Vendredi 15 Chaabaan 1446 - 14 février 2025
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Al Amana (la responsabilité) en Islam

Question

Que signifie le terme amaana (responsabilité)? Quelle est la sanction réservée à celui qui ne la respecte pas? Comment pourrait-il se repentir? Quels sont les arguments tirés du Coran et de la Sunna?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Selon la Charia, le terme "Amana" a deux significations : l'une générale et l'autre particulière.

La signification générale : Elle englobe tous les ordres et les interdits de la Charia. Ceci s'atteste dans la Parole d'Allah le Très-Haut : « Nous avions certes, proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes Al-Amana [l’engagement ou la responsabilité d'adorer Allah Seul, de faire le bien et d'éviter le mal], lis ont refusé de la porter et en ont eu peur, alors que l’homme s'en est chargé ; car il est très injuste [envers lui-même] et très ignorant » (Coran : 33/72).

L’imam Ibn Kathir (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a cité un ensemble de propos de certains ulémas parmi les ancêtres pieux, relatifs à l'explication du terme "Amana". Puis il a dit : « Tous ces propos ne se contredisent pas. Bien au contraire, ils concordent et renvoient à l’idée qu’il s’agit de la responsabilité et à l'acceptation des ordres et des interdits et leurs conditions qui leurs sont attachées, à savoir que si on exécute les ordres, on sera récompensé et si on les refuse, on sera sanctionné. L'homme a accepté les charges bien que faible, ignorant et injuste, excepté celui qui bénéficie de l'assistance d'Allah. Et Allah est Garant de l’assistance » Extrait de Tafsir Ibn Kathir (6/489).

C'est cette signification que l’imam Ibn Djarir At-Tabari (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a adopté puisqu'il a dit :« L'avis qui semble le plus juste est celui émis par ceux qui disent : " Par le terme "Amana" usité en cet endroit (verset coranique), on désigne toutes sortes de responsabilités religieuses ainsi que les dépôts confiés des gens." Car en disant : " Nous avons proposé Al-Amana ", Allah n'a pas spécifié certaines significations de la  Amana, selon la description que nous en avons faite. » Extrait de Tafsir At-Tabari (19/204-205).

L’imam Al-Qourtoubi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Le terme "Amana" englobe toutes les fonctions religieuses selon l'avis juste soutenu par la majorité des ulémas. » Extrait de Tafsir Al-Qourtoubi (17/244).

Allah, le Très-Haut, dit : « et qui veillent à la sauvegarde des dépôts qu’on leur a confiés et qui honorent leurs engagements. » (Coran : 23/8).

L'exégète, Cheikh Mohammed Al-Amine Ach-Chinqiti (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Le terme "Amana" englobe tout dépôt confié dont Allah t’a chargé de garder et t’a donné l'ordre de préserver. Ainsi, elle englobe la préservation de tes membres de tout ce que Allah n'agrée pas, et la sauvegarde de tout ce qu’on t’a confié des droits des gens...» Extrait de Adhwaâ Al-Bayan (5/846).

La signification particulière de "Al-Amana" :

Al-Amana désigne tout ce que l'homme doit préserver et veiller à exécuter concernant les droits revenant aux autres.

Tous les textes religieux concordent pour indiquer qu'on doit la préserver, de ne pas la perdre (dilapider), ni la trahir. Elle est fréquemment citée dans les livres des ulémas, des Fouqahas et sur les lèvres des gens. C’est peut-être le sens que l'auteur de la présente question vise.

Cette Amana revêt trois formes connues :

La première forme : Elle a trait aux droits financiers établis par un contrat, comme les dépôts confiés, les créances, les bails et consorts, et ceux non établis par un contrat comme les objets perdus ramassés (Louqata) et tout autre bien perdu que l'on retrouve.

