Mercredi 24 Djoumada 2 1446 - 25 décembre 2024
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A l’origine les animaux sont licites alors que ceux égorgés ainsi que les viandes sont illicites

Question

Il existe une règle juridique présentée par l’érudit as-Saadi dans son poème, selon laquelle les viandes sont en principe interdites. Son disciple, Ibn Outhaymine, l’a commentée en disant qu’elle ne s’applique pas aux animaux puisqu’au contraire ceux-ci sont l’objet d’une licité principielle.La règle concerne la viande comme celle d’un gibier tombé dans l’eau ou celle d’une bête égorgée par un inconnu.

Un des cheikh a tenu des propos pareils dans le cadre de sa réfutation de ladite règle reprise par l’érudit Ibn al-Qayyim et contestée par le cheikh en question.Celui-ci n’en a pas moins confirmé les propos d’Ibn Outhaymine selon lesquels en cas d’interférence entre une cause d’interdiction et une autre de permission, la première l’emporte.Il a cité le cas du gibier tombé dans l’eau.Dans sa réfutation de la règle, il s’est référé à la consommation par des Compagnons de la viande de l’âne avant son interdiction mais à un moment où aucun argument ne fondait la licité de sa consommation.Il a affirmé qu’aucune divergence de vues n’opposait les Compagnons à propos de la licité de la consommations des viandes.La divergence n’est apparue qu’à l’avènement de leurs sucesseurs.

La règle a été abordée par les spécialistes du droit musulman. Son évocation dans leurs livres doit-elle interprétée dans un sens absolu selon lequel en principe viande et animaux trouvés morts sont interdits de sonsommation? Lequel des anciens spécialistes du droit a-t-il pris la règle au sens absolu et lequel l’a soumise à la restriction mentionnée par cheikh Ibn Outhaymine et selon laquelle la règle porte sur les viandes non sur les animaux?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Premièrement :

A l'origine, les animaux égorgés et les viandes sont interdits de consommation, de là on ne consomme une bête égorgée que si on connait qu’elle l’a été de façon conforme à la Charia. Voici les propos des ulémas confirmant ce principe :

1. L’imam An-Nawawi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Dans cette formule il y a l'éclaircissement d’une importante règle, à savoir qu’en cas de doute portant sur l’égorgement légal d’une bête, il n’est pas licite d’en consommer la chaire, car à l'origine elle est illicite. Et il n'y a aucune divergence entre les ulémas sur ce point. » Extrait de Charh Sahih Muslim (13/116).

2. L’imam Ar-Rafii' (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Et de même les viandes ne sont pas licites (à l'origine) … Ne vois-tu pas que si on égorge une bête mourante et qu'on doute que ses mouvements au moment de l’abattage : est-ce qu'ils sont causés par l’abattage ou parce qu’elle était encore vivante, dans ce cas-là l’illicéité de sa consommation prime. » Extrait de Fath Al-Aziz Charh Al-Wadjiz (1/280).

3. L’imam Ibn Al-Qayyam (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Ensuite, le deuxième type : le maintien de la qualité qui fonde le jugement jusqu’à preuve du contraire, est une preuve, comme le maintien du jugement de la propreté, le jugement de la souillure, le maintien du lien de mariage, le maintien de la propriété, l’engagement de la conscience jusqu’à preuve du contraire. Le législateur a indiqué que cela peut fonder un jugement puisqu’il le dit à propos du gibier : Si tu le retrouves noyé, ne le consomme pas car tu ne sais pas s’il est tué par ta flèche ou par l’eau. Et ses propos : (si d’autres chiens s’associent au tien pour rattraper la proie, ne la consomme pas car tu as prononcé le nom d’Allah en lâchant ton chien mais tu ne l’as pas fait pour les autres chiens.)

Du moment que les bêtes égorgées sont à l'origine interdites de consommation, si on doute de la présence ou non de la condition de la licéité, le gibier reste interdit comme à son origine. » Extrait d’I’lam Al-Mouwaqqi'n (1/339-340).

Il a dit encore : « Le domaine des bêtes égorgées est soumis au principe d’interdiction, à l’exception de ce qu’Allah et Son Messager ont rendu licite. À supposer l’existence d’une opposition entre l’argument de l’interdiction et celui de l’autorisation, l’argument de l’interdiction doit être retenu pour les trois considérations que voici :

La première : est que cela cadre avec le principe d’interdiction.

