Vendredi 21 Djoumada 1 1446 - 22 novembre 2024
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La prosternation de gratitude (Soudjoud Ach-Chokr) a-t-elle des conditions ?

Question

La prosternation de remerciement dépend-t-elle de conditions comme le port du voile musulman et les ablutions?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Nous résumons nos propos sur la prosternation de gratitude dans les points suivants :

1. La prosternation de gratitude est une des meilleures expressions de gratitude de la part du serviteur envers son Seigneur Majestueux et Très-Haut parce qu’elle s’accompagne de la soumission à Allah en posant le plus noble des organes qui est le visage, sur le sol. Elle exprime la gratitude du cœur, de la langue et des autres membres.

2. La prosternation fait partie des Sounanes prophétiques authentifiées, abandonnées par bon nombre de gens.

3. L’avis opposé à son institution est jugé faible parce que contraire à ce qui a été rapportée par une voie authentique du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) et de ses Compagnons (Qu’Allah soit satisfait d’eux).

4. La prosternation se justifie chaque fois qu’une grâce générale se produit pour les musulmans ou qu’un malheur leur sera épargné, ou lorsqu’un musulman reçoit une grâce personnelle, que ce soit par son propre effort ou pas, et chaque fois qu’un malheur lui est évité.

L’imam Ach-Chawkani (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Si tu dis : mais il (le musulman) reçoit des grâces divines à tout instant ! » Je réponds : « Il s’agit des grâces qui se renouvellent en permanence et qui peuvent se produire ou ne pas se produire. C’est pourquoi le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) ne s’est prosterné qu’en cas de renouvellement de ces grâces en dépit des bienfais successifs dont il en était gratifié en tout temps. » As-Sayl Al-Djarrar (1/175).

5. Ce qui est juste, c’est que la prosternation de gratitude n’est pas soumise aux mêmes conditions qui régissent la prière, comme la pureté rituelle, la couverture de la ‘Awra (les parties du corps que la personne musulmane ne peut dévoiler ou ne peut laisser apparaitre et qu’autrui ne peut regarder), et l’orientation vers la Qibla (direction de La Ka’ba) et d’autres. Ceci est l’avis d’un grand nombre des ancêtres pieux. Il est choisi par une partie des Malikites et d’un bon nombre de ulémas largement reconnus à l’instar d’Ibn Djarir, Ibn Hazm, Cheikh Al-Islam Ibn Taïmiyya, Ibn Al-Qayyam, Ach-Chawkani et As-San’ani. Beaucoup de nos cheikhs l’ont jugé le plus prépondérant. Figurent parmi eux cheikh Abdelaziz Ibn Abdallah Ibn Baz, cheikh Mohammed Ibn Saleh Ibn Otheïmine, cheikh Abdallah Ibn Abderrahmane Ibn Djabrine (Puisse Allah leur accorder Sa miséricorde) et d’autres.

Certains oulémas soumettent la prosternation de gratitude aux mêmes conditions qui s’appliquent à la prière surérogatoire. C’est l'avis de l'école Chafiite, de la majorité des Hanbalites et d’une partie des Malikites et Hanafites.

Parmi les arguments avancés par les partisans du premier avis :

A/ Soumettre la prosternation de gratitude à l’acquisition d’un état de pureté rituelle ou d’autres conditions liées à la prière doit être justement argumenté. Ce qui n’est pas le cas, car l'obligation de ces conditions n'a été indiquée ni dans le Coran, ni dans la Sunna, ni par le consensus, ni encore par le raisonnement par analogie. Or, il ne nous est pas permis d’imposer à la communauté du Prophète Mohammed (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) des dispositions religieuses non argumentées.

B/ Selon le sens apparent du hadith d’Abou Bakra (Qu’Allah soit satisfait de lui) : « Lorsque le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) apprenait, ou qu’on lui apportait, une bonne nouvelle, il se prosternait pour remercier Allah. » (Rapporté par At-Tirmidhi : 1578 qui l’a jugé bon et par Abou Dawoud :2774 et par Ibn Madja : 1394).

D’autres hadiths qui rapportent que le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) s'est prosterné la prosternation de gratitude n’indiquent pas que le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) se purifiait avant de procéder à cette prosternation. Le fait pour lui de se prosterner spontanément signifie qu’il se livrait à l’acte chaque fois qu’il se justifiait. Peu importe qu’il fût rituellement pur ou pas. C’est aussi ce que faisaient ses Compagnons (Qu’Allah soit satisfait d’eux).

