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Une objection suscitée par un hadith selon lequel le passage d'un chien, d'un âne ou d'une femme devant un fidèle en prière entraine la nullité de celle-ci!!

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Date de publication : 10-07-2020

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Question

Un chrétien a interrogé une femme musulmane sur la raison pour laquelle l'islam assimile la femme au chien et lui a cité le hadith selon lequel quand une femme passe devant un fidèle en prière, celle-ci devient caduc, hadith cité dans le Sahih de Mouslim.

Voilà pourquoi j'espère - c'est urgent- que vous éluciderez l'ambigüité qui entoure  ce hadith et placerez  la réponse dans votre site web afin que les musulmanes puissent la consulter. Merci.

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Louanges à Allah

Nous pouvons répondre à l'auteur de cette objection ou à celui qui a souligné cette ambigüité en lui rappelant des choses fondamentales dont il faut tenir compte pour pouvoir appréhender la question de manière précise:

Premièrement, il n'existe rien dans l'univers qui n'ait pas ressemblance avec d'autres choses, ne serait ce que dans des aspects généraux. L'homme ressemble aux choses inertes en ce sens que les deux sont des créatures existantes. Il ressemble à l'animal en ce sens qu'ils sont tous les deux des créatures vivantes qui mangent, boivent , vivent et meurent. C'est pourquoi les logiciens définissent l'homme en disant que c'est un animal qui parle. Il existe encore beaucoup de points de ressemblance entre l'homme et les plantes en ces sens qu'ils vivent , produisent et ont besoin de se nourrir, etc.

Cheikh al-islam Ibn Taymiya (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit: Tous deux existants ont quelque part un point de ressemblance, fût-il subtil. Nier absolument toute ressemblance  (entre deux choses existantes)c'est nier leur existence. Extrait de Bayanou Talbis al-Djahmiyyah (7/569).

On ne sait pas qu'un des hommes raisonnables ou  des penseurs ait considéré l'existence des ressemblances déjà indiquées entre l'homme (et les autres créatures) comme un défaut pour l'homme qui justifierait son dénigrement. Les points de ressemblance peuvent avoir des aspects louables et des aspects naturels qui ne justifient ni éloges ni dénigrement.

Deuxièmement, en langue comme en logique, l'établissement d'une ressemblance repose sur quatre piliers: un objet de  comparaison, un objet auquel on compare, lien entre les deux, instrument de la comparaison.

Quand nous voulons établir une ressemblance déterminée, peut on considérer que nous voulons louer ou dénigrer (dès le départ?). Ce serait une lacune que de se focaliser sur la chose à la quelle on compare car il faut aussi envisager le lien (ce que les deux choses ont en commun).

Il est rapporté que l'un des Compagnons a comparé l'un de ses actes à celui d'un animal. C'est Ammar ibn Yassir (P.A.a) qui dit: Le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) m'a envoyé pour régler une affaire et je me suis souillé en cours de route sans trouver de l'eau (pour me laver) et je me suis roulé dans le sable comme un animal. (Rapporté par al-Bokhari,347 et par Mouslim,368). Nul n'en a déduit qu'il entendait établir entre sa personne et l'animal une  mauvaise ressemblance- à Allah ne plaise- car la langue arabe ne permet jamais de faire une telle déduction.

Aussi faut-il avoir une bonne compréhension de la langue arabe qui est celle du Coran et de la Sunna avant de formuler ces objections insensées qui reflètent une ignorance totale de la stylistique arabe. Il faut procéder à une vérification minutieuse de l'objet de ressemblance avant de formuler l'accusation selon laquelle la comparaison en question (dans le hadith) véhicule un dénigrement de la femme ou de la gente féminine.

Troisièmement, celui qui étudie le hadith mentionné dans la question, à savoir le hadith d'Abou Hourayra (P.A.a) selon le quel le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit: La prière est interrompue par le passage (devant le fidèle en prière) d'une femme, d'un âne et d'un chien. Pour éviter (l'interruption de la prière) il faut se servir d'un objet tel la partie arrière d'un scelle. (Rapporté par Mouslim,511). L'on sait que le point de ressemblance visé n'est pas quelque chose qui porte sur les mauvaises qualités de l'âne et du chien ni que la femme est rabaissée au rang de ces bêtes- à Allah ne plaise-. Comprendre le hadith de cette manière repose sur une légère interprétation. Aicha (P.A.a) n'entendait pas exprimer cette manière de comprendre le hadith quand elle dit: Vous nous avez assimilées  aux ânes et aux chiens! (Rapporté par al-Bokhari,514).