La deuxième : est que cela privilégie la précaution.

La troisième : est qu’en cas de contradiction entre deux arguments, ils s’annulent d’eux-mêmes et on se réfère au principe d’interdiction. »

Extrait d’Ahkam Ahl Ad-Dhimma (1/538-539).

4. L'imam Ibn Radjab Al-Hanbali (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Ce qui est considéré interdit originairement comme les rapports sexuels et la viande des animaux, ne devient permis que sur la base de la certitude qu’il est devenu licite par l’abattage correct (concernant l’animal) ou le contrat de mariage (concernant le rapport sexuel).

En cas d’incertitude due à l’apparition d’une autre cause, on se réfère au principe d’origine pour fonder la décision sur sa base. S’il va dans le sens de l’illicéité, on retient qu’il est illicite. C’est la raison pour laquelle le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) a interdit la consommation du gibier qui porte la trace d’une flèche autre que celle tirée par le chasseur ou la morsure d’un chien autre que le sien ou s’il tombe dans l’eau. On explique cela par le fait qu’on ne sait pas si la cause de la mort du gibier est celle le rendant licite ou une autre cause. » Extrait de Djaami’ Al-‘Ouloum Wa Al-Hikam : p.93.

5. Cheikh Abderrahmane As-Saadi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit dans son poème Mandhoumat Al Qawa’id :

« À l’origine, les rapports intimes, les viandes, les vies des personnes et les biens sont interdits à moins qu’il y ait un changement qui les rende permises. Vous devez donc comprendre ce que je dis, qu’Allah vous guide et vous évite la lassitude. »

Expliquant ses propres propos que voilà, il dit : « Cela veut dire que les choses ci-dessus citées sont en principe interdites jusqu’à ce qu’on soit certain qu’elles sont devenues licites. Le rapport sexuel est à l’origine interdit. Il ne devient permis que par la certitude qu’il est devenu licite par un mariage légal ou une possession légalisée. Le même principe régit les viandes qui sont à l’origine interdites jusqu’à avoir la certitude qu’elles sont devenues licites.

Voilà pourquoi en cas de présence de deux causes de la mort de la bête : l’une la rend licite et l’autre la rend interdite, l’interdiction a préséance. Ainsi, l’animal abattu ou le gibier n’est pas licite à consommer » Extrait de la collection complète des œuvres de Cheikh As-Sa'di, Al-Fiqh (1/142).

6. Cheikh Mohammed Ibn Saleh Al-Otheïmine (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Le principe de base pour les bêtes égorgées est qu’elles sont interdites de consommation jusqu’à ce que nous sachions comment elles ont été égorgées, car parmi les conditions de la licéité de leur consommation, il faut qu’elles soient égorgées selon la Charia. » Extrait de Fatawas As-Sayd p.26-27 édité par Abdallah At-Tayyar.

Deuxièmement :

Certains (ulémas) peuvent dire : « A l’origine, l’animal est interdit. » On entend par là l’animal égorgé dont il faut vérifier que l’égorgement s’est fait selon la Charia. On ne vise pas l’animal vivant.

C’est dans ce sens que l’imam Al-Khattabi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « La bête est en principe interdite jusqu’à ce qu’on soit certain qu’elle a été égorgée (selon la Charia). On ne peut pas la juger licite en cas de doute. » Extrait de Ma’alim As-Sunane (4/282).

C’est encore dans ce sens que l’imam Ach-Chatibi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « En principe, le rapport intime est interdit en l’absence de ses conditions légales. Et concernant les animaux, leur consommation est en principe interdite à moins qu’ils ne soient légalement égorgés, et ainsi pour les autres choses légales… » Extrait d’Al-Mouwafaqat (1/401).

Troisièmement :

S’agissant de l’animal vivant, il est à l’origine licite sauf ceux qui sont exclus. Car Allah, le Très-Haut, dit : « C'est Lui qui a créé pour vous tout ce qui est sur la terre… » (Coran : 2/29). Ce verset indique que les choses sont en principe licites y compris les animaux, les plante et d’autres, à moins qu’il y ait une preuve qu’elles sont illicites, comme le fait d’interdire leur consommation : c’est le cas du porc, de l’âne, des canidés et des rapaces, ou le fait d’interdire qu’elles soient tuées comme la huppe, et la pie-grièche, ou encore ceux qu’il est demandé de tuer comme le serpent, la souris et tout ce qui est nocif ou répugnant. Car Allah, le Très-Haut, dit : « Il leur ordonne le convenable, leur défend le blâmable, leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises. » (Coran : 7/157).