C/ Si l’acquisition de la pureté rituelle, ou d’autres conditions de la prière, étaient exigées avant de procéder à la prosternation de gratitude, le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) l’aurait éclairci à sa communauté puisqu’elle en a besoin. En effet, il est inconcevable que le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) pratiquât cet acte et le recommandât aux membres de sa communauté sans leur éclaircir nulle part qu’il doit être précédé par l’acquisition de l’état de pureté rituelle et d’autres conditions et sans qu'il l'ordonne à ses Compagnons ou qu'on ne nous en rapporte de cela aucun hadith !

D/ Le motif de la prosternation apparait subitement alors que le concerné peut ne pas être en état de pureté rituelle, et le retardement de l’acte par rapport au moment de la survenue de sa cause, pour faire ses ablutions, fait rater le secret pour lequel l’acte est institué.

H/ Les conditions évoquées, telle la pureté rituelle et autres, ne régissent que la prière. Ceci s’atteste dans un hadith d’Ibn Abbas (Qu’Allah soit satisfait de lui) selon lequel le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) était sorti des toilettes. Puis on lui a apporté de la nourriture et on lui a évoqué les ablutions… Il a dit : « Est-ce que je vais prier, que je devrais faire mes ablutions ? » (Rapporté par Muslim : 374). Or la prosternation de gratitude n’est pas une prière car la Charia ne l’a pas appelé ainsi. Elle n’est pas non plus une Rakaa' ou deux Rakaa'tes. Et le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) ne lui a légiféré (Sunna) ni Takbir, ni salut ni formation de rang, ni présence d’un imam, comme il l’a institué pour la prière faite pour les morts, pour les deux prosternations réparatoires à faire après la prière, et pour le reste des prières. De là, la prosternation de gratitude n’est pas soumise aux mêmes conditions que la prière.

F/ L’assimilation de la simple prosternation à l’ensemble des Dhikrs pratiqués dans la prière et en dehors d’elle, comme la lecture du Coran, qui demeure la meilleure composante de la prière, le Tasbih (Soubhana Allah), Tahmid (Alhamdou Lillah), le Takbir (Allah Akbar) et le Tahlil (La ilaha illa Allah) actes qui, faits en dehors de la prière, ne nécessitent pas l’acquisition de la propreté rituelle, il en est de même pour la prosternation de gratitude.

Les ulémas de la Commission Permanente ont dit : « Ce qui est juste c’est que la prosternation de gratitude et la prosternation de récitation (Soudjoud At-Tilawa), à faire par celui qui récite et celui qui l’écoute, ne nécessitent pas l’acquisition d’un état de pureté rituelle car elles ne s’assimilent pas à la prière. »

Signé : cheikh Abdelaziz Ibn Baz, cheikh Abderrazzaq Afifi et cheikh Abdallah Ibn Qa’oud.

Fatawas de la Commission permanente (7/263).

6. L’avis le plus prépondérant concernant la manière d’effectuer la prosternation en question est qu’on ne prononce pas le Takbir ni à son début, ni à sa fin. Et elle ne s’accompagne pas de Tachahhoud (c’est l'invocation récitée en posture assise à la fin de la deuxième Rakaa' de la prière et à la fin de la dernière) ni d’un Taslim (le salut final). Cette précision est donnée par l’imam Ach-Chafii', affirmée dans une version attribuée à l’imam Ahmed, et c'est un avis chez l'école Chafiite, car rien de cela n’a été rapporté du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui), ni de l’un de ses Compagnons.

Cheikh Al-Islam Ibn Taïmiyya (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) soutient que la Charia ne prévoit dans cette prosternation ni Tachahhoud ni Taslim, et qu'accomplir ces deux actes est une innovation qu'il est interdit de faire.

