Lundi 22 Djoumada 2 1446 - 23 décembre 2024
Français

Est-il permis à un homme du commun des mortels d'adhérer à une école juridique rien que pour profiter de  ses facilités?

Question

Je suis malékite. Je voue à une fille un amour sincère, désintéressé parce que débarrassé de toute considération interdite. Croyez moi. Je l'aime très fort. Quand j'ai pensé à demander sa main, on m'a appris, à ma grande surprise, qu'elle était ma sœur par l'allaitement indirect. C'est-à-dire qu'elle a été allaitée par une femme qui m'a allaité. Ce qui m'a inspiré cette  réflexion: vu l'amour profond que je lui voue, m'est il permis de profiter de la souplesse qu'offre une des écoles juridiques, en l'occurrence le Chafiisme,  qui soumet l'effectivité de l'allaitement à cinq fois attestés par quatre témoins, pour pouvoir épouser la fille?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Premièrement, on a déjà dit dans leprésent site web que l'allaitement qui entraîne une interdiction matrimoniale est celui qui se déroule cinq fois ou plus, compte tenu de la parole de la Mère des Croyants, Aicha (P.A.a): La révélation contenait (une disposition selon laquelle) dix allaitements entraînent l'interdiction matrimoniale (puis la disposition) fut abrogée et remplacée par une autre selon laquelle cinq allaitements bien attestés entraînent ladite interdiction. (Rapporté par Mouslim,1452).

Il est encore déjà soutenu dans le présent site web qu'est jugé mieux argumenté l'avis selon lequel on peut se fonder surle témoignage d'une seule femme pour attester un allaitement. Cela ressort de ce qui a été rapporté par al-Bokhari (5105) d'après Ouqba ibn al-Harith (P.A.a) qui dit: «J'ai épousé une femme puis, après le mariage, une femme noire est venue dire qu'elle nous avait allaités , ma femme et moi-même. Je suis allé voir le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) et lui dit que j'avais épousé Une telle fille d'Un tel et qu'une femme noire était venue prétendre qu'elle nous avait allaités. Il (le Prophète) s'est détourné de moi. Je me suis déplacépour lui faire face et lui dire qu'elle (la femme noire) était une menteuse. Il (le Prophète) dit: Comment faire alors qu'ellea attesté vous avoir allaités..Sépare-toi d'elle. Aussi faut-il se référer sur les deux questions précédentes à la réponse donnée à la question n° 175250.

Par ailleurs, nous attirons l'attention de tous sur ce qui est dit dans la présente question , à savoir que les chafiites formulent la condition du témoignage de quatre témoins... ce n'est pas précis. En effet, la doctrine chafiite en la matière enseigne que l'allaitement s'établit grâce à la déposition de deux hommes ou d'un homme et deux femmes ou de quatre femmes. Voir Nihayatoul Mouhtadj de Ramli (7/185); l'Encyclopédie juridique koweitienne (22/254).

Deuxièmement, les ulémas (Puisse Allah leur accorder Sa miséricorde) ont précisé que l'homme du commun des mortels n'a pas à opérer un choix sur les doctrines et avis émis par les ulémas en se fondant sur sa passion et par pur opportunisme. A ce propos, Chatibi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit: «L'imitateur n'a pas à opérer un choix arbitraire en cas divergence (au sein des ulémas). Si les gens habilités à mener un effort d'interprétation des textes parviennent à des conclusions contradictoires et que les imitateurs en prennent connaissance, certains d'entre eux peuvent croie qu'ils ont en droit de choisir l'une des conclusions comme ce serait le cas si on avait à choisirl'un des actes expiatoires (offerts au croyant).

De ce fait on fait un choix dicté par la passion et le désir de ne retenir que ce qui nousconvientet d'exclure tout ce qui est contraire. Il arrive même qu'on aille chercher un appui dans des propos de muftis contemporains et les consolider par l'évocation des propos du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui): Mes compagnons sont comme des étoiles... Nous avons déjà répondu à cet argument. A supposer que le hadith soit authentique, on l'applique au cas de l'imitateur qui se serait adressé spontanément à un compagnon ou à un autre et aurait accepté l'avis reçu de l'interrogé , favorable ou pas à son égard.

Quant on se trouve en face de deux avis contradictoires émis par deux muftis, voilà une situation qui n'est apparemment pas prévue dans le hadith. Car chacun des deux muftis se fonderait sur un argument qui exclut le bien fondé de celui adopté par l'autre. Leurs arguments respectifs sont alors diamétralement opposés. Prendre fait et cause pour l'un à l'exclusion de l'autre gratuitement ne peutêtre dicté que par la passion. Or, on a déjà dit ce que cela implique. Le seul moyen de préférer un avis à un autre reste le volume des connaissances ou d'autres considérations (objectives). Les autorités scientifiques habilitées à mener un effort d'interprétation des textes religieux sont par rapport aux gens du commun ce que deux arguments opposés représentent pour un homme habilité à mener l'effort susmentionné. De même qu'un tel homme doit, soit retenir l'un des arguments jugé plus solide ou s'en abstenir, de même l'homme du commun des mortels doit en faire de même (en face deux autorités religieuses émettant deux avis contradictoires). S'il était permis dans un tel cas de recourir à l'arbitraire et aux dessins (personnels), il serait permis au gouvernant d'en faire de même. Ce qui est faux de l'avis de tous.

Il s'y ajoute qu'en matière de traitement de questions controversées, on doit se référer à un critère coranique qui exclut pour une bonne fois le dictat de la passion. Il s'agit de la parole du Très-haut: Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-le à Allah et au Messager... (Coran,4:59). L'imitateurse trouve devant une question opposant deux hommes également habilités à mener un effort d'interprétation. Dès lors, il doit s'en référer à Allah et à Son messager, c'est à dire se référeraux arguments religieux, ce qui est loin d'une attitude gratuitedictée par la pure passion. Choisirarbitrairement et par simple passion l'un de deux avis opposés est tout le contraire du retour à Allah et à Son messager.

Il s'y ajoute encore que ce choix arbitraire conduit à la recherche d'avis jugés plus souples qui se dégagent de différentes doctrines sans se soucier de l'existence d'un arguments leur servant de fondement. Ibn Hazm a raconté l'existence d'un consensus selon lequel une telle conduite sélectionniste n'est pas permise parce que relavant de la perversion.» Extrait d'al-Mouwafaqat (5/79-82).

Cheikh al-islam, Ibn Taymiyyah (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit: Le fait de permettre à l'homme du commun des mortels de suivre l'uléma de son choix ne signifie pas, selon les propos de nos condisciples et d'autres, qu'il lui est absolument permis de se lancer à la recherche d'avis de facilité. Extrait d'al-Moustadrak alaa Madjmou fatwa Cheikh al-islam (2/258).

Cela dit, si vous avez été allaités tous les deux par la même femme cinq fois, vous êtes frère et sœur par l'allaitement et vous ne pouvez pas vous marier. Ledit allaitement peut être attesté par le témoignage d'une seule femme selon l'avis le mieux argumenté.

Quant à votre amour pour la fille, il ne justifie pas la violation des interdits d'Allah ni la recherche d'avis de facilité et de propos (de complaisance) de muftis. Il faut plutôt vous en détourner pour chercher le liciteauprès d'autres femmes car elles possèdent comme celle que vous aimez les mêmes attributs féminins. Ne laissez pas Satan vous piéger.

Allah le sait mieux.

Source: Islam Q&A