Lundi 24 Djoumada 1 1446 - 25 novembre 2024
Français

Ne pas respecter l’ordre des sourates et des versets dans la récitation

Question

Ma question concerne l’ordre dans lequel on doit lire les sourates du Coran dans la prière récitée à haute voix et dans celle secrète. Le prieur doit-il réciter les sourates et les versets selon l’ordre de leur succession dans le Coran. C’est-à-dire réciter la sourate al-Kawthar  dans la première rak’a puis la sourate  Nasr  dans la deuxième rak’a. Est-il permis par exemple de réciter du verset 50 au verset 60 de la sourate de la vache dans la première rak’a puis de réciter ensuite les versets 10 - à 20 dans la deuxième rak’a ? J’espère recevoir un éclaircissement de cette affaire assortie d’une explication de la cause.

Texte de la réponse

Louange à Allah.

La lecture de ce qui suivit (normalement) avant ce qui précède (normalement) du Coran est appelée  tankis  (inversion). Elle comporte plusieurs aspects : l’inversion des lettres, l’inversion des mots, l’inversion des versets et l’inversion des sourates.

Quant à l’inversion des lettres, elle consiste à alterner l’ordre des lettres d’un mot de façon à mettre la dernière avant la première. Pour le mot  rabb  par exemple on dirait  barr . Ceci est indiscutablement interdit et il entraîne la nullité de la prière car il revient à changer l’ordre dans lequel Allah a établi le Coran. En outre, il aboutit le plus souvent à une considérable modification du sens. » Voir ash-Sharh al-moumti’ d’Ibn Outhaymine, 3/110.

Quant à l’inversion des mots, elle consiste à changer l’ordre de succession des mots en plaçant un mot avant un autre qui doit le précéder, en disant par exemple : « l’Unique Allah Il dis «  au lieu de  Dis Il est Allah l’Unique . Cette pratique est aussi indiscutablement interdite parce qu’elle aboutit au changement de l’ordre dans lequel Allah a établi Ses propos. Voir ash-Sharh al-moumti, 3/110.

Quant à l’inversion des versets, elle consiste à lire un verset avant celui qui le précède. C’est-à-dire par exemple : réciter le verset n° 3 après avoir récité le verset n° 4 de la sourate 114. A ce propos al-Qadi Iyad (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : «  Il n’ y a aucune divergence sur le fait que l’agencement des versets a été fixé tel qu’il est actuellement dans le Coran par Allah le Très Haut. C’est aussi dans cet état que la Umma l’a reçu de son prophète (bénédiction et salut soient sur lui). Extrait du commentaire d’An-nawawi, 6/62). C’est aussi ce que dit Ibn al-Arabi selon al-Fateh, 2/257.

Cheikh Ibn Outhaymine dit : « l’inversion des versets est aussi interdite selon l’avis le plus plausible, car l’agencement fait l’objet d’un arrêt définitif. Ce qui signifie que cela traduit l’ordre du Messager d’Allah (bénédiction et salut soient sur lui). Voir ash-Sharh al-Moumti; 3/110.

Quant à l’inversion des sourates qui consiste à lire une sourate avant celle qui la précède par exemple la sourate 3 avant la sourate 2, son statut a fait l’objet des avis que voici :

- les ulémas qui soutiennent que l’agencement des sourates n’a pas fait l’objet d’un arrêt définitif n’y trouvent aucun inconvénient ;

- ceux qui pensent que ledit agencement a été définitivement arrêté et que le consensus des Compagnons est une référence en la matière, ne l’autorisent pas.

L’avis juste est que l’agencement des sourates n’a pas été l’objet d’un arrêté définitif car il ne repose que sur l’opinion de certains Compagnons et qu’il n’y a pas eu de consensus au sein des Compagnons sur la question puisque le Coran d’Abd Allah Ibn Massoud comportait un agencement différent (de celui que nous connaissons).

La Sunna  comporte des éléments qui corroborent la permission (de changer l’ordre de succession des sourates) :

A. D’après Houdhayfa, il a dit : « J’ai prié au cours d’une nuit avec le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) et il commença la sourate de la vache et je me suis dit : il s’arrêterait au 100e verset, mais il le dépassa et je me suis dit encore : peut-être il va réciter toute la sourate au cours d’une rak’a.

