Premièrement, le plaisir du manger fait partie des plus grandes causes de perdition. Car il est la source de bon nombre de défauts et maladies du cœur et de l’ensemble du corps. Vient ensuite le plaisir sexuel suivi du désir du prestige et des biens, suscités par la volonté de satisfaire les deux plaisirs que voilà. Il en résultent les maladies du cœur que sont l’hypocrisie, la jalousie, l’orgueil qui accompagnent la recherche des biens terrestres. Cet effort entraîne souvent la commission d’actes condamnables de perversion favorisés par ce plaisir.
Jadis, les arabes disaient : « L’estomac est le dépôt des maladies et la prévention est le premier remède. »
Allah le Puissant et Majestueux a dit : « … » (Coran,7 :31)
La Sunna prophétique contient de nombreux textes qui prônent la modération dans le manger et condamnent les excès alimentaires. C’est dans ce sens que le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) dit : «L’humain ne fait rien de pire que de remplir son ventre. Il lui suffit de prendre quelques bouchées qui lui permettent de tenir. S’il ne peut pas s’en contenter, qu’il réserve le tiers de son estomac au manger, un autre tier au boire et le troisième à la respiration. » (Rapporté par at-Tirmidhi,2380) et jugé authentique par al-Albani dans as-silsilah as-sahihah (2265)
D'près Nafie, Ibn Omar ne mangeait que lorsqu’on lui amenait un pauvre pour l’accompagner. Une fois j’ai fais venir un homme qui a mangé avec acharnement. Il m’a dit alors : Ô Nafie ! Ne m’amène plus celui-là. J’ai entendu le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) dire : « Le croyant mange grâce à un intestin et le mécréant grâce à sept intestins. » (Rapporté par al-Boukhari,5393 et Mouslim,2060)
Dans son commentaire de ce hadith (14/25) an-Nawawi écrit : « Les ulémas disent qu’il y s’agit de minimiser les affaires mondaines et de nous exhorter à la renonciation aux futilités et nous satisfaire du peu dont nous disposons, et de nous apprendre que manger modérément fais partie des belles mœurs et le contraire des mauvaises. Quant aux propos d’Ibn Omar : « Ne m’amène plus celui-là », il les a proféré parce que le concerné avait mangé à la manière des mécréants. Or, on réprouve la compagnie de celui qui ressemble à ces derniers sauf en cas de nécessité ou contrainte mais encore parce que la quantité consommée par le gourmand aurait nourri un groupe. »
Deuxièmement, Ibn al-Qayyim (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a résumé les enseignements du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) en matière alimentaire. Il a donné dans son ouvrage intitulé Zaad al-Maad (1/147) un résumé des hadiths authentiques en ces termes : « Son enseignement vécu par rapport au manger est qu’il ne refusait pas de se servir du disponible et ne déployait aucun effort difficile pour trouver ce qui ne l’était pas. Chaque fois qu’on lui présentait de bons mets, il en mangeait sauf les mets qu’il trouvait naturellement répugnant. Dans ce cas, il s’abstenait de manger sans interdire aux autres. Il n’a jamais un met en cause ; quand le désirait, il en mangeait. Autrement, il s’en abstenait. C’est ainsi qu’il s’abstint de consommer la chair du lézard parce qu’il n’en avait pas l’habitude. Mais il ne l’a pas interdite aux membres de la Communauté.
Il consommait des friandises et du miel qu’il aimait bien. Il a encore mangé de la viande de chameau , de mouton, du poulet, de l’outarde, du zèbre, du lapin des fruits de mer, du méchoui des dattes sèches et fraiches. Il ne refusait rien de bon et ne se donnait pas la peine d’en rechercher. Au contraire, il mangeait ce qui lui était disponible. Quand il ne disposait de rien, il observait la patience. Il lui arrivait d'attacher une pierre sur son ventre pour atténuer sa faim. Il arrivait trois mois s’écoulassent sans que du feu ne fût allumé chez lui (pour cuisiner). » Citation succincte.
Troisièmement, des ulémas ont évoqué les avantages de la modération en matière de nourriture, notamment :
1.La pureté du cœur , l’éveil de l’esprit et la clarté de vue. La satiété entraine lourdeur et aveuglement du cœur. D’où cette parole de sagesse : celui qui s’affame, amplifie sa capacité de penser et assagit son cœur. »
2.S’abaisser, se rendre humble et se débarrasser , se débarrasser de la vantardise et de l’extravagance qui sont à l’origine de la tyrannie et de l’éloignement d’Allah le Très-Haut.
3.Ne pas oublier l’épreuve et le châtiment divins et ne pas perdre de vue ceux qui les ont subis. En effet, celui qui se rassasie oublie la faim. Le fidèle bien averti profite de l’épreuve d’autrui pour se souvenir de celle de l’au-delà.
4.L’un des plus importants avantage consiste à inhiber les désirs qui entraînent les actes de désobéissance, à dominer l’âme incitatrice au mal. En effet, tous les dit actes sont impulsés par les plaisirs et les forces tirés des nourritures.
Dhoun Noun a dit : «Chaque fois que je me rassasie, je commets un acte de désobéissance ou m’apprête à en commettre. »
5.Éviter de dormir pour rester durablement éveillé. Celui qui se rassasie boit beaucoup et qui boit beaucoup dort souvent. Or , la fréquence du sommeil entraîne une perte de temps, fais rater les prières nocturnes et durcit le cœur. La vie est la chose la plus précieuse. C’est le capital du fidèle qu’il utilise dans son commerce. Dormir c’est mourir et dormir fréquemment raccourcit la vie.
