Jeudi 27 Djoumada 1 1446 - 28 novembre 2024
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Prier seul derrière le rang.

Question

Quand on entre dans une mosquée alors que les fidèles sont déjà en prière et qu’on ne trouve pas de place dans le rang des fidèles devant soi, doit on prier seul derrière eux ou attirer l’un d’entre eux pour l’installer à son côté?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

L'avis le plus répandu au sein de l'école de l'imam Ahmad, et qui est choisis par les ulemas reconnus, est que celui qui prie seul derrière le rang des fidèles en prière ne fait pas une prière correcte

La question a été posé à cheikh Ibn Outheïmine (Puisse Allah, le Très-Haut, lui accorder Sa miséricorde). Voici sa réponse détaillée :

« La question porte sur deux volets :

Le premier volet : est-ce que la prière faite par un homme seul derrière le rang des priants est valide ou non ?

Le second volet : si nous disons qu’elle n’est pas valide, et que le concerné trouve le rang devant lui complet, que doit-il faire ?

S’agissant du premier volet : il est l’objet d’une divergence de vues au sein des ulémas (Puisse Allah leur accorder Sa miséricorde).

Pour les uns, la prière d’un homme seul derrière le rang est valide. Que son auteur ait une excuse ou pas, mais partisans de cet avis le réprouvent en l’absence d’une excuse. Cet avis est celui des imams Malek, Ach-Chafii' et Abou Hanifa. Ils tirent leur argument de la validité de la prière faite par une femme derrière le rang des priants et disent que hommes et femmes sont égaux dans les dispositions légales et rappellent que le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) n’avait pas donné à Abou Bakra (Qu'Allah soit satisfait de lui), qui s’était mis en génuflexion avant de se placer dans le rang, l’ordre de reprendre sa prière (le hadith est cité dans Al-Boukhari N° 783) et que le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) a déplacé Ibn Abbas par derrière (en le faisant passer de sa gauche à sa droite) alors qu’il priait (hadith cité par Al-Boukhari 117 et par Muslim 763).

Et donc, s’il est permis d’être seul dans une partie de la prière, il l’est permis dans toute la prière. Car si le fait d’être seul derrière les autres est susceptible d’invalider la prière, il n’y aurait aucune différence entre la courte et la longue durée du temps qu’on passe dans cette position. Ce serait comme le fait de se mettre devant l’imam !

Ils répondent aux hadiths qui refusent la prière du priant seul derrière le rang des autres en disant que ce refus porte sur la perfection d’une telle prière. C’est comme le cas dans la parole du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) : « Pas de prière en présence d’un repas (servi). » (Muslim : 560) et d’autres hadiths allant dans le même sens.

Pour d’autres ulémas, la prière en question est invalide. C’est l'école de l’imam Ahmed selon l’avis le plus répandu au sein de ses disciples. C’est un des avis qu’il est le seul des Quatre imams à soutenir. Il a un autre avis qui correspond à celui des trois autres imams.

Les partisans de cet avis tirent leurs arguments des traditions (prophétiques) et de la réflexion personnelle.

Concernant ce qui se rapporte à la tradition prophétique : le hadith rapporté par l’imam Ahmed (15862) d’après Ali Ibn Chaybaan (Qu’Allah soit satisfait de lui) selon lequel le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) a vu un homme prier seul derrière le rang des priants. Quand il a terminé sa prière, le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) lui a dit : « Reprends ta prière car la prière de celui qui prie seul derrière le rang est invalide. » Ce hadith est bon et il est étayé par d’autres qui le rendent authentique.

Concernant la réflexion personnelle : La collectivité ou la communauté c'est le rassemblement de personnes dans un endroit pour accomplir des actes. Concernant les actes à accomplir, il s’agit du rassemblement de priants qui prient derrière un imam. Et pour ce qui est de l’endroit, c'est leur rassemblement dans les rangs. Si nous disons qu’il leur est permis de se séparer les uns des autres (de sorte que chacun prie seul), quand est-ce donc se réalisera l'apparence de la collectivité ?!

Aussi ils réfutent les arguments des partisans de l’avis contraire en disant que le fait pour la femme de prier seule derrière les rangs des hommes est présenté par la Sunna comme une de ses particularités. Cela est apparent dans le hadith d’Anas (Qu’Allah soit satisfait de lui) dans lequel il dit : « Nous nous sommes placés, l’orphelin et moi, derrière le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) et la vieille femme s’est placée derrière nous. » (Hadith rapporté par Al-Boukhari N° 234 et par Muslim N° 658). C’est aussi parce que la femme n’est pas autorisée à se mettre à côté des hommes en prière.