On lit dans Al-Mawssou’a Al-Fiqhiya Al-Koweïtiya (6/236) : « L'investigation a montré que Al-Amana est employée par les Fouqahas dans deux sens :

Le premier sens : il s'agit d'une chose déposée auprès d'une personne de confiance. Ce qui est le cas dans :

A - Le contrat où la Amana est l'objectif d’origine (originel). C’est le cas du contrat de dépôt d’un objet placé chez une personne pour en assurer la garde. Dans ce cas, le sens de dépôt confié est plus restreint que celui de la Amana, car tout dépôt confié est une Amana mais l'inverse n'est pas juste.

B - Le contrat où la Amana est incluse sans en être l'objectif d’origine (originel). C'est comme la location, le prêt d’objets, la spéculation, la procuration, le partenariat et le gage.

C - Ce qui ne fait l'objet d'aucun contrat comme un bien perdu ramassé. C'est encore comme le bien d’un voisin lancé par le vent dans la maison. Tout cela entre dans le cadre de ce qu'on appelle les dépôts légaux. »

La deuxième forme : La garde des secrets des gens.

D'après Abou Saïd Al-Khoudari (Qu’Allah soit satisfait de lui), le Messager d'Allah (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) a dit : « Certes, relève des plus grandes responsabilités (Amana) auprès d'Allah au Jour de la Résurrection, l’homme qui a des rapports sexuels avec sa femme, puis qui divulgue son secret. » (Rapporté par Muslim : 1437).

Et d'après Djaber ibn Abdallah (Qu’Allah soit satisfait de lui), le Messager d'Allah (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) a dit : « Quand quelqu’un parle, puis il jette des regards furtifs autour de lui : c’est une Amana (on doit garder sa confidence). » (Rapporté par Abou Dawoud : 4868 et par At-Tirmidhi : 1959 et qualifié par lui de bon et par Al-Albani d'authentique dans As-Silsila As-Sahiha (4868).

La troisième forme : Les responsabilités et les postes publiques et privées.

Ils relèvent de la Amana car on doit les accomplir avec justice et équité. Le poste de gouvernant est une Amana, le poste de juge est une Amana, le poste de directeur dans un quelconque établissement est une Amana, et la responsabilité d'une famille est une Amana. Il en est ainsi pour toutes les responsabilités et les postes.

D'après Abou Houreïra (Qu'Allah soit satisfait de lui) le Messager d'Allah (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) a dit : « Quand la Amana sera négligée totalement, attendez-vous à l'Heure (la fin du monde). » (Rapporté par Al-Boukhari : 6496).

Abou Dharr (Qu'Allah soit satisfait de lui) a dit : « J’ai dit : " Ô Messager d’Allah, pourquoi ne me nommes-tu pas à un poste ? » Il m’a tapé sur l’épaule avec sa main avant de dire : « Ô Abou Dharr, Tu es quelqu’un de faible ! C'est une responsabilité et, au Jour de la Résurrection, ce sera une source d’avilissement et de regret, sauf pour celui qui l’aura prise justement et l’aura exercé correctement. » (Rapporté par Muslim, 1825).

Deuxièmement :

Ce que la charia prescrit pour bien gérer les responsabilités publiques et privées est de les assumer d'une manière jugée appropriée religieusement, de même qu’il est interdit de les négliger et de les trahir.

Allah le Très-Haut dit : « Ô vous qui croyez ! Ne trahissez pas Allah et le

Messager. Ne trahissez pas sciemment les Amanat (les dépôts qu’on vous a confiés et tous les devoirs qu’Allah vous a prescrit) alors que vous le savez. » (Coran : 8/27).

Allah le Très-Haut dit : « Certes, Allah vous commande de rendre les dépôts à leurs ayants-droit… » (Coran : 4/58).

Trahir dans la gestion d'un dépôt confié constitue un signe d'hypocrisie. D'après Abdallah ibn Amr (Qu’Allah soit satisfait de lui et de son père) le Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) a dit : « Quatre vices font de celui qui les possède un hypocrite pur, et celui qui en possède une, possède l'une des tares de l’hypocrisie tant qu’il ne s'en est pas débarrassé : il trahit ce qu’on lui confie, il ment lorsqu’il parle, s’il fait un pacte il est perfide et s'il se dispute il est pervers.» (Rapporté par Al-Boukhari : 34 et par Muslim : 58).