Le seul point de ressemblance ici est le simple fait de participer à un acte concernant la prière, à savoir empêcher le fidèle en prière de se recueillir  et interrompre sa communication avec Allah le Transcendant et Très-haut. Aicha (P.A.a) n'acceptait pas que le passage d'une femme devant un fidèle en prière entraîne la caducité de celle-ci, contrairement à ce que pensaient beaucoup d'autres nobles compagnons (du Prophète).

Il convient d'attirer l'attention sur l'interdiction principielle de passer devant un fidèle en prière puisque cela affecte la validité de la prière. Peu importe que le passant soit un homme, une femme, un être humain ou un animal. En effet, le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) a formulé l'interdiction de cet acte condamnable en ces termes: Si celui qui passe devant un fidèle en prière savait ce qu'il encourt, il préférerait attendre quarante que de passer devant le prieur. Abou Nadher dit: Je ne sais pas s'il a dit quarante jours ou quarante mois ou quarante ans. (Rapporté par al-Bokhari,510).

Bien plus , al-Bokhari (487) et Mouslim (505) ont rapporté qu' Abou Said al-Khoudri  avait l'habitude de placer un objet devant lui-même quand il faisait la prière du vendredi afin d'empêcher que les gens ne passent devant lui. Un jeune issu des Bani Mou'it voulut passer devant lui et Abou Said le repoussa en le saisissant de la poitrine. Le jeune, qui chercha un autre lieu de passage et n'en trouva pas, revient et Abou Said le  repoussa plus violemment que la première fois et le jeune répliqua contre Abou Said. Ensuite , il alla se plaindre auprès de Marwan à cause de l'acte d'Abou Said. Celui-ci le rejoignit auprès de Marwan. Ce dernier lui dit:

-Qu'est ce qui t'a opposé à ton neveu, ô Abou Said?

-J'ai entendu le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) dire: si l'un d'entre vous prie après avoir placé devant lui un objet pour empêcher les gens de passer devant lui et que quelqu'un vient passer, qu'il le repousse, et s'il persiste à passer, qu'il le combatte car c'est un démon.

An-Nawawi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit: «L'expression prophétique c'est un démon fit dire au Qadi: cela signifie que seul Satan le pousse à vouloir passer et refuser de s'en abstenir. On dit encore que l'expression signifie: il agit à l'instar de Satan qui est très éloigné du bien donc de l'acceptation de la Sunna. On dit enfin que par Satan on entend le compagnon car un autre hadith dit: Car il est avec son compagnon Allah le sait mieux. Extrait de Charh Mouslim (4/167).

Ce qui est claire, c'est que le présent hadith a une portée générale et concerne toute personne qui veut passer devant un fidèle en prière et que l'incident impliquant Abou Said n'a rien à voir avec les femmes.

Quatrièmement, s'il est absolument interdit de passer devant un fidèle en prière, que le passant soit un homme ou une femme et s'il est vrai que cela affecte la prière de l'intéressé, des ulémas ont eu recours à une interprétation de l'interruption de la prière mentionnée dans les hadiths en disant qu'il ne s'agit de la caducité de la prière et donc de la nécessité de sa reprise. Car on entend par interruption le fait d'empêcher la perfection , le recueillement  et la concentration qu'elle nécessite.

Al-Qourtoubi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit: Il est vrai que la femme tente, l'âne braie, le chien aboie; actes de nature à perturber le fidèle en prière de sorte à interrompre et à gâter celle-ci. Etant donné que les actes (incriminés) risquent de provoquer la caducité de la prière, on les a assimilé à des facteurs invalidants. Extrait de al-moufhim li maa ashkala min talkhissi Mouslim (2/109).