Mais il poursuivit sa lecture et commença la sourate des femmes et la récita puis récita celle d’Al-Imrane. »  (rapporté par Mouslim, 772). Il s’agit de retenir que le hadith indique qu’il a récité la sourate 4 avant la sourate 3. A ce propos an-Nawawi dit : Selon al-Qadi Iyadh :  le hadith fournit un argument à celui qui soutient que l’ordre de succession des sourates repose sur un simple avis des musulmans qui ont rassemblé le Coran et qu’aucun classement n’avait été établi par le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui). Bien au contraire, il en laissa le soin à la Umma.  Il poursuit : C’est l’opinion de Malick et la majorité des ulémas. C’est aussi le choix de Qadi Abou Bakr al-Baqilani. Ibn al-Baqilani dit : c’est l’avis le plus juste de deux avis tous plausibles.  Il poursuit encore :   Nous disons que le classement des sourates -tel qu’il figure actuellement- n’est pas obligatoire ni dans l’écriture ni dans la prière ni dans l’enseignement, ni dans l’initiation et l’apprentissage et qu’il n’est l’objet d’aucun texte ni arrêté interdisant son non respect. C’est pourquoi le classement adopté dans les exemplaires du Coran antérieurs à celui d’Outhmane est différente.  Il poursuit encore :   Le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) et les membres de la Umma venus à travers les siècles se sont permis de ne pas respecter l’ordre de succession des sourates dans la prière, l’enseignement et l’initiation.  Il dit encore : « quant aux ulémas qui soutiennent que le classement a fait l’objet d’un arrêté du Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) qui l’a fixé selon la disposition de l’exemplaire d’Outhmane et que les différences constatées à cet égard avaient eu lieu avant que les gens n’aient appris la décision portant sur la disposition définitive, ceux-là interprètent la récitation par le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) de la sourate 4 avant la sourate 3 en disant que cela s’était passé avant l’établissement du classement définitif des sourates, quand les deux sourates se présentaient dans l’ordre suivi par le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) selon l’exemplaire d’Oubay. Il dit encore :   Il n’y a aucune divergence sur le fait qu’il est permis au prieur de réciter dans la deuxième rak’a une sourate qui précède celle lue dans la première rak’a. Mais cette pratique reste réprouvée dans la même rak’a et pour celui qui récite en dehors de la prière. Cependant d’autres l’autorisent . Dit-il.  L’interdiction de l’inversion du Coran émise par les anciens est interprétée en disant qu’elle s’applique à la pratique qui consiste à réciter une sourate en allant de la fin au début.  Il dit ensuite : «  Il n’y a aucune divergence sur le fait l’ordre de succession des versets de chaque sourate a été arrêté par Allah le Très Haut dans son état actuel qui figure dans le Coran et tel que rapporté par la Umma de son Prophète (bénédiction et salut soient sur lui). C’est ici que se terminent les propos de Qadi Iyadh. Allah le sait mieux. Sharh- Mouslim, 6/61-62

As-Sindi dit : « Ses propos :  puis il commença Al-Imran  implique le non respect du classement des sourates dans la récitation. Sharh an-Nassaï, 3/226.

B. D’après Anas Ibn Malick (P.A.a), un homme des Ansar lui servait d’imam à la mosquée de Quba. L’homme avait l’habitude dans ses prières de les commencer d’abord par la récitation de :  Dis il est Allah l’Unique  avant de réciter une autre sourate ; il se comportait ainsi dans chaque rak’a. Et puis ses Compagnons lui dirent : tu commences toujours par cette sourate (112) mais tu ne t’en contentes pas puisque tu ajoutes une autre. Eh bien, ou bien tu t’en contentes ou bien tu choisis une autre à sa place. "... Il leur dit : « Je ne l’abandonnerai pas ; si vous aimez que je continue de vous diriger la prière comme je le fais, je continue. Si vous réprouvez ma manière de diriger la prière, je vous laisse. Ils pensaient qu’il était parmi les meilleurs d’entre eux et n’aimaient pas qu’un autre leur servît d’imam. Quand le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) vint chez eux, ils l’informèrent de l’affaire. Il dit :  ô Un tel ! Qu’est ce qui te pousse à maintenir cette sourate dans chaque rak’a ? 

- Il dit :  C’est parce que je l’aime  - Ton amour pour elle te fera accéder au paradis  dit le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui). (rapporté par Boukhari, 2901).

Il s’agit de retenir de ce hadith que l’homme en question persistait à réciter la sourate -112) avant celle qui la précèdent et que le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) l’a approuvé. »

C. La pratique d’Omar (P.A.a)

L’imam al-Boukhari a dit : « Al-Ahwaf a récité  al-Kahf (18e sourate) dans la première rak’a et Youssouf (12e sourate) et Younous (10e sourate) dans la seconde et a mentionné qu’Omar (P.A.a) s’était comporté de la même façon au cours d’une prière du matin qu’ils ont effectuée ensemble.

Chapitre sur  la réunion de deux sourates dans une rak’a extrait du livre sur l’appel à la prière. 

5/ S’agissant de la dernière partie de la question, nous disons qu’il est permis de réciter les versets (50 à 60) de la sourate 2 dans la première rak’a puis de réciter les versets (1 à 20) de la même sourate dans la deuxième rak’a, puisque le sens du texte se dégage entièrement. Mais les versets (10 à 20) comporte une rupture dans leur sens. C’est pourquoi il est préférable de les abandonner. Peut être avez-vous mentionné les numéros à titre d’exemple et ne visez pas ces versets précisément. Allah le sait mieux.

Source: Sheikh Muhammed Salih Al-Munajjid