Quant au hadith d’Abou Bakra (Qu'Allah soit satisfait de lui), l’intéressé n’est resté seul que peu de temps et le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) lui a dit : « Ne refaits plus cela. »

Concernant le hadith d’Ibn Abbas (Qu’Allah soit satisfait de lui), ce dernier ne s’est pas tenu derrière le rang car il est seulement passé et ne s’est pas établi.

A propos de leur allégation selon laquelle la nullité de la prière (de celui qui prie seul derrière le rang) est une invalidation de sa perfection, elle est rejetée car la négation porte en principe sur l'existence du fait. Quand elle ne peut avoir ce sens, elle porte sur la validité du fait. Et en dernier lieu, elle porte sur la perfection. Or la négation citée dans le hadith : « Pas de prière pour celui qui prie seul derrière le rang » : il est possible qu’elle porte sur la validité et elle doit être ainsi interprétée.

Quant à la référence au hadith : « Pas de prière en présence d’un repas (servi) » elle n’est pas juste pour deux raisons :

La première : est que la cause de cette négation est le fait de se préoccuper du repas, or cette préoccupation du cœur n’entraîne pas la nullité de la prière. C’est comme ce qui est énoncé dans le hadith évoquant l’obsession satanique qui envahit le priant dans la prière. Le diable lui dit : souviens-toi de telle et telle choses parmi celles qui ne lui étaient pas venues à l’esprit. C’est ainsi que le priant ne sait plus le nombre de rakaa'tes qu’il a accompli. » (Rapporté par Al-Boukhari 608 et par Muslim 389).

La seconde : réside dans le fait que le hadith : « Pas de prière pour de celui qui prie seul derrière le rang » indique clairement l’invalidité de la prière puisque le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soit sur lui) a ordonné au Compagnon de refaire sa prière, et l’a justifié que la prière de celui qui prie seul derrière le rang est invalide.

Selon un hadith de Wabissa (Qu'Allah soit satisfait de lui), le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soit sur lui) a vu un homme qui priait seul derrière le rang et lui a ordonné de refaire sa prière. » (Rapporté par Abou Dawoud 682 et par At-Tirmidhi 230).

Cela étant, il est clair que l’avis le plus prépondérant est l'obligation de prier dans le rang, que la prière de celui qui prie seul derrière le rang n’est pas valide, et qu’il doit la refaire car il n’a pas respecté l’obligation de prier dans le rang.

Cependant, comme toutes les autres obligations, l’obligation de se mettre dans le rang s’annule faute de place dans le rang ou à cause d’une incapacité légale ou physique conformément à la parole d’Allah le Très-Haut : « Craignez Allah donc autant que vous pouvez... » (Coran : 64/16) et la parole du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soit sur lui) : « Si je vous donne un ordre, exécutez-le dans la mesure du possible. » (Rapporté par Al-Boukhari : 7288 et par Muslim : 1337).

Donc, l’intéressé doit prendre place dans le rang de la prière s’il y trouve une place, si non il n’est plus obligé de le faire. Il en serait de même si à l'origine il n’a pas de place selon la Charia, il n’est plus obligé de le faire.

Voici l’exemple du premier cas : s’il trouve le rang complet, il peut prier seul derrière car l’incapacité exempte de l’obligation.

L’exemple du second cas concerne la femme qui prie avec des hommes. Elle doit se placer seule derrière eux, conformément à la Sunna. Cet enseignement de la Sunna peut servir de base pour un raisonnement par analogie sur le cas d’un homme qui prie seul derrière le rang pour n’y avoir pas trouvé de place car l’impossibilité physique est assimilable à l’impossibilité légale.

Ceci devient plus clair dans le cas d’un homme qui trouve le rang devant lui complet : soit il avance et se place à côté de l’imam, ou bien il tire quelqu’un du rang pour le placer à son côté, ou alors il prie séparément du groupe, ou enfin il prie seul derrière le rang avec le groupe.

Quant au fait d’avancer pour se mettre au côté de l’imam, il entraîne :

1.La transgression de la Sunna qui veut que l’imam soit seul dans sa position afin de se distinguer nettement des autres dans sa position et dans ses actes. Le fait pour le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soit sur lui) de se mettre à côté d’Abou Bakr (Qu'Allah soit satisfait de lui) en prière (Rapporté par Muslim, 413) ne contredit pas la règle que voilà car c’est le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soit sur lui) qui est l’imam et qui est venu se placer à côté d’Abou Bakr (Qu’Allah soit satisfait de lui) qui est son remplaçant éventuel. Il s’y ajoute qu’Abou Bakr (Qu’Allah soit satisfait de lui) ne pouvait pas retourner dans le rang et qu’il était dans l’intérêt de tout le monde qu’il soit là où il était pour leur transmettre les takbirs (Allah Akbar) de l’imam.