Cheikh Al-islam, Ibn Taïmiyya (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « S’agissant de la prosternation de gratitude, personne n’a rapporté du Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui), ni de ses Compagnons que la prosternation s'achève par un Taslim, ni que l’un d’eux le faisait. L’imam Ahmed Ibn Hanbal et d’autres ulémas n’y incluaient pas le Taslim. L’une des deux versions rapportant ses avis exclue le Taslim, faute de preuve légale (texte). L’autre version qui prévoit un seul salut ou deux ne s’appuie sur aucun texte mais sur le recours au raisonnement par analogie. Les Fouqahas qui y prévoient un Taslim ne se réfèrent à aucun texte mais seulement au raisonnement par analogie ou en citant les propos d’ulémas de la génération des premiers successeurs des Compagnons (Tabii'nes). » Madjmou’ Al Fatawas (21/277)

L'imam Ibn Taïmiyya (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit à propos de la prosternation de gratitude et de celle de récitation : « Le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) ne les appelait pas ‘prière’ et n’y prévoyait pas la formation d’un rang derrière un imam comme cela se fait dans la prière faite pour les morts et dans les deux prosternations de réparation postérieures au Taslim et comme dans l’ensemble des prières. Et le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) n'y a pas légiféré (Sunna) le Taslim, cela n’a pas été rapporté de lui, ni par une chaîne de rapporteurs valide, ni faible, et il n’y a pas intégré un Takbir d’initiation. C’est une pure innovation. » Madjmou’ Al Fatawas (23/271).

7. La prosternation ne s’accompagne d’aucun Dhikr déterminé. Le fidèle prosterné peut dire une formule adaptée à la situation : louer Allah, Lui rendre grâce, L’invoquer, solliciter Son pardon…etc.

À ce propos l’imam Ach-Chawkani (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Si tu dis : "Les hadiths ne précisent pas ce que disait le Prophète (Bénédiction et salut d’Allah soient sur lui) pendant sa prosternation. Alors que doit dire le fidèle en cette posture ?" Je dirais : « Il lui convient de remercier énormément Allah le Puissant et Majestueux car c’est une prosternation de gratitude. » » Voir As-Sayl Al-Djarrar (1/286).

8. On ne procède pas à la prosternation de gratitude si on apprend une bonne nouvelle alors qu’on est en train de prier car le motif de la prosternation dans ce cas est complètement étranger à la prière. Si le priant se prosterne sciemment, sa prière serait caduque comme s’il y ajoutait sciemment une prosternation de trop ou s’y prosternait pour réparer une faute commise dans une autre prière. Et c’est encore comme s’il intégrait une prière dans une autre prière.

Ceci est l'avis de l'école Chafiite adopté aussi par la majorité des Hanbalites. Mais d’autres hanbalites estiment qu’il est recommandé de procéder à une prosternation de gratitude dans le cas que voilà en s’appuyant à un raisonnement par analogie pour l’assimiler à la prosternation de récitation. Leur argument peut être réfuté comme suit : ce raisonnement est inexact, en raison de l’existence d’une différence entre les deux éléments comparés. Car la prosternation de récitation repose sur une cause qui fait partie de la prière, à savoir la récitation. Quant à la prosternation de gratitude, sa cause est étrangère à la prière.

Cheikh Mohammed Ibn Saleh Al-Otheïmine (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Quiconque procède à une prosternation de gratitude (en pleine prière), connaissant le verdict et s’en rappelant, alors sa prière s'annule. Ce que l’auteur a dit est exact. Autrement dit : la prosternation de gratitude annule la prière pour l’absence de rapport entre elle et la prière, contrairement à la prosternation de récitation dont le motif, qui est la récitation, fait partie de la prière. » Voir Ach-Charh Al-Moumti’ Ala Zad Al-Moustqna’ (4/107-108).

9. La prosternation de gratitude est recommandée à celui qui se trouve sur une monture. Il la fait en se penchant en avant dans la mesure du possible.

10. Il est permis de rattraper la prosternation de gratitude quand on n’a pas été en mesure de la faire au moment opportun.

Si l’on reçoit une bonne nouvelle ou que l’on obtient un bienfait et qu'on ne se prosterne pas immédiatement en l’absence d’une excuse, une partie des ulémas estiment qu’on ne peut pas rattraper la prosternation parce qu’on n’a pas d’excuse pour l’avoir retardée. » Voir Hachiyat Qalyoubi (1/209).

Extrait organisé avec une légère complémentation d’une recherche intitulée "Soudjoud Ach-Chokr wa Houkmouhou Fi Al Fiqh Al Islami" du Dr Abdallah Ibn Abdelaziz Al-Djabrine (Qu’Allah lui pardonne) publié dans Madjallat Al Bouhouth Al Islamia (36/267-309).

Et Allah, le Très-Haut, sait mieux.

Source: Islam Q&A