On lit dans Al Mawsou’a Al Fiqhiya (18/336) : « Il est difficile de recenser les animaux consommables (pour le musulman). En principe, tous les animaux sont licites dans l’ensemble sauf ce qui est exclus ci-dessous :

- Le premier est le porc qui est interdit formellement dans le Coran, la Sunna et le consensus des ulémas.

Les autres animaux sont l’objet d’une divergence d'avis parmi les ulémas. La majorité des ulémas soutiennent qu’il est interdit de consommer les canidés comme le lion, le tigre, le léopard, le loup, le chien et d’autres ; et les rapaces comme l’aigle, le faucon, le vautour, le faucon pèlerin et d’autres car le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) a interdit la consommation de tout rapace ou canidé.

Ensuite, ils ont divergé concernant certains animaux comme le cheval, l’hyène, le renard, le corbeau. Voir les détails dans le chapitre : denrées alimentaires.

L’école malikite autorise la consommation de tous les animaux à commencer par l’éléphant jusqu’à la fourmi et les insectes, exception faite pour l’humain et le porc qui restent interdits unanimement. Aussi pour les malikites, aucun oiseau n’est interdit selon une version et cet avis est adopté par les imams Al-Layth, Al-Awza’y et Yahya Ibn Saïd (Puisse Allah leur accorder Sa miséricorde). Ils tirent leur argument de la portée générale des versets allant dans ce sens et de la parole d’Abou Ad-Dardaa et d’Ibn Abbas (Qu’Allah soit satisfait d’eux) : « Ce qu’Allah n’a pas mentionné est permis. »

Le deuxième : ce qu’il est ordonné de tuer comme le serpent, le scorpion, la souris et toute bête féroce comme le lion, le loup et d’autres déjà cités.

Le troisième : ce qui est répugnant. En effet, figure parmi les principes qui déterminent la licéité et l’illicéité, le fait de juger la chose bonne ou mauvaise. L’imam Ach-Chafii’ (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) le considère comme le principe le plus grand et le plus général en se référant à la parole d’Allah le Très-Haut : « II leur ordonne le Ma'rouf (le pur monothéisme ainsi que tout ce que l'islam ordonne de faire), leur interdit le Mounkar (polythéisme, mécréance et tout ce que l'islam interdit de faire), leur rend licites les Tayyibat (les bonnes et licites nourritures), leur interdit les Khaba-ith (tout ce qui est mauvais et illicite parmi les nourritures, les actes, les croyances...) »  (Coran : 7/157). Et Sa parole : « Ils t'interrogent (Ô Mohammed) sur ce qui leur est permis (comme aliment). Dis : « Vous sont permises At-Tayyibat (les bonnes nourritures qu'Allah a rendues Halal) … » (Coran : 5/4).

Voir Al-Mawsou’a Al-Fiqhiyya (5/132-147) on y trouve des détails sur les animaux sauvages qui sont en nombre de treize avec la mention des divergences de vues les concernant.

Le résumé :

La différenciation entre l’animal vivant, la bête égorgée et la viande est bien connue et claire. A l'origine l’animal vivant est licite, contrairement à la viande et la bête égorgée qui sont interdites.

On a interrogé cheikh Ibn Otheïmine (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) en ces termes : « A l'origine, les viandes sont-elles licites ou illicites ? » Voici sa réponse : « A l'origine les viandes sont interdites contrairement à l’animal vivant. Les viandes restent illicites jusqu’à ce que nous ayons connaissance ou croyions fortement qu’elles sont licites. Autrement dit, quand nous doutons si un animal est permis ou interdit de consommation, nous l’égorgeons selon la Charia et nous le consommons. Mais quand nous éprouvons le même doute à propos d’une viande puisque nous ne savons pas si la bête a été égorgée ou pas, alors à l'origine elle est interdite jusqu’à ce que nous croyons fortement qu’elle est licite. » Extrait de Liqaa Al-Bab Al-Maftouh (9/234).

Et Allah, le Très-Haut, sait mieux.

Source: Islam Q&A