2. Le fait d’avancer pour se mettre à côté de l’imam dérange les priants auprès desquels il passe pour arriver à l’imam.

3. Le fait de se mettre à côté de l’imam fait perdre à un éventuel arrivant la possibilité de se mettre à côté de lui pour former un nouveau rang.

Quant au fait de tirer quelqu’un du rang pour le mettre à son côté, il implique trois choses qu'il faut appréhender :

La première : est de créer une brèche dans le rang. Ce qui transgresse l’ordre du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soit sur lui) de serrer les rangs pour ne pas permettre au diable de profiter des failles. (Rapporté par Ahmed : 5691 et par Abou Dawoud : 666 et jugé authentique par Al-Albani dans As-Sahiha).

La deuxième : est que c’est une injustice envers le priant attiré que de le déplacer d’une place privilégiée à une autre inférieure.

La troisième : est qu’il va perturber celui qu’il va tirer vers lui dans sa prière. Il se peut qu’il va se disputer avec lui ou l’insulter après la prière.

On ne saurait opposer à cela le hadith rapporté du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soit sur lui) selon lequel il a dit à un homme qu’il avait vu prier seul derrière le rang : « Pourquoi tu ne t’es pas inséré dans le rang ou tiré quelqu’un à ton rang. » Ce hadith est faible et ne peut pas servir d’argument. (Rapporté par At-Tabarani dans Al-Awsat (8/374) et Al-Haythami l’a qualifié de très faible).

Quant au fait pour lui de prier seul et ne pas participer à la prière collective tout en étant capable de le faire, c’est un acte de désobéissance.

Concernant le fait pour lui de participer à la prière collective seul derrière le rang, c’est un accomplissement du devoir dans la mesure du possible.

En effet, celui qui participe la prière collective est tenu de faire deux choses :

La première est de prier avec le groupe des priants.

La deuxième est de se mettre dans le rang avec les priants.

Si l’une des deux s’avère impossible, l’autre s’impose.

Si on dit : « La parole du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soit sur lui) : « La prière d’un homme seul derrière le rang est invalide. » est une expression à portée générale qui ne fait pas la distinction entre le rang complet et celui qui est incomplet. La réponse est que cela indique l’invalidité de la prière pour celui qui la fait seul derrière le rang car il n’a pas respecté l’obligation de se mettre dans le rang avec les autres. Mais s’il n’est pas capable de le faire, il en est dispensé. Et le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soit sur lui) ne peut pas annuler sa prière parce qu'il a abandonné une obligation qu'il il n’était pas capable d'accomplir.

L’équivalent de ce hadith est celui où le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soit sur lui) a dit : « Pas de prière pour celui qui ne récite pas la mère du Coran (Al Fatiha). » (Rapporté par Al-Boukhari : 756 et par Muslim :594) et son hadith : « Pas de prière pour celui qui n’a pas fait ses ablutions. » (Rapporté par l’imam Ahmed :  9137 et par Abou Dawoud : 101et par Ibn Madja : 399). Si cet hadith est authentique.

Celui qui est incapable de réciter la Fatiha ou de faire ses ablutions, qu'il accomplisse la prière sans les faire (la Fatiha et les ablutions) et elle est suffisante légalement mais il lui est requis de réciter du Coran l’équivalent de la Fatiha (7 versets) ou d’invoquer d’Allah s’il ne peut rien réciter du Coran ; de même qu'il accomplisse le Tayammum (purification avec la terre), s’il est incapable de faire ses ablutions.

En conclusion : Prier dans le rang dans la prière collective est une obligation. Celui qui arrive alors que le rang est complet peut prier seul derrière le rang. Il ne doit pas avancer pour se mettre au côté de l’imam, ni tirer vers lui quelqu’un du rang pour le mettre à son côté, ni abandonner la prière collective.

L’avis selon lequel il lui est permis de faire la prière collective seul derrière le rang pour une excuse légale est choisi par Cheikh Al-Islam Ibn Taïmiyya et notre cheikh Abderrahman As-Sa’di, et aussi par certains oulémas qui ont pour avis qu’il est permis de le faire avec ou sans excuse.

Louange à Allah le Maître des univers.

Source: Islam Q&A