guidés (Qu’Allah soit satisfait d’eux). »

La première définition vient de la parole d’Allah le Très-Haut : « Ou bien auraient-ils des associés [à Allah] qui auraient établi pour eux des lois religieuses qu'Allah n'a jamais permises ? » (Coran : 42/21).

La seconde définition vient de la parole du Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) : « Attachez-vous à ma Sunna et à celle de mes successeurs califes bien guidés. Cramponnez-vous-y, mordez-la avec vos molaires, et méfiez-vous des innovations. »

Tout individu qui adore Allah en dehors de la loi qu’Il a établie ou autrement que le faisaient le Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) et ses successeurs bien guidés (Qu’Allah soit satisfait d’eux) est un innovateur. Peu importe que son innovation concerne les noms d’Allah et Ses attributs ou Ses jugements et Sa Charia.

S’agissant des innovations dans les affaires ordinaires qui découlent des us et coutumes, on ne les appelle innovations que du point de vue purement linguistique car elles ne le sont pas sur le plan religieux et ne relèvent donc pas de celles à propos desquelles le Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) nous a avertis.

La religion ne connait absolument pas ce qu’on s’appelle "bonne innovation". » Madjmou’ Fatawa Ibn Outheïmine, tome 2 , p.291).

Figures de l’innovation :

Il existe deux types d’innovation :

Le premier : L’innovation impliquant la mécréance.

Le deuxième : L’innovation n’impliquant pas la mécréance.

Si vous-vous demandez quel en est le règlement de chacune d’elle ?

Le règlement qui définit l’innovation impliquant la mécréance :

En voici la réponse : Cheikh Hafedh Al-Hakami (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « La définition de l’innovation qui implique la mécréance c’est la négation d’une chose admise par le consensus des ulémas, rapporté par Tawatour (des voies formelles) et de ce qui est connu dans la religion par nécessité. Que la négation consiste à denier une prescription ou à prescrire ce qui n’est pas une obligation, à rendre licite un interdit ou à interdire ce qui est licite, ou bien encore à embrasser une croyance qui altère à l’infaillibilité d’Allah, de Son Messager et de Son Livre (Coran) en ce qui concerne la négation ou l’affirmation (des attributs). Car cela revient à démentir le Coran et le Message qu’Allah, le Très-Haut, a chargé Son Messager (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) de transmettre.

On cite comme exemples : l’innovation des Djahmites qui nient les attributs d’Allah, le Puissant et Majestueux, qui prétendent que le Coran est une créature, et qui prétendent que les attributs d’Allah sont créés. L’innovation des Qadarites qui nient la Savoir d’Allah et Ses actions, ou alors l’innovation les anthropomorphistes (Moudjassima) qui assimilent Allah le Très-Haut à Ses créatures…

Le règlement qui définit L’innovation n’impliquant pas la mécréance :

Le deuxième type : L’innovation n’impliquant pas la mécréance est celle qui ne consiste pas à démentir le Coran ou quoi que ce soit du Message qu’Allah, le Très-Haut, a chargé Ses Messagers (Bénédiction d’Allah sur eux) de transmettre.

L’exemple de ce type réside dans l’innovation des Marwanites qui retardaient certaines prières jusqu’aux terme de leurs horaires, et prononçaient le sermon avant la prière de l’Aïd et s’asseyaient pendant le sermon et d’autres actes innovés condamnés et rejetés par les meilleurs des Compagnons (Qu’Allah soit satisfait d’eux), mais ils ne les ont pas considérés des mécréants malgré cela et n’ont pas renoncé au serment d’allégeance qu’ils leur avaient prêté. »

Voir Ma’aridj Al-Qaboul (2/503-504).

Le verdict concernant l’innovateur : est-ce qu’il devient mécréant ou non ?

La réponse est à détailler.

Quand il s’agit d’une innovation impliquant la mécréance, son auteur se retrouve devant l’un de ces deux cas :

Le premier cas : est que son auteur a pour dessin de détruire les bases de la religion et de semer le doute dans l’esprit de ses partisans. Celui-là est indiscutablement un mécréant étranger à la religion et l’un de ses ennemis.

Le second cas : est qu’il soit manipulé et en butte à des ambiguïtés. Dans ce cas, on ne le juge mécréant qu’après l’avoir convaincu de la fausseté de ses affirmations par des preuves déterminantes et les lui imposer.

Quand il s’agit d’une innovation n’impliquant pas la mécréance, on ne juge pas son auteur mécréant puisqu’il est toujours musulman bien qu’il a commis un acte très condamnable.

Comment se comporter avec les partisans des innovations :

Si vous demandez comment se comporter avec les partisans des innovations ? La réponse est la suivante : Cheikh Mohammed ibn Outheïmine (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « En ce qui concerne les deux types d’innovateurs, notre devoir à nous est d’inviter ceux d’entre eux qui se prétendent musulmans alors qu’ils se livrent à des pratiques d’innovation impliquant la mécréance et d’autres actes, les inviter tous à la vérité ; en leur expliquant la vérité sans les attaquer. Toutefois s’ils s’enorgueillissent au point de rejeter la vérité, nous les traitons alors autrement car Allah, le Très-Haut, dit : « N'injuriez pas ceux qu'ils (les mécréants) invoquent, en dehors d'Allah, car par agressivité, ils injurieraient Allah, dans leur ignorance… » (Coran : 6/108).

En cas d’entêtement et d’opiniâtreté, nous dévoilons leurs fausses croyances car cela devient impératif.