Ibn Radjab (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) après avoir mentionné une interprétation proche de celle qui vient d'être avancée dit:« Une autre interprétation plus plausible consiste à dire : étant donné que le fidèle en prière s'entretient avec Allah dans un état de proximité et de retraite, l'ordre lui est donné d'éviter que Satan viole cette retraite spéciale et cette proximité. Voilà qui explique  l'institution de l'usage d'une barrière en cas de prière de peur que Satan ne nous envahisse et altère ledit état et bloque les matières qui alimentent l'intimité et la proximité. Car Satan est damné et éloigné de la présence divine. S'il réussit à s'infiltrer  dans l'ambiance créé autour  du fidèle en prière, son infiltration entraîne un éloignement et une rupture des matières qui apportent la miséricorde, la proximité et l'intimité. C'est pour ce sens-Allah le sait mieux- qu'on demande spécifiquement à se mettre à l'abri de ces trois choses (en cas de prière):

-la femme: car les femmes sont les filets de Satan. Quand une femme quitte son foyer , Satan l'accompagne. Satan n'a réussi à éloigner Adam de la Demeure de Proximité que par le truchement de la femme.

-le chien noir comme précisé dans le hadith.

- l'âne: c'est ce qui explique l'ordre donné de demander la protection d'Allah à l'entente de ses braiements  car il braie quand il voit le diable.

Voilà pourquoi le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) nous a donné l'ordre de se mettre tout près de la barrière de peur que Satan ne passe entre le fidèle et sa barrière. Mais ce passage n'entraîne pas la caducité de la prière et la nécessité de sa reprise. Allah le sait mieux. Il ne fait qu'en diminuer la valeur d'après la précision faite par Omar et par Ibn Massoud comme il a été indiqué lors de l'évocation du passage d'un individu devant un fidèle en prière.

En effet, le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) a donné l'ordre de repousser le passant voire de le combattre si nécessaire en disant :Ce n'est qu'un démon Selon une autre version il est avec un compagnon. L'imperfection qu'entraîne le passage des animaux en question est particulièrement imputable à Satan. C'est ce qu'on entend quand on dit qu'il s'agit d'une interruption non une annulation impliquant la nécessité d'une reprise. Allah le sait mieux.» Extrait de Fateh al-Bari d'Ibn Radjab (4/135).

Cinquièmement, il n'est ni juste ni équitable de la part d'un chercheur, quelles que soient sa confession et son idéologie,  de piquer un texte isolé et équivoque donc susceptible d'être interprété différemment et qui ne relève pas du champ de ses recherches, pour en faire un prétexte dans le but de remettre toute une religion dotée d'une parfaite législation et des règles, comme l'islam, en cause et occulter des dizaines de textes et des principes religieux qui honorent la femme d'une manière qu'on ne retrouve pas dans les autres religions, législations et lois.

D'après Aicha (P.A.a) le Messager d'Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit: Les femmes ne sont que les sœurs germaines des hommes. (Rapporté par at-Tirmidhi (113) et jugé authentique par al-Albani dans Sahihi Abou Dawoud (234). Al-Khattabi dit : Les femmes ne sont que les sœurs germaines des hommes. signifie qu'elles sont leurs égales et leurs semblables quant à leur nature et la manière dont ils sont créés. C'est comme si elles étaient prélevées des hommes. Parmi les leçons de droit musulman qu'on tire du hadith: quand un discours est conçu avec des termes marqués par la masculinité il n'en concerne pas moins les femmes, à moins qu'il s'agisse de sujets particuliers que des arguments permettent de spécifier.» Extrait de Maaalim as-sunan (1/79).

Les ulémas ont tiré de ce hadith un argument pour soutenir que toute obligation prescrite aux hommes l'est aussi aux femmes et que tout ce qui est permis aux hommes l'est aussi aux femmes et qu'il ne peut y avoir une discrimination sans fondement textuel. C'est pour cette raison que le Coran s'adresse aussi bien aux hommes qu'aux femmes à de nombreux endroits comme dans ces paroles du Très-haut:

-Quiconque, mâle ou femelle, fait une bonne œuvre tout en étant croyant, Nous lui ferons vivre une bonne vie. Et Nous les récompenserons certes, en fonction des meilleures de leurs actions. (Coran,16:97).

-Les Musulmans et Musulmanes, croyants et croyantes, obéissants et obéissantes, loyaux et loyales, endurants et endurantes, craignants et craignantes, donneurs et donneuses d'aumône, jeûnants et jeûnantes, gardiens de leur chasteté et gardiennes, invocateurs souvent d'Allah et invocatrices: Allah a préparé pour eux un pardon et une énorme récompense.

Voir à toutes fins utiles la réponse donnée à la question n° 70042, à la question n° 40405 et à la question n° 132959.

Allah le sait mieux.

Source: Islam Q&A