Troisièmement :

Trahir la Amana (dépôts confiés) constitue l'un des péchés majeurs. Cependant, bien que le péché est énorme, la porte du repentir reste ouverte.

Allah, le Très-Haut, dit : « Dis: "Ô Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez pas de la miséricorde d'Allah. Car Allah pardonne tous les péchés. Oui, c'est Lui le Pardonneur, le Très Miséricordieux. » (Coran : 39/53).

Allah, le Très-Haut, dit encore : « Et c'est Lui qui agrée de Ses serviteurs le repentir, pardonne les méfaits et sait ce que vous faites. » (Coran : 42/25).

D'après Abou Houreïra (Qu'Allah soit satisfait de lui) le Messager d'Allah (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) a dit : « Toute personne qui se repent avant que le soleil ne se lève du couchant verra son repentir agréé par Allah. » (Rapporté par Muslim : 2703).

Le vrai repentir sincère consiste à s'empresser à cesser le péché, à le regretter et à se résoudre à ne plus récidiver. Ensuite, si la trahison de la Amana concerne un droit d’Allah, le Très-Haut, le pécheur devra, en plus du repentir et de la demande de pardon, assumer la charge légale relative à la réparation du manquement commis, si elle existe, comme le rattrapage ou l’acte expiatoire.

Si, par exemple, celui qui trahit la Amana du jeûne en s’abstenant délibérément d'observer le jeûne du Ramadan, il doit, en plus du repentir, rattraper les jours non jeûnés. Et s’il a interrompu le jeûne par un rapport intime, il doit procéder à un acte expiatoire (en plus du rattrapage). Et il en est ainsi pour les autres prescriptions religieuses.

Mais si la trahison de la Amana concerne les droits des gens, on doit, en plus de ce qui est expliqué auparavant, restituer le droit à son propriétaire ou demander son pardon.

D'après Abou Houreïra (Qu'Allah soit satisfait de lui) le Messager d'Allah (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) a dit : « Celui qui a commis une injustice envers un autre, en portant atteinte à son honneur ou autre préjudice, qu’il sollicite d'en être déchargé aujourd’hui avant qu'il n'y ait plus ni dinar ni dirham. Car, s'il possède de bonnes œuvres, on en prélèvera ce qu'il faut pour réparer l'injustice qu'il avait commise. S'il ne possède pas de bonnes œuvres, on lui imputera les mauvais actes de son antagoniste. » (Rapporté par Al-Boukhari : 2449).

L’imam An-Nawawi (Puisse Allah le Très-Haut lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Selon les ulémas, c'est un devoir que de se repentir de chaque péché. Si celui-ci résulte d'un acte de désobéissance commis par le fidèle serviteur envers Allah, le Très-Haut, et n'a rien à voir avec les droits d’un humain, le repentir requiert trois conditions :

La première est de cesser l'acte de désobéissance.

La deuxième est de le regretter.

La troisième est de se résoudre à ne plus récidiver.

A défaut de l'une de ces trois conditions, le repentir ne sera pas valide.

Si l'acte de désobéissance concerne un être humain, les conditions du repentir passent à quatre dont les trois déjà mentionnées plus le fait de se libérer de l’obligation envers l'ayant droit :

- S'il s'agit de l'argent (ou consort), on le restitue à son propriétaire.

- S'il s'agit d'une diffamation, on donne à la victime la possibilité de se faire justice ou de pardonner.

- S'il s'agit d'une médisance, on demande pardon à la victime. » Extrait de Riyadh As-Salihine (p.14).

Voir à toutes fins utiles, à propos de la manière de demander pardon à la victime d'une médisance, la réponse donnée à la question N° 6308.

Et Allah, le Très-Haut, sait mieux.

Source: Islam Q&A