6.S’assainir le corps et se prévenir des maladies. Celles-ci ont leur origine dans l’excès dans le manger et la présence d’un mélange d’aliments. Les médecins disent : l’obésité est une source de maladie et le régime est un début de remède. » Citation résumée de Ihyaa ouloum ad-Dîn (3/104-109)
Quatrièmement, s’agissant des hadiths suscités , aucun n’en est authentique.
Le premier hadith :Aicha (p.A.a) a dit « La première épreuve infligée à la Communauté après le départ de son Prophète, c’est la satiété. En effet, quand des gens mangent à satiété, ils s’engraissent et leurs cœurs s’affaiblissent et leur désir des plaisirs charnels déborde. » (Rapporté par al-Boukhari dans adh-Dhouafaa. Adh-Dhahabi l’a lui attribué dans Mizaan al-iitidal (3/335) Ibn Abi Dounya l’a rapporté dans al-Djoue n°/22 par la voie de Ghassan ibn Oubayd al-Azdi al-Mawsili qui dit : Hamza al-Basri nous rapporté d’après Hicham ibn Ourwah d’après son père qui le tenait d’Aicha…
Je dis que cette voie de transmission et très faible en raison de la présence de de Ghassan ibn Oubayd. On lit dans sa biographie citée dans Lissan al-Mizaan (4/418) : « Ahmad ibn Hanbal a dit : nous avons recopié sur lui. Cela nous est arrivé de quelque part. Et puis nous avons brûlé ses hadith.» Ibn Ady a dit : « La faiblesse de ses hadith est évidente. » Une version reçue de Yahyaa ibn Maeen le juge faible. Ensuite, il considère le hadith ci-dessus attribué à Aicha une des illustrations de ses hadiths inacceptables. » Extrait remanié.
C’est pourquoi Cheikh al-Albani qualifie le hadith dans Dhaief at-Targhiib (1239) de « Contestable et arrêté. »
Note : L’attribution du hadith dans la présente question à al-Boukhari est une erreur car l’expression ‘rapporté par al-Boukhari’ s’applique habituellement aux hadiths authentiques. Or al-Boukhari a ecrit d’autres livres dans lesquels il utilise ses voies de transmission sans exiger qu’elles soient sures. Parmi lesdits livres figure le livre intitulé ‘ad-Dhoufaa as-Saghiir’. Il est imprimé. Il a aussi écrit un livre intitulé ‘ad-Dhoufaa as-Kabiir’. Ibn Nadiim l’a mentionné et Brocklman dans Taariikh al-adab, p.65. Le manuscrit est conservé dans la bibliothèque Batna en Inde.
Quand al-Boukhari rapporte un hadith dans un de ses livres autres que le Sahih, qui demeure la plus grande œuvre de l’islam, on doit préciser que le hadith est cité dans at-Taariikh ou dans ad-Douafaa ou dans al-Adab al-moufrad, par exemple. Ensuite, on examine la voie de transmission pour savoir si elle est sure ou pas, comme on le fait pour les autres livres.
Le hadith attribué à Aicha est peut -être cité dans ad-Doufaa al-kabiir. Nous l’avons cherché en vain dans ad-Douafaa al-saghiir. Il faut savoir que le premier ouvrage cite rarement des hadiths assortis de leurs voies de transmission. Allah le sait mieux.
Le deuxième hadith
D’après Anas ibn Malick (p.A.a) le Messager d’Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit : « C’est du gaspillage que manger tout ce qu’on convoite. » (Rapporté par Ibn Madjah (3352) et par Abou Yaalaa dans al-Mousnad (5/154) et par Abu Nouayme dans al-Hilyah (10213) et par al-Bayhaqui dans Chouaboul imaan et par d’autres qui l’ont reçu par les voies de Baqiyyah ibn al-Walid d’après Youssouf ibn Kathir d’après Noue ibn Zakwan d’après al-Hassan qui le tenait d’Anas…
Cette voie de transmission est très faible parce que comportant plusieurs lacunes notamment :
1.Youssouf ibn Abi Kathir. Ibn Hadjar dit de lui dans Tahdhiib at-Tahdhiib (11/421) : il est l’un des maîtres inconnus de Baquiyya. »
2.Les hadiths de Noue ibn Zakwaan sont contestables. On lit dans sa biographie dans Tahdhiib at-Tahdhiib (10/184): « Ses hadith sont très contestables
Ibn Ady dit : « Ses hadiths ne sont pas conservés. Ibn Hibban dit : « Ses hadith sont très contestés. Il faut s’en passer. Abou Nouayme dit : « On a rapporté d’al-Hassan des hadiths difficiles à croire. Il a un registre contenant des hadiths rapportés de Hassan d’près Anas qui ne valent rien ( ?) » Extrait succinct.
Voilà pourquoi bon nombre d’ulémas ont jugé le hadith faible. C’est le cas d’Ibn Hibban dans al-Madjrouhiin (3/47) et d’Ibn Ady dans al-Kamil (8/299) et d’Ibn al-Djawzi dans al-Mawdhoaat (3/182) et d’al-Bousyari dans Misbahou az-Zoudjadjah (2/188) et de Sakhaawi dans al-Maqaasid al-hassanah (515). Cheikh al-Albani le qualifie dans as-silsilah adh-dhaiifa n°241d’apocryphe.
Les hadiths authentiques cités auparavant nous dispensent de ces deux hadiths faibles. Celui qui voudrait en savoir davantage sur le sujet peut se référer à l’ouvrage d’Ibn Abi Dounaya intitulé al-Djoue ou à Moukhtassarou Minhadj al-Qassidiine d’Ibn Qoudamah ou à Zaad al-Maaad d’Ibn al-Qayyim ou à Charh Riyaad as-Salihiine du Cheikh Ibn Outhaymine. Voir la réponse à la question n°6503.
Allah le sait mieux.