Quant à la rupture des liens avec l’innovateur, elle est relative à l’innovation elle-même. Si celle-ci implique la mécréance, on doit rompre les liens avec lui. Autrement, on doit évaluer l’intérêt : si nous y trouvons un intérêt dans la rupture des liens, nous le faisons. Mais si nous n’y trouvons aucun intérêt ou que nous savons que cette rupture des liens est susceptible d’entrainer l’enfoncement dans l’arrogance et la transgression, nous l’évitons car l’intérêt est d’éviter ce qui n’apporte aucun intérêt. Car originellement, il est interdit de rompre les liens avec le croyant conformément à la parole du Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) : « Il n’est pas permis à un homme de rompre les liens avec son frère (en religion) au-delà de trois jours. » Extrait remanié de Madjmou’ Fatawa ibn Outheïmine, tome 2 p.293.

L’associationnisme (Ach-Chirk) :

Les types d’associationnisme :

Cheikh Mohammed ibn Outheïmine (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit qu’il y a deux types de Chirk : un Chirk majeur qui exclut son auteur de la religion et un autre un peu moins grave.

Le premier type : est le Chirk majeur : il englobe tout ce que la Charia considère comme tel et qui implique que son auteur a apostasié. C’est comme le fait de consacrer une partie du culte réservé à Allah au profit d’un autre que Lui, le Puissant et Majestueux, comme le fait de prier un autre qu’Allah, de jeûner pour un autre qu’Allah, ou de faire un sacrifice animal pour un autre qu’Allah. Relève encore de ce type de Chirk le fait d’invoquer un autre qu’Allah comme l’invocation d’un défunt ou d’un absent dans l’espoir d’obtenir un secours que seul Allah peut apporter.

Le second type : est le Chirk mineur qui englobe tout acte ou parole ou geste qualifiés par la Charia de Chirk sans être un moyen d’exclusion de la religion comme le fait de jurer par un autre qu’Allah. Car le Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) a dit : « Celui qui jure par un autre qu’Allah a mécru ou a donné un associé (à Allah). »

Celui qui jure par le nom d’un autre qu’Allah sans croire que cet autre est d’une grandeur comparable à la Grandeur d’Allah commet un Chirk mineur. Peu importe que l’évoqué soit honoré par les humains ou pas. Aussi, il n’est pas permis de jurer par le Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) ni par un président, ni par la Ka’ba ni par Djibril (Gabriel) car tout cela relève du Chirk mineur mais qui n’exclut pas son auteur de la religion.

L’ostentation (Riyaa) et son impact sur la nullité des actes cultuels

Un des aspects du Chirk mineur réside dans le Riyaa : c’est agir pour être vu par les gens et non pour agréer à Allah le Très-Haut.

Par rapport à son impact sur la nullité des actes cultuels, le Riyaa est de deux sortes :

Le premier : est celui qui affecte le fond de l’acte cultuel de sorte que son auteur n’agit que par ostentation. Son action est rejetée selon cet hadith Marfou’ (Le Hadith Marfou’ est le Hadith qui rapporte tout acte, parole, approbation ou trait caractéristique du Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) que le narrateur soit un Compagnon ou toute autre personne, par une chaîne de transmission continue ou discontinue) de Abou Houreïra (Qu’Allah soit satisfait de lui) : « Allah, le Très-Haut, a dit : « De tous les associés Je suis Celui qui se passe absolument de l’associationnisme. Quiconque M’associe un autre dans une action, Je le laisse avec son Chirk. » » (Rapporté par Muslim dans Az-Zouhd N° 2985).

Le deuxième : est celui qui survient pendant l’accomplissement de l’acte cultuel. Celui-ci était au départ accompli sincèrement pour Allah avant que le Riyaa ne l’affecte. Celui-là se subdivise lui aussi en deux types :

- Le premier type : est que l’intéressé y résiste et s’en prémunie. Ce type ne porte aucun préjudice à son auteur.

Son exemple : c’est le cas d’un homme qui accomplit seul une Rak’aa de la prière avant que des gens ne viennent durant la deuxième. L’arrivé du groupe lui inspire un sentiment et il se met à prolonger la génuflexion ou la prosternation ou se met à pleurer etc. S’il résiste au sentiment et le repousse, il ne lui porte aucun préjudice car il a résisté. S’il reste passif envers ce sentiment, tout acte qu’il lui aura dicté est nul. C’est comme s’il prolonge la posture debout ou se met à pleurer ou fait d’autres gestes pareils, tout cela sera nul. Mais cette nullité affectera -t-elle toutes les autres parties de la pratique cultuelle ou pas ? Là, il y a deux cas :

Le premier cas :  est que la fin de l’acte cultuel est fondée sur son début, et que la fin est invalide, alors tout l’acte cultuel est alors caduque.

On peut donner l’exemple de la prière : il est impossible que sa fin soit invalide sans que son début n’en soit affecté, et donc toute la prière est invalide.

Le second cas : est que le début de la pratique cultuelle soit séparé de sa fin, de sorte que le début est valide alors que la fin ne l’est pas. Alors la partie accomplie avant la survenue du sentiment du Riyaa est valide et le reste est invalide.

En voici un exemple : un homme possède 100 rials et fait aumône de 50 rials ayant une bonne intention (sans Riyaa). Ensuite, il fait une autre aumône de 50 rials mais entachée de Riyaa. La première aumône est agréée et la seconde ne l’est pas, les deux actions étant nettement séparées l’une de l’autre. » Extrait du Recueil de Madjmou’ Fatawa wa Rassaïl ibn Outheïmine et de Al-Qawl Al- Moufid fi Charh Kitab At-Tawhidi : tome 1 p. 114, première édition.

Et Allah, le Très-Haut, sait mieux.

Source: Sheikh Muhammed Salih Al